lui en l'écrivant, et il ne pouvoit pas comprendre 1692-1694 qu'il pût être si fort nuisible aux personnes qui le £1. 71-73 liroient. Ceux qui ont connu plus particulièrement M. de La Fontaine, ajoute Pouget, n'auront pas de peine à convenir qu'il ne faisoit pas de mensonge, en parlant ainsi, quelque difficile qu'il paroisse de croire cela d'un homme d'esprit, et qui connoissoit le monde. >> en accepte de la résistance pour Pouget cependant parvint facilement à convaincre La Fontaine La Fontaine, qu'il se trompoit, et il le fit consentir une, à faire, au sujet de ses Contes, tout ce qu'il lui prescriroit 59; mais notre poëte montra beaucoup plus de mais il fait résistance pour l'autre point. Pouget avoit appris autre qu'il avoit composé, depuis peu, une pièce de théâtre trouvée excellente par tous ceux qui l'avoient lue, et qu'il devoit bientôt la remettre aux comédiens pour la faire jouer. Pouget exigeoit que La Fontaine fit le sacrifice de cette pièce, se fondant sur ce que la profession de comédien étant interdite par les lois de l'Eglise, il n'étoit pas permis de les entretenir dans cette profession en travaillant à des pièces, pour les faire représenter. Le poëte, qui avoit encore présent à l'esprit la controverse, qui avoit eu lieu à ce sujet entre Nicole et son ami Racine, trouva cette opinion de Pouget trop sévère, et en appela au sentiment d'hommes plus 11 deraande âgés et plus instruits. Pouget y consentit volon- des docteurs tiers, et promit d'avance d'acquiescer à la décision, qui seroit rendue par des théologiens compétents. La Fontaine consulta la Sorbonne, et entre autres pour arbitres en Sorbonne, qui condam nent son sen timent. 1692-1694 M. Pirot, savant professeur, et depuis chancelier At.71-73 de l'Eglise et de l'Université de Paris. Pirot et les autres docteurs de Sorbonne dirent à La Fontaine, et brule une avoit compo sée. que son jeune directeur lui avoit dit la vérité, et il se sonmet n'avoit rien exagéré; alors il jeta sa pièce au feu, et comédie qu'il comme il n'en avoit pas de copie, elle n'a jamais été publiée. Ces deux articles réglés, notre poëte se prépara à une confession générale; il ́y employa beaucoup de temps; sa tête étoit entièrement libre: il se La Fontaine confessa ensuite, ajoute Pouget, avec des sentiments de piété très-édifiants. se confesse. Cependant la maladie de La Fontaine s'étant aggravée, ses médecins jugèrent qu'il étoit temps de lui faire recevoir le saint viatique. Il fixa lui-même le jour, et convint la veille avec le jeune vicaire du curé de Saint-Roch, qu'il feroit prier Messieurs de l'Académie française de s'y trouver par députés. Le 12 février 1693, jour fixé, qui étoit le premier jeudi de carême, les députés de l'Académie se rendirent à dix heures du matin à l'église, et accompagnèrent le Saint-Sacrement, qu'on porta chez La Fontaine. La Fon- Lorsque Pouget fut entré dans la chambre, elle ment, et se trouva remplie de personnes de la plus haute février 1693. distinction, et d'hommes de lettres qui s'étoient taine reçoit le Saint-Sacre le 12 joints aux académiciens, et qui vouloient être témoins de cet acte pieux. Le Saint-Sacrement fut posé sur la table devant le malade, qui se trouvoit assis dans un fauteuil. Pouget fit les prières prescrites par le rituel, et dès qu'il les eut terminées, La Fontaine, en présence de cette nombreuse assem demande pardon à Dieu de présence des blée, exprima, dans les termes les plus formels, 1692-1694 son repentir d'avoir composé ses Contes, et les in- Et. 71–73 tentions où il étoit de passer le reste de ses jours dans les exercices de la pénitence, et de ne plus s'occuper ses Contes, en qu'à la composition d'ouvrages de piété. Pouget membres de lui fit ensuite une exhortation pieuse, et le recom- de plusieurs manda aux prières de tous les assistants. Tous se mirent à genoux et prièrent, tandis que le malade recevoit le saint viatique. Ainsi se termina cette pieuse cérémonie. La conversion de La Fontaine fit du bruit, et donna de me l'Académie et personnages illustres. L'abbé de Tallemant et Madame Des houlières demandentaussi se confesser. la célébrité au jeune vicaire de Saint-Roch. L'abbé Pouget pour de Tallemant, de l'Académie française, et MTM Deshoulières, qui se mouroient à la même époque, voulurent avoir aussi Pouget pour les assister dans leurs derniers moments 6. dame de la janvier 1693. sort de sa La Fontaine se rétablit; mais, en retrouvant la vie, il ne retrouva plus l'amie qui en avoit fait le charme et la consolation. Mme de La Sablière étoit Mort de Mamorte aux Incurables, le 8 janvier 1693 6. Sa mai-Sablière, le 8 son, que notre poëte habitoit depuis vingt ans, cessa d'être aussi la sienne. Il en étoit sorti pour n'y La Fontaine plus rentrer, lorsqu'il rencontra dans la rue M. d'Her- maison. vart, qui lui dit avec empressement : « mon cher M. d'Hervart La Fontaine, je vous cherchois pour vous prier de venir loger chez moi 63.» « J'y allois,» répondit Réponse tou La Fontaine. D'où vient cet attendrissement invo- Fontaine. lontaire que nous fait éprouver un dialogue si court et si simple? C'est qu'il semble nous retracer les vertus des premiers siècles; c'est qu'on y voit un lui offre un asile. chante de La 1692-1694 ami incapable de douter un instant du cœur de son At. 71-73 ami. Sans doute, beaucoup de personnes alors auroient dit à La Fontaine comme M. d'Hervart, M. et de ma d'Her dame de vart pour La Fontaine. venez loger chez moi; mais il n'y a que le seul d'Hervart auquel il ait pu répondre, J'y allois. La Fontaine alla donc demeurer rue Plâtrière dans cet hôtel d'Hervart, célèbre par les fresques de Mignard, et dont nous avons déjà parlé“. Pour Soins de connoître les touchantes attentions dont il fut l'objet chez son nouvel hôte, il suffit de rapporter un seul fait. Notre poëte avoit toujours été fort simple dans ses habillements; mais dans les derniers temps de sa vie, sans cesse occupé de vers ou de pratiques de dévotion, enfin affaissé par le poids des années, La Fontaine il porta la négligence jusqu'à la malpropreté, et négligé dans il fut plus que jamais sujet aux distractions. Un de ses amis le rencontra un jour, et lui fit compliment sur son habit neuf. La Fontaine fut fort surpris. En effet, il portoit depuis deux jours cet habit sans s'en être aperçu, parce que Mme d'Hervart avoit soin depuis long-temps, sans qu'il le sût, de substituer des vêtements neufs à ceux qu'il avoit usés ou tachés 65. devient très ses habille ments. Le poëte Gacon adresse en vers à La Fontaine. Le poëte Gacon, qui, jeune alors, n'avoit pas trois épitres encore composé les odieux libelles et les dégoûtantes satires qui, depuis, ont rendu son nom seul une injure 66, mécontent de la conversion de La Fontaine, lui adressa, à cette époque, trois épîtres en vers pour l'engager à secouer le joug des décisions ecclésiastiques, et à composer de nouveaux contes. 67 et veut l'engager a com Afin de persuader à La Fontaine que ses produc- 1692-1694 tions en ce genre ne sont pas nuisibles aux mœurs, Æl. 71-73 et que même elles leur sont utiles, il reproduit le même argument que La Fontaine avoit déjà lui-même poser de nou exprimé dans des vers bien supérieurs à ceux de Gacon. J'ouvre l'esprit, et rends le sexe habile A se garder de ces piéges divers. Sotte ignorance en fait trébucher mille, Contre une seule à qui nuiroient mes vers 68, veaux contes. Fontaine de Jui adreser au moins un quatrain. Gacon auroit voulu aussi que La Fontaine lui adressat prie La au moins un quatrain. Il dit qu'il le priseroit plus que deux ou trois cents ducats, plus que les faveurs de sa maîtresse, et que les vins les plus délectables. Mais, se doutant bien que notre poëte, qui est, selon lui, les délices du Parnasse, ne céderoit pas à ses instances, il termine en disant : En mon calcul je m'abuse D'oser espérer que ta Muse persévèredans sa conversion, et se onmet, pénitence, qu'il cache a La Fontaine ne fit aucune attention aux épîtres La Fontaine de Gacon". Il persévéra dans les sentimens religieux qu'il avoit solennellement professés. Il se soumitades rigueurs même, par pénitence, à des rigueurs que son pre- ses amis. mier directeur Pouget ne lui avoit ni prescrites, ni conseillées, et que ses amis ont ignorées tant qu'il a vécu : il portoit sur lui un cilice que l'abbé d'Olivet a vu entre les mains de Maucroix, qui le gardoit |