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1689-1692

El. 68-71

Le Songe, adressé à la princesse de Conti. 1689.

La déesse Conti m'est en songe apparue :
Je la crus de l'Olympe ici-bas descendue.
Elle étaloit aux yeux tout un monde d'attraits,
Et menaçoit les cœurs du moindre de ses traits.
Fille de Jupiter! m'écriai-je à sa vue,
On reconnoit bientôt de quel sang vous sortez :
L'air, la taille, le port, un amas de beautés,
Tout excelle en Conti; chacun lui rend les armes.
Sa présence en tous lieux fera dire toujours :
Voilà la fille des Amours,

Elle en a la grâce et les charmes.

On ne dira pas moins, en admirant son air :
C'est la fille de Jupiter.

Quand Morphée à mes sens présenta son image,
Elle alloit en un bal s'attirer maint hommage.

Je la suivis des yeux; ses regards et son port

Remplissoient en chemin les cœurs d'un doux transport.
songe me l'offrit par les Grâces parée.

Le

Telle aux noces des dieux ne va point Cythérée :
Telle même on ne vit cette fille des flots
Du prix de la beauté disputer dans Paphos.
Conti me parut lors mille fois plus légère,

Que ne dansent aux bois la nymphe et la bergère :
L'herbe l'auroit portée; une fleur n'auroit pas
Reçu l'empreinte de ses pas 2.

Quelle verve! quelle touche délicate et gracieuse dans un poëte de soixante-huit ans !

Du grand- Le grand-prieur de Vendôme, tandis que son Vendôme, et frère se battoit sur le Rhin, étoit revenu passer le

prieur de

de ses sou

pers du Tem

ple. carnaval à Paris, et faisoit au Temple ses orgies

accoutumées. La Fontaine s'y trouvoit souvent; et, comme il avoit coutume d'écrire au duc de Vendôme, qui lui faisoit une pension, il termine une lettre en vers, qu'il lui adressa alors, par le récit d'un souper, fait au Temple, chez le grand-prieur, à la suite duquel on but presque toute la nuit. Mais l'horrible exécution du Palatinat, mis en cendres par ordre de Louis XIV, venoit d'avoir lieu; et on voit

que, malgré le désir de faire sa cour, La Fontaine 1689-1692 en étoit péniblement préoccupé, et qu'il ne pouvoit pas s'empêcher de laisser percer les sentiments d'un bon cœur.

Comment, seigneur, pouvez-vous faire?

Vous plaignez les peuples du Rhin.
D'autre côté, le souverain

Et l'intérêt de votre gloire
Vous font courir à la victoire.
Mars est dur: ce dieu des combats,
Même au sang trouve des appas.
Rarement voit-on, ce me semble,
Guerre et pitié loger ensemble 3.

1. 68–71 Lettre à S. A.

R. Mgr le due de Vendôme. 1689.

chevalier de

Sillery.

La Fontaine rapporte ensuite un mot du che- Bon mot du valier de Sillery, qu'il trouve excellent : « C'est que pour bien faire aller les affaires, il faudroit que le pape se fit catholique et le roi Jacques huguenot. » Une des grandes causes des malheurs de Jacques II fut en effet un zèle impolitique pour la religion qu'il professoit. Quant au pape, s'il désapprouvoit les persécutions par le moyen desquelles Louis XIV prétendoit convertir ses sujets protestants, il n'en étoit pour cela que meilleur catholique; et si La Fontaine badine sur ce sujet avec autant de légèreté, c'est qu'on n'étoit pas aussi bien instruit à Paris des fatales conséquences des ordres donnés par les ministres dans l'intérieur du royaume, que des événements de la guerre, qui avoient lieu au delà des frontières.

La Fontaine parle ensuite de sa pension, et fait un aveu bien naïf de la manière dont il se propose d'employer l'argent qu'il recevra du duc de Ven

Aveux de

La Fontaine.

1689-1692 dôme. On se rappelle ce que nous avons déjà dit de Æt. 68-71 son goût pour les sculptures et les bustes, dont il ornoit sa chambre ; et enfin de ses déplorables foiblesses qu'il n'a pu s'empêcher d'avouer, même à SaintEvremond, homme de bon ton et de bonne compagnie. On pense bien que La Fontaine les cache encore moins au duc de Vendôme, pour qui c'étoit un mérite.

Liaison de La Fontaine avec l'abbé de Chaulieu.

de l'abbé de

Chaulieu.

L'abbé m'a promis quelque argent.
Amen, et le ciel le conserve!
Apollon, ses chants, et sa verve,
Bacchus, et peut-être l'Amour,

L'occupent souvent tour à tour.

L'abbé dont parle ici La Fontaine est le célèbre Chaulieu, qui étoit chargé de lui payer la pension que lui faisoit le duc de Vendôme. Né d'une ancienne famille de Normandie, Chaulieu, après avoir fait des Portrait études brillantes, se fit, dès son entrée dans le monde, des protecteurs puissants, par les charmes de son esprit et la gaieté de son caractère. Il avoit été au collége le condisciple du prince et de l'abbé de Marsillac, tous deux fils du duc de La Rochefoucauld, qui furent depuis ses amis. Il fut accueilli avec empressement par le duc et la duchesse de Bouillon, et le prince de Conti. Mais, de toutes ses liaisons avec les personnes d'un rang supérieur, aucune ne fut plus intime, et ne servit autant à sa fortune, que celle qu'il forma avec les deux princes de Vendôme. Il eut la direction de leurs affaires, et ils lui procurèrent un revenu de 30 mille francs en bénéfices. Il s'abandonna, dès lors, à son goût pour

nommé l'A

du

les plaisirs et la poésie. Elève de Chapelle et de 1689-1692 Bachaumont, il fut plus incorrect qu'eux, et cepen- Et. 68-71 dant plus poëte. Il étoit l'ami intime du marquis de La Fare, et lié avec J. B. Rousseau, La Fontaine, et tous les beaux esprits qui se réunissoient au Temple, n est sur où il avoit fixé son séjour. Aussi, a-t-il été par son nacréon Temple. genre de vie et par ses productions, surnommé à juste titre l'Anacreon du Temple 5. On peut juger combien les relations de La Fontaine avec un homme de ce caractère devoient être agréables. Notre poëte lui étoit en grande partie redevable des bienfaits des princes de Vendôme : et la suite de l'épître, dont nous nous occupons, ne laisse aucun doute à cet égard. La Fontaine, parlant toujours de l'abbé de Chaulieu, continue ainsi :

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Il fait ensuite la description du souper, et donne à

entendre que,

que des égaux.

le verre en main, il ne veut connoître

Jusqu'au point du jour on chanta,
On but, on rit, on disputa,
On raisonna sur les nouvelles ;
Chacun en dit, et des plus belles.
Le grand-prieur eut plus d'esprit
Qu'aucun de nous, sans contredit.

1689-1692

Et. 68-71

Lettre

au prince de

1689.

J'admirai son sens, il fit rage;

Mais, malgré tout son beau langage,
Qu'on étoit ravi d'écouter,

Nul ne s'abstint de contester.
Je dois tout respect aux Vendômes;
Mais j'irois en d'autres royaumes,
S'il leur falloit en ce moment
Céder un ciron seulement.

Le prince de Conti se délassoit aussi à l'armée des Conti, juin fatigues de la guerre, par les lettres que La Fontaine lui écrivoit. Notre poëte lui mandoit fort exactement toutes les nouvelles de Paris. Une affaire particulière y faisoit alors beaucoup de bruit, et occupa un Sur le pro- instant les oisifs de la capitale plus que les opéra

cès de Made

moiselle de

le président

Briou et son

fils.

Silence

auteurs à ce

La Force avec tions des armées et la révolution d'Angleterre. Ce fut le procès de Mlle de La Force, avec le président Briou et son fils. La Fontaine, qui se trouvoit présent lorsque cette cause fut plaidée et jugée, en fait un récit burlesque au prince de Conti; mais, pour bien le comprendre, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails on me les pardonnera d'autant plus facilement, qu'ils seront, je crois, entièrement de neufs pour tous les lecteurs. On a écrit plusieurs qu'ils notices sur Mile de La Force, connue par ses romans historiques; mais dans aucune on ne trouve le moindre récit des circonstances de sa vie 5. Enfin, les erreurs de noms et de dates que renferment, relativement à cet objet, les ouvrages les plus savants, ont rendu nos recherches assez difficiles 6, et ont achevé de nous démontrer que les aventures, dont La Fontaine entretient dans sa lettre le prince de Conti, et qui occupoient alors si fortement la

sujet, et er

reurs

ont

ses.

commi

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