1689-1692 de Croy, qui avoit célébré ce mariage, seroit arrêté, Et. 68-71 et que son procès lui seroit fait à la requête du procureur-général. Ainsi se termina cette célèbre affaire, dans laquelle Louis XIV, comme dans plusieurs autres occasions, se montra grand monarque, en ne gênant en rien l'indépendance de la justice, et en préférant l'exécution des lois à l'accomplissement de ses volontés 15. La Fontaine étoit présent à la plaidoirie et au jugement, qui fut rendu dans cette cause; il en fait, Récit de cette dans sa lettre au prince de Conti, un récit en vers très-plaisant, et en même temps fort exact, qu'il termine ainsi : aventure par La Fontaine, et les aveux qu'il fait à ce sujet. La Force, non sans quelque honte, Qui lui promettoient de grands biens. Et quand j'aurois tout à mon choix, Cette déclaration du bon homme étoit bien franche et bien sincère. Il oublioit qu'il étoit marié, et il le >> 16 tails sur Mademoiselle de La Force. pouvoit facilement, car depuis long-temps il se 1689-1692 comportoit comme s'il ne l'avoit jamais été. Au Et. 68-71 reste son bon cœur perce à la fin de sa lettre. Il dit au prince de Conti, qu'il lui écrit, sub sigillo confessionis, et il le supplie de ne communiquer sa lettre à personne. « Mlle de La Force est trop affligée, et il y auroit de l'inhumanité à rire d'une » affaire qui la fait pleurer si amèrement 1. » La Fontaine eut souvent occasion depuis de voir Derniers déMlle de La Force, chez la jeune douairière de Conti qui aimoit son esprit, et à laquelle elle a dédié ses Mémoires de la reine Marguerite de Navarre ". Elle fut fort liée avec Chaulieu, et avec toutes les personnes de la société du duc de Vendôme que fréquentoit La Fontaine 18. Long-temps après on attribua à Mlle de La Force des chansons satiriques et impies, qui coururent manuscrites sur diverses personnes de la cour '; ce qui, joint à sa conduite assez scandaleuse, détermina Louis XIV à lui ordonner de sortir du royaume, ou d'accepter de lui une modique pension, en entrant dans un couvent "0. Comme elle n'avoit rien, elle choisit ce dernier parti, et mourut à Paris, en mars 1724, à l'âge d'environ 70 ans 11. 21 20 La lettre de La Fontaine au prince de Conti, relative à l'affaire de Mlle de La Force, est uniquement consacrée à ce sujet; mais il n'en est pas de même de celle qu'il lui adressa le mois d'ensuite. Cette seconde lettre est, comme l'autre, mélangée de prose et de vers; mais La Fontaine y parle des Seconde letde Conti tre au prince 18 août 1689. 1689-1692 nouvelles de diverses parties de l'Europe, qui faiEt. 68-71 soient le sujet des conversations de Paris. Il débute d'abord par des stances à la louange de la princesse de Conti, qui commencent cependant par son propre éloge; ce qui ne réussit qu'aux bons poëtes, toujours sûrs de ne pas être démentis par leurs lecteurs. J'ai rang parmi les nourrissons Eloge de la princesse de Conti. Singulier reproche de La Qui sont chers aux doctes pucelles, Après avoir loué la princesse de Conti, il passe Fontaine con- aux affaires d'Italie : « C'est-à-dire d'une princesse tre Innocent XI. Mort d'Inno cent XI, le >> extrêmement vive à un pape qui va mourir. » Celui-ci véritablement N'est envers nous ni saint ni père : La Fontaine ignoroit que six jours avant la date 13 août 1689. de sa lettre, qui est du 18 août 1689, le pape étoit mort, universellement et justement regretté. Le peuple de Rome, après sa mort, l'invoqua comme un Saint, et se disputa ses reliques". qu'on pape. doit Du jugement En effet Benoît Odescalchi, qui prit le nom d'Inporter de ce nocent XI, en montant sur le trône de saint Pierre, qu'il occupa près de treize ans, est un des hommes qui ont le plus honoré la tiare par leur désintéres Æt. sement, leur piété, leur zèle pour le maintien de 1689-1692 la discipline, leur haine pour le népotisme, la fer- t. 68-71 meté de leur caractère et leur talent comme souverain. Quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir des démêlés de la cour de Rome avec Louis XIV, relativement au droit de régale, à celui de franchise des ambassadeurs, et aux quatre articles promulgués par le clergé de France, en 1682, tout le monde conviendra aujourd'hui qu'Innocent XI avoit raison de désapprouver les persécutions et les supplices, que Louis XIV employoit pour convertir ses sujets à la foi catholique; que ce pape faisoit bien de protester contre ces moyens violents, et d'affirmer, qu'également contraires aux lois divines et humaines, ils nuisoient à la cause sacrée qu'on prétendoit servir. Mais alors on ne pensoit pas aussi sagement en France nous voyons que La Fontaine, très-indifférent sur ces matières, et qui n'étoit que l'écho de l'opinion commune, trouve fort étrange que le pape n'approuve pas « nos soins de l'erreur triomphants. » Le pieux et doux Racine, qui, par ses lumières, étoit bien capable d'en juger en connoissance de cause, en vouloit à Innocent XI de ne pas favoriser les mesures que prenoit le roi de France, Sentiments pour détruire l'hérésie: dans le prologue d'Esther, Racine s'exprime à ce sujet, contre le Saint-Père, avec une âcreté remarquable: la Piété, dans ce prologue, en s'adressant au vrai Dieu, et en lui parlant de Louis XIV, dit: Tout semble abandonner tes sacrés étendards, Fausse direcnion publi tion de l'opi que en France sur ce sujet. de Racine. 1689-1692 Et. 68-71 Evénements de la révolu Et l'Enfer couvrant tout de ses vapeurs funèbres, Ne cherche, ne regarde et n'écoute que toi 23. Ce n'étoit pas un bon moyen de se réconcilier avec le pape, que de dire qu'il étoit aveuglé par l'Enfer, et que Louis XIV étoit le seul éclairé en matière de foi, et le seul soutien de la vraie religion. Nul ne sera non plus tenté de nier qu'Innocent XI faisoit aussi très-bien de tâcher de diminuer dans ses Etats le nombre des Jeannetons, dont la nécessité, même à Rome, n'est pas mieux démontrée en bonne police, qu'en bonne morale. La Fontaine regrette de donner un nom si commun à ces nymphes d'au delà des monts; sans la rime, il les eût appelées Chloris: après avoir badiné un instant sur ce sujet, il passe aux affaires d'Angleterre; mais, pour bien comprendre ce qu'il en dit, il faut se transporter dans le temps où il écrivoit, et connoître quelle étoit alors la disposition des esprits. Les députés des communes qui avoient siégé dans tion d'Angle- le parlement durant le règne de Charles II, réunis en convention nationale avec la chambre des pairs, avoient déclaré que Jacques II, par sa fuite, s'étoit désisté de la couronne d'Angleterre, et ils avoient proclamé souverains de la Grande-Bretagne, le prince d'Orange et sa femme". Sur quoi La Fontaine dit dans sa lettre : Dieu me garde de feu et d'eau, |