Imatges de pàgina
PDF
EPUB

1689-1692

D'avoir rencontres importunes,

De liseur de vers sans répit,
De maîtresse ayant trop d'esprit
Et de la chambre des communes.

Æl. 68-71

Jacques II

est trahi par

toute sa fa

Cependant, par l'assistance de Louis XIV, Jacques II se transporta en Irlande, où il fut accueilli avec une joie extraordinaire. Londonderry fut la seule ville qui ne voulut pas le reconnoître 25. Il assiégeoit cette ville, où les rebelles s'étoient retirés, à l'époque à laquelle La Fontaine écrivoit sa lettre au prince de Conti, c'est-à-dire dans le mois de mai 1689. Divers bruits couroient à Paris sur l'issue de ce siége, et sur les événements de la guerre d'Irlande. Quels que fussent les torts de Jacques II en politique, on le reconnoissoit universellement pour un souverain clément, pour un homme bon et sensible; et l'Europe n'avoit pu voir, sans une sorte d'horreur, un gendre détrôner son beau-père, un père abandonné par ses deux filles, un roi trahi et persécuté par des sujets qui lui ei par ceux devoient leur fortune et leur élévation. Parmi ceux auxquels dont la conduite révolta davantage, fut Churchill, plus de bien. depuis si célèbre sous le nom de duc de Marlborough, l'ami intime et le favori de Jacques II, et le confident de ses amours avec sa sœur Arabella Churchill. La Fontaine, cependant, n'en parle pas, parce que sa trahison, déjà ancienne, n'étoit plus la nouvelle du jour; mais il fait mention des lords Halifax 26 et Danby ", qui contribuèrent le plus à Danby. faire décerner la couronne d'Angleterre au prince d'Orange et à sa femme, et qui, cependant, avoient

mille,

de ses sujets

il

avoit fait le

Des lords Halifax et

1689-1692 reçu les plus grands bienfaits de Jacques II, et Et. 68-71 de son frère Charles II. Il paroît aussi qu'alors il Des bruits couroit des bruits peu avantageux sur Bentinck: ce favori du prince d'Orange étoit accusé de s'être approprié les deniers publics.

peu avanta

geux qui con

roient Bentinck.

sur

Halifax, Bentinck et Danby

N'ont qu'à chercher quelque alibi,
Pour justifier leur conduite.
Quoi qu'en puisse dire la suite,
C'est un très-mauvais incident.
Halifax sembloit fort prudent;
Danby, je ne le connois guère;
Bentinck à son maître sut plaire,
Jusqu'à quel point je ne dis mot:
S'il n'eût été qu'un jeune sot,
Comme sont tous les Ganymèdes,
On auroit enduré de lui,

Et dans la pièce d'aujourd'hui
Bentinck feroit peu d'intermèdes ;
Mais prompt, habile, diligent
A saisir un certain argent,
Somme aux inspecteurs échappée,
Il a du côté de l'épée

Mis, se dit-on, quelques deniers.
Après tout, est-il des premiers
A qui pareille chose arrive?
Ne faut-il pas que chacun vive?
Cependant il a quelque tort,
Si le gain est un peu trop fort,
Vu les Anglais et leurs coutumes.
Le proverbe est bon, selon moi,
Que qui l'oue 28 a mangé du roi,
Cent ans après en rend les plumes.
Manger celles du peuple anglois,
Est plus dangereux mille fois.
Bentinck nous en saura que
dire.
Je n'y vois pour lui rien à rire;
On va lui barrer bien et beau
Le chemin aux grandes fortunes.

Je suis loin de donner pour des autorités histo

William Ben

tinck.

riques les vers de notre poëte, et ce qui se débitoit 1689-1692 alors à Paris sur les serviteurs du prince d'Orange, Æt. 68-71 qu'on n'aimoit guère; mais il n'y a point lieu de dou-Détails sur ter que ce Bentin (c'est ainsi qu'a écrit La Fontaine, ou son éditeur), ne soit le Bentinck qui eut toute la confiance de Guillaume III. Né en 1648, William Bentinck fut d'abord page d'honneur du prince d'Orange 9. En 1688, il fut envoyé, par lmi, pour complimenter le nouvel électeur de Brandebourg, et avec la mission secrète de tâcher d'en obtenir des troupes, pour l'invasion de l'Angleterre que le prince d'Orange méditoit. Bentinck se fit accorder par l'électeur plus même que le prince n'avoit demandé. Il paroît qu'à l'époque où La Fontaine écrivoit, on répandoit le bruit que Bentinck s'étoit rendu coupable de concussions assez fortes. Comme il avoit la faveur de son souverain, cela ne l'empêcha pas de parvenir aux honneurs; et, après avoir été successivement nommé gentilhomme de la chambre, membre du conseil privé, il fut créé pair, avec le titre de comte de Portland, deux jours avant le couronnement de Guillaume III; enfin, il fut fait lieutenant-général des armées, et envoyé comme ambassadeur en France, en 1698. Les ducs de Portland actuels 30 descendent directement de ce Bentinck; il est le premier auteur de leur illustre maison, dont les armes ont pour devise ces deux mots français Craignez honte. Je ne rechercherai pas jusqu'à quel degré Bentinck fut fidèle à cette devise; mais il est certain que s'il jouit de la faveur de son

Londonderry.

1689-1692 maître, il n'obtint pas celle de la nation anglaise, et 1. 68-71 que l'opinion publique lui fut toujours contraire3. Du siége de La Fontaine parle ensuite du siége de Londonderry, et semble prévoir l'événement qui fut fàcheux pour Jacques II; il échoua devant cette bicoque, et fut obligé de se retirer. Enfin le bon homme voyoit très-bien que le roi d'Angleterre n'avoit pas les qualités nécessaires pour reconquérir un trône.

Dernière lettre de La Fon

Londonderry s'en va se rendre ;

Voilà ce qu'on me vient d'apprendre 32;
Mais, dans deux jours, je m'attends bien
Qu'un bruit viendra qu'il n'en est rien.
J'ai même encor quelque scrupule;
Ce siége est-il un siége, ou non?
Il ressemble à l'Ascension,
Qui n'avance ni ne recule.

Les gens trop bons et trop dévots
Ne font bien souvent rien qui vaille.
Faut-il qu'un prince ait ces défauts 33 ?

Dans la dernière lettre écrite par La Fontaine au taineau prince prince de Conti, parmi celles qui nous ont été con

de Conti

1689.

servées, il n'est question que de changements et de nominations dans la robe et dans la finance. Les événements de la guerre paroissoient comme suspendus, et le prince de Conti même se disposoit à quitter l'armée. Il fut permis au premier président Novion; qui falsifioit ses arrêts, et qu'on auroit dû chasser ignominieusement, de se démettre de sa Novion vend charge. Il la vendit à M. de Harlay pour la somme de de Harlay. cent mille écus, et M. de Harlay céda pour sept cent De Harlay mille francs celle de procureur-général, à M. de La à La Briffe. Briffe, gendre de M. de Novion. Pontchartrain avoit

sa charge à

cède la sienne

succède à Le

succédé dans la place de contrôleur-général à M. Le 1639-1692 Pelletier. Le roi avoit donné entrée, au conseil, E. 68-71 à M. de Seignelay; ce qui lui donnoit rang de mi- Pontchartrain nistre 34. Enfin l'exaltation d'Ottoboni, sous le nom Pelletier. d'Alexandre VIII, au trône de saint Pierre, avoit gnelay a ensuspendu les différents de Rome et de la France. Ce seil. sont toutes ces nouvelles dont La Fontaine entre- nommé pape. tient le prince de Conti. Il commence par Harlay.

Son éloge entier iroit loin:
J'aime mieux garder avec soin
La loi que l'on doit se prescrire
D'être court et ne pas tout dire.

Il passe ensuite à Pontchartrain.

Pontchartrain règle les finances.
Si jamais j'ai des ordonnances,
Ce qui n'est pas près d'arriver,
Il saura du moins me sauver
Le chagrin d'une longue attente,
Et lira d'abord ma patente.
Homme n'est plus expéditif,
Mieux instruit, ni plus inventif.

M. de Sei

trée au con

Ottoboni est

sur Pontchar

L'histoire de l'élévation de Pontchartrain est sin- Détails gulière, et mérite d'être rapportée. Son père fut un train. des juges de Fouquet : la probité de ce magistrat fut inflexible aux menaces et aux caresses de Colbert, de Le Tellier et de Louvois; il ne put trouver lieu à condamnation. La vengeance des ministres le poursuivit dans son fils, qui ne put jamais obtenir la survivance de la charge de président à la chambre en disgrace. des comptes que possédoit son père. Il fut réduit à être simple conseiller aux requêtes du palais, et resta ainsi pendant dix-huit ans sans espérance de fortune. Lorsqu'en 1677 la place de premier président au par

Pourquoi il fut d'abord

« AnteriorContinua »