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Charpentier, Tallemant, Boyer, et Jean de La 1684-1687 Fontaine, de l'Académie française, qui en tiennent Et. 63-66 ordinairement le bureau, intimés en leurs propres

et privés noms.

pendant pen d'interêt à

querelles.

Cependant, La Fontaine mettoit réellement peu Ilmettoit ced'intérêt à toutes ces disputes, et probablement au dieridices dictionnaire mème. Pavillon, dans une lettre à Furetière, commence de la manière suivante la description d'une des séances de l'Académie :

Trouble d'une fureur divine,
Je vois les Muses, Apollon,
Accompagnés de Mnemosyne,
Se présenter dans ce salon.
Le grec Charpentier y préside,
Le tendre Quinault y réside;
La Fontaine n'y peut parler,
Il dort; et, prêt à s'en aller,
Le chevalier de l'équivoque

Le regarde, et s'en moque.

Par le chevalier de l'équivoque, Pavillon désigne Benserade, qui dissertoit beaucoup dans l'Académie sur les divers sens des mots 31.

31

lomnies de Fu retière contre La Fontaine.

Dans ses libelles, Furetière cherche à indisposer, Lâches cal'autorité contre La Fontaine, relativement à la publication de ses contes : il le plaisante sur ses distractions, et il lui attribue le trait singulier de M. le comte de Brancas, qui alla pour faire visite à une personne de sa connoissance, à l'enterrement de laquelle il avoit assisté quelques jours avant. Les auteurs des notices sur la vie de notre poëte n'ont pas manqué de lui appliquer cette anecdote, ne connoissant pas la main ennemie qui la lui avoit fausse

contre Fure

tiere.

1684-1687 ment attribuée 3. Enfin, Furetière s'étend beaucoup Æ. 63-66 sur l'ignorance de La Fontaine, qui, dit-il, après avoir été plus de vingt ans maître, des eaux et forêts, ne sait pas distinguer le bois de grume d'avec le bois de marmenteau. La Fontaine, impatienté de ce reproche, laissa échapper de sa plume une Epigramme épigramme contre Furetière 33. Ce fut ce dernier qui fit imprimer l'épigramme, avec une réponse en prose, et en prétendant que cette épigramme même prouvoit l'exactitude du reproche qu'il lui avoit adressé. Furetière ajoute à cela deux épigrammes et un bout-rimé qui sont encore de plus mauvais goût que celle dont il a voulu se venger. La Fontaine, répliqua encore au bout-rimé par un sonnet qu'il avoit sagement condamné à l'oubli 34.

Sonnet con

tre le même.

ces calomnies

dans le pu

blic.

Effets de Rien ne révolta plus dans les plaidoyers de Furetière que les grossières injures qui s'y trouvoient contre La Fontaine. Bussy-Rabutin, ami de Furetière, lui écrivit pour lui témoigner combien il les désapprouvoit: Mme de Sévigné surtout en fut indignée; elle ne pouvoit concevoir comment Furetière, dans ses vilains factums, dans ses noires satires, comme elle les appeloit, pouvoit déprécier les écrits de La Fontaine. Ceux qui ne les admirent pas, elle les qualifie d'esprits durs et farouches; elle dit que nulle puissance humaine n'est capable de les éclairer, et qu'elle leur ferme sa porte à jamais 35. Mais les critiques de Furetière contre La Fontaine étoient l'expression de sa haine, et non celle de son jugement.

On voit en effet dans la préface d'un recueil de fables,

que Furetière avoit publié long-temps avant cette 1684-1687 querelle 36, qu'il apprécioit La Fontaine de la même A. 63-66 manière que tous les hommes de lettres de ce temps.

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Jngement que Furetière

Fontainedans la préface de

de Fables.

Furetière et La Motte

dans la fable, supérieurs a

Après avoir parlé des fables d'Esope et de Phèdre, il ajoute « Mais il n'y a personne qui leur ait fait portada autant d'honneur que M. de La Fontaine, par la son Recueil nouvelle et excellente traduction qu'il en a faite; dont le style naïf et marotique est tout-à-fait inimitable, et ajoute de grandes beautés aux originaux. Et plus loin il dit que La Fontaine a relevé son sujet par la beauté de son style et ses heureuses expressions. » Ce qu'il y a de remarquable c'est que Furetière, et plus tard La Motte, se reconnoissant inférieurs à La Fontaine pour le style, croient se croient, compenser ce qui leur manquoit, sous ce rapport, La Fontaine par le mérite qu'ils s'attribuent d'avoir inventé les tion. sujets de leurs fables. La Harpe, pour combattre Réponse de le reproche, fait par ces auteurs à notre poëte, de sujet, n'avoir presque rien inventé, croit dire beaucoup en sa faveur, en répondant : « Il a inventé son style, et son secret lui est demeuré. » Mais si l'on veut se insuffisante. faire une idée précise de ce qui constitue l'invention en poésie, on verra que La Fontaine mérite plus qu'aucun autre poëte peut-être, d'être considéré comme inventeur.

Le but de la poésie, comme de tous les autres arts,

par l'inven

La Harpe a ce

Peu de poëtes venteurs que

ont été aussi in

La Fontaine.

Conside: ations sur ce

l'invention en

est de plaire : et comme rien ne satisfait plus notre qui constitue âme, que tout ce qui l'agrandit et l'élève, et réveille poésie. en elle le sentiment de son immortelle origine, aussi les poëtes ne nous font jamais éprouver de plus

1684-1687 délicieuses sensations, que quand ils nous peignent Et. 63-66 une nature sublime, qu'ils nous racontent de grandes

actions, ou qu'ils nous entraînent avec eux dans le domaine des vérités religieuses et morales. Sous ce dernier rapport, non seulement ils plaisent, mais ils instruisent, non en philosophes, mais en poëtes. L'instruction n'est cependant pas le but principal auquel ils tendent, c'est pour eux un moyen de plus pour plaire. Le poëte ne veut pas, à l'exemple du philosophe, enrichir notre mémoire de nouvelles connoissances, convaincre ou éclairer notre raison. Non : il a de plus hautes, ou du moins, de plus ambitieuses prétentions: il veut, par la magie de son art enchanteur, s'emparer de notre imagination, émouvoir à son gré nos cœurs, charmer nos esprits, et faire passer dans nos âmes les élans du noble enthousiasme qui le possède. Les idées et les images qu'il emploie n'ont donc pour lui de valeur et d'existence réelle, qu'autant qu'elles se présentent de manière à produire tout l'effet que son art se propose. Il est évident, d'après cela, que le véritable poëte est toujours créateur, soit qu'il emploie des pensées ou des fictions connues de tous, ou qu'il en enfante de nouvelles il importe donc peu qu'elles procèdent, directement ou indirectement, de lui, puisque de toutes manières elles lui appartiennent tout entières, quand il a su leur donner l'empreinte de son génie sans les formes qu'il leur a prêtées, sans les couleurs dont son imagination les a revêtues, elles ne pourroient ni plaire ni émouvoir.:

:

c'est donc lui qui en est le créateur. Auparavant, 1684-1687 poétiquement parlant, elles n'existoient pas; car 1. 63-66 une chose n'existe que par les attributs et les qualités qui la constituent. Voilà pourquoi ce qu'on appelle invention du sujet, combinaison nouvelle d'événements, est compté pour si peu en poésie. Ces combinaisons, ces idées nouvelles ne produisent rien, si le poëte ne sait les mettre en œuvre, s'il ne sait les enfanter de nouveau, et les animer du feu de son génie. L'idée d'un guerrier fougueux est dans toutes les têtes; mais il a fallu qu'il naquît un Homère, pour nous faire connoître un Achille. Assurément depuis qu'il y a des femmes au monde, on a vu des coquettes et des perfides; mais sans le Tasse peut-être, une Armide n'auroit jamais existé 36 bis.

de ces consi

dérations à La

Fontaine.

Pour revenir à La Fontaine, il est bien vrai qu'il Application a choisi les sujets de presque toutes ses fables dans les auteurs qui l'ont précédé; mais il n'est pas vrai, comme le dit Furetière, qu'il les ait traduits. Il ajoute souvent aux sujets qu'il a empruntés, de nouvelles circonstances; quelquefois il en altère entièrement le fonds; d'autres fois il en tire une morale toute différente; il crée ses caractères d'animaux, et les fait agir et parler autrement que l'auteur original; enfin les couleurs de sa poésie donnent un aspect tout différent aux choses mêmes qu'il n'altère pas. Ses apologues lui appartiennent donc tous, et on peut dire que La Fontaine doit être considéré comme inventeur, à aussi juste titre que tout autre poëte. Le mérite de Voltaire ne paroît pas moins

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