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la sœur de milord Montaigu, ambassadeur d'An- 1684-1687 gleterre en France, et veuve de M. le chevalier . 63-66 Harvay, mort à Constantinople, où il avoit été en

ne avoit de

rateurs

en

tirer dans ce

voyé par Charles II. Elle vint à Paris en 1683, et La Fontaine fit connoissance avec elle chez son frère. La FontaiNotre poëte jouissoit en Angleterre d'une grande grands admiréputation. Saint-Evremond et la duchesse de Ma- Angleterre. zarin, tous deux retirés à Londres, étoient ses grands admirateurs, et n'avoient pas peu contribué à faire connoître tout son mérite: ils avoient formé avec On vent l'atle duc de Devonshire, milord Godolphin, et mi- pays. lord Montaigu, une sorte de ligue pour l'attirer à Londres 74. Mme Harvay qui avoit beaucoup d'esprit et d'adresse, et qui étoit habituée à conduire de plus grandes intrigues, puisqu'elle eut part aux divers changements de ministère qui arrivèrent sous Charles II, s'étoit en quelque sorte chargée d'être la négociatrice du parti qui vouloit enlever La Fontaine à la France. Bernier se trouvoit à Londres, en 1685, et l'on comptoit sur l'amitié que La Fontaine avoit pour lui, pour le faire céder plus facilement. Ceci explique les prévenances de l'ambassadeur anglais et de Mme Harvay envers La Fontaine, et les louanges peu françaises que dans la fable que nous avons citée, la reconnoissance arrache au poëte en faveur d'une nation, dont les hommes les plus illustres et les plus distingués, lui montroient tant de bienveillance. Les éloges qu'il donne à Mme Harvay sont assortis au rôle important que cette dame avoit joué.

L'ambassa erre el a

deur d'Angle

dame Harvay lui font des

avances.

1684-1687

Et. 63-66

La Fontaine

loue madame Harvay,

et ta duchesse de Ma

sarin.

Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens,
Avec cent qualités trop longues à déduire;
Une noblesse d'âme, un talent pour conduire
Et les affaires et les gens,

Une humeur franche et libre, et le don d'être amie,
Malgré Jupiter même et les temps orageux.

A la fin de cette fable (qui n'est pas une de ses meilleures), La Fontaine prie Mme Harvay d'agréer les dons de sa Muse, et il ajoute :

Ne pourriez-vous faire

Que le même hommage pût plaire
A celle qui remplit vos climats d'habitants
Tirés de l'ile de Cythère?

Vous voyez que par là j'entends
Mazarin, des amours déesse tutélaire.

Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, avoit été en effet la plus belle femme de son temps, et La Fare, qui en porte ce jugement, ajoute qu'elle a conservé sa beauté jusqu'à son dernier jour 76. Le cardinal de Mazarin, en l'accordant en mariage au duc de La Meilleraye, lui avoit donné pour dot tous ses grands biens, qui se montoient à des Détails sur sommes immenses". Ce mariage ne fut point heude Mazarin, reux; les galanteries de la femme 78 d'une part, les

la

duchesse

extravagances du mari de l'autre, amenèrent une séparation et des procès. La duchesse de Mazarin sortit de France, et se retira d'abord en Italie pour se soustraire au pouvoir de son mari; l'amitié qu'elle avoit contractée pour Mme Harvay ne contribua pas peu à la fixer en Angleterre : elle y trouva Saintet sur Saint-Evremond qui devint son ami, son amant, son admirateur, son poëte, son conseiller, son homme

Evremond.

d'affaires, et celui qui gouvernoit sa petite cour: il

pouvoit plus se passer d'elle, ni elle de lui. Etrange 1684-1687 bizarrerie des événements humains! Une nièce du t. 63-66 cardinal Mazarin charmoit l'exil de celui que ce ministre n'avoit cessé de persécuter. Saint-Evremond étoit parvenu à inspirer à la duchesse de Mazarin le goût des lettres et des savants; mais à une certaine époque, vers 1683, il vit avec peine ce goût céder à celui du jeu. La bassette, qui faisoit fureur en France, fut apportée en Angleterre, et la duchesse de Mazarin oublia tout, pour cette nouvelle

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passion. C'est ce dont Saint-Evremond se plaint Celui-ci se amèrement 79.

Qu'est devenu le temps heureux

Où la raison d'accord avec vos plus doux vœux,
Où les discours sensés de la philosophie
Partageoient les plaisirs de votre belle vie?
Vossius apportoit un traité de la Chine,
Où cette nation paroît plus que divine;
Justel.

Etoit venu chercher, au bruit de votre nom,
Comment, sans crainte et sans dommage,
On feroit imprimer quelque nouvel ouvrage
Du trop savant Pere Simon?

Leti de Sixte-Quint vous présentoit l'histoire.

Que sert à ces Messieurs leur illustre science?
A peine leur fait-on la simple révérence;
Et les pauvres savants, interdits et confus,
Regardent Mazarin qui ne les connoît plus.
Tout se change ici-bas, à la fin tout se passe ;
Les livres de bassette ont des autres la place,
Plutarque est suspendu, Don Quichotte interdit,
Montaigne auprès de vous a perdu son crédit,
Racine vous déplaît, Patru vous importune,
Et le bon La Fontaine a la même fortune.

Ce dernier trait étoit une exagération faite à

plaint que le goût de la duchesse pour les lettres et les savants s'affoiblit.

80

1684-1687 dessein. La duchesse de Mazarin avoit une prédilec4. 63-66 tion toute particulière pour La Fontaine ; aussi Saint-Evremond, qui le savoit, mettoit un grand Fontaine, et intérêt à l'attirer en Angleterre, et comptoit beau

Mais

chérissoit La

veut l'attirer

à elle.

La Fontaine

ne peut se ré

ter Madame

de La Sabliè

re.

coup sur ce moyen pour réveiller en elle le goût des lettres, et la distraire de sa passion pour le jeu. Nous verrons qu'ils firent intervenir la duchesse de Bouillon dans leur complot, et ce n'est qu'alors qu'ils furent sur le point de le faire réussir.

Mais à l'époque dont nous traitons, il eût été sondre à quite impossible de faire abandonner à La Fontaine la maison de madame de La Sablière. Il semble que la tendre amitié qu'il avoit pour elle augmentoit avec les privations qu'il éprouvoit par les fréquentes absences de celle qui en étoit l'objet. Le recueil dont nous nous occupons est en quelque sorte plein Le recueil du nom de madame de La Sablière. On a déjà pu

qu'il venoit

de publier est

nom et de ses louanges.

plein de son remarquer que les louanges qu'il lui donne ne ressemblent à aucune de celles qu'il a adressées à d'autres femmes: ce n'est pas de la galanterie, mais l'expression vive et franche de l'admiration et de la reconnoissance; c'est un sentiment aussi passionné, mais plus respectueux que celui de l'amour, aussi fort et aussi solide que celui de l'amitié, Fable inti- mais plus tendre et plus touchant. Dans la fable intibeau, la Ga- tulée : le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat, qu'il

tulée: le Cor

zelle, la Tortue

et le Rat, dé

diée à Madame lui a dédiée, et qui est destinée à peindre l'héroïsme

de La Sabliè

re.

Liv. xi, Fab. 15.

de l'amitié, il commence par lui dire qu'il veut lui bâtir un temple dans ses vers où elle sera éternellement adorée; il détaille avec délices toutes les qua

lités qui la rendent digne de l'hommage des mortels. 1684-1687 Enfin, abandonnant toutes les allégories, toutes les . 63-66 louanges, et se livrant à l'effusion de son cœur, il s'écrie :

O vous,
Iris, qui savez tout charmer,
Vous que l'on aime à l'égal de soi-même;
Ceci soit dit sans nul soupçon d'amour,
Car c'est un mot banni de votre cour,
Laissons-le donc...

Il le laisse en effet pour conter sa fable; mais en termi-
nant il revient encore sur un sujet si doux et si cher:

Que n'ose et que ne peut l'amitié violente!
Cet autre sentiment que l'on appelle amour,
Mérite moins d'honneurs; cependant chaque jour

Je le célèbre, et je le chante.

Hélas! il n'en rend pas mon âme plus contente.

Vous protégez sa sœur ; il suffit: et mes vers

Vont s'engager pour elle à des tons tout divers.
Mon maitre étoit l'Amour; j'en vais servir un autre,

Et porter par tout l'univers

Sa gloire aussi bien que la vôtre.

aimoit a rap

qui faisoit

honneur а

de La Sablière, même a son

C'est surtout dans la dédicace de ce volume qu'on La Fontaine voit avec attendrissement combien La Fontaine Porter tout ce aimoit à rapporter à madame de La Sablière tout Madame ce qui pouvoit l'élever dans l'opinion des autres, même au détriment de celle qu'on pouvoit concevoir de lui.

propre détri

ment.

seille de dédier son nonveau recueil à de Harlay.

Portrait de

Cette dédicace est une épître en vers et en Elle lui conprose, adressée à M. de Harlay, procureur-général au parlement c'étoit un petit homme maigre, sec, mais plein de vigueur: sa science profonde, de Harlay la rectitude de son jugement, sa connoissance du monde, son talent de faire sortir de leurs plus profonds replis les secrets des coeurs, sa sévère

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