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le comte de

Le comte de Fiesque avoit beaucoup d'instruc- 1684-1687 tion; il savoit par cœur les bons poëtes latins et fran- Æ. 63-66 çais, qu'il citoit souvent et toujours à propos. Il a Détails sur donné les inscriptions tirées de Virgile, que le grand Fiesque. Condé avoit fait mettre à Chantilly. Son goût exquis lui faisoit préférer, dans les auteurs, tout ce qui étoit simple et naturel. Il avoit une prédilection particulière pour La Fontaine, et le nommoit son poëte. Il ne chercha point à s'attribuer la petite pièce qu'il avoit récitée au roi, car elle fut publiée peu de temps après, par La Fontaine lui-même, dans un recueil dont nous parlerons bientôt 53.

comédie de

représentée

en 1685.

Vers le milieu de l'année 1685, on représenta sur Le Florentin, le Théâtre-Français une comédie intitulée le Floren- La Fontaine, tin, qui, d'abord, en trois ou en deux actes, paroît avoir eu peu de succès, mais qui réussit lorsqu'elle eut été réduite par l'auteur en un seul acte. Parmi les petites pièces, c'est une de celles, que depuis plus d'un siècle, on a le plus souvent jouée, et que le public revoit avec le plus de plaisir. L'intrigue en est foible, mais la scène entre le jaloux Harpajème et sa pupille Hortense, est préparée avec art, et est d'un effet très-piquant; cette scène est dialoguée avec beaucoup de finesse et de naturel; elle est digne de La Fontaine, auquel cette pièce est attribuée, et elle paroît être en effet de lui 54. Cependant il ne l'a jamais avouée ni fait imprimer de son vivant. Il avoit commencé une tragédie d'Achille, dont les deux premiers actes, écrits de sa main, ont été déposés par d'Olivet à la Bibliothèque du Roi, et imprimés de

1684-1687 puis 55. Si à ces fragments on ajoute les fragments Et. 63-66 de Galatée, l'opéra de Daphné, dont nous avons Des pièces fait mention, celui d'Astrée, dont nous parlerons

qui compo

sent réelle

tre de La For

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anent le Thed- en son lieu, puis si l'on veut aussi Climène, puisque l'auteur lui a donné le titre de comédie, et, enfin l'Eunuque et le Florentin, on aura réuni tout ce qui doit composer le théâtre de La Fontaine. Ses nouveaux éditeurs, trompés par les historiens de notre théâtre, qui, eux-mêmes, avoient été dupes des impostures mercantiles des libraires de Hollande, y ont ajouté: Je vous prends sans vert, pièce en un acte que La Fontaine a faite en commun avec Champmeslé 56; ils ont ajouté aussi l'ignoble et longue farce de Ragotin, en cinq actes, à laquelle La Fontaine n'eut certainement aucune part, et dont l'auteur n'est pas connu; ils y ont joint encore la Coupe Enchantée, en un acte, faite d'après un On a im- conte de La Fontaine, mais non par lui”. Le lises euvres des braire de Hollande, Adrien Moetjens 58, qui publia de le premier un prétendu recueil de Pièces de théâtre

primé parmi

piècesde théa

tre qui ne

sont pas

lui.

de La Fontaine, en 1702, mit aussi en tête, comme étant de lui, la tragédie de Pénélope, qui avoit été représentée sur le Théâtre-Français en 1684, un an avant le Florentin. L'abbé Saint-Genest, qui étoit l'auteur de cette tragédie, réclama contre le tort qui lui étoit fait par un éditeur ignorant, et fit alors imprimer sa pièce plus correctement 59. Mais personne n'a eu le courage de s'avouer l'auteur de Ragotin, qui n'avoit point eu de succès, et n'en méritoit aucun, et qu'Adrien Moetjens a mis aussi dans son recueil des

livet et les anéditeurs

dupes des im

libraires de

pièces de théâtre de La Fontaine. Quant à la Coupe 1684-1687 enchantée, comme elle avoit été présentée aux co- Æ. 63-66 médiens français par Champmeslé, qui faisoit partie de leur troupe, la compagnie des libraires, qui fit imprimer cette pièce plusieurs fois sans nom d'auteur, a fini par l'insérer dans l'édition qu'elle a donnée du théâtre de Champmeslé 6. Quoique les héritiers de La Fontaine n'aient point protesté L'abbé d'ocontre le tort que faisoient à notre poëte les impri-'ont point été meurs de Hollande, l'abbé d'Olivet, qui étoit bien postures des instruit de l'histoire littéraire de son temps, ne s'est Hollande. pas laissé abuser par des éditeurs étrangers: dans les OEuvres diverses qu'il a publiées de La Fontaine, d'après les manuscrits de l'auteur, il n'a inséré que deux comédies celle du Florentin, et Je vous prends sans vert; et encore a-t-il eu soin de les rejeter à la fin des volumes, et d'avertir que ces deux pièces étoient attribuées à M. de La Fontaine ", sans assurer qu'elles fussent réellement de lui. Les OEuvres diverses de La Fontaine ont été réimprimées en entier au moins six fois pendant le dix-huitième siècle “, et aucun de ceux qui dirigèrent ces éditions ne s'est rendu complice de l'imposture ou de l'ignorance des imprimeurs de Hollande, Ce n'est que dans le dix- des pièces au neuvième siècle, et il y a environ sept ans, que l'on Fontaine qui vit sortir des presses des meilleurs imprimeurs de de lui, France, un théâtre de La Fontaine, dans lequel, sur la périlleuse parole d'un journaliste célèbre, l'éditeur s'est permis non seulement d'insérer deux pièces qui lui étoient attribuées faussement, mais

Les éditeurs vieme siècle

du dix-neu

ont seuls en France ajouté

théâtre de La

n'étoient pas

et en ont retranché d'au

de lui.

1634-1687 d'en retrancher trois, dont La Fontaine est véritaÆt. 63-65 blement l'auteur, qu'il a lui-même avouées, et fait imprimer avec son nom, dont une enfin a été reprétres qui sont sentée plusieurs fois sur le théâtre de l'Opéra 63. Les éditeurs de La Fontaine, qui sont venus après celui-ci, ont bien rendu à ce poëte les pièces qui lui appartenoient; mais ils ne l'ont pas débarrassé de celles qui ne lui appartenoient pas; et ses œuvres complètes, souvent réimprimées, resteront surchargées de ce bagage, jusqu'à ce qu'il se trouve un éditeur, qui ne croie pas faire tort à son édition en la réduisant à ce qui est réellement de l'auteur.

Fragment d'Achille, tra

gédie.

Le fragment d'Achille suffit pour prouver que La Fontaine n'auroit pu réussir dans la tragédie, et c'est probablement parce qu'il le sentoit lui-même, qu'il n'a pas achevé cette pièce. Le Florentin nous offre un comique de situation, que peut rencontrer un homme d'esprit, sans avoir pour cela le Comparaison génie de la comédie. On a souvent comparé La

de la Fon

taine et de Fontaine à Molière; mais c'est par ses fables, et

Moliere sons

le rapport

dramatique non par son théâtre, que notre poëte a associé son

nom à ce peintre si énergique et si profond des ridicules de l'espèce humaine. Souvent, en effet, Molière et La Fontaine ont, malgré la différence des personnages, qu'ils mettent en scène, des ressemblances frappantes dans certains détails. Ainsi l'ours flairant un homme, contrefaisant le mort, et disant : « Otons-nous, car il sent, » ressemble assez bien à M. de Sottenville, qui, croyant que

George Dandin est ivre, le repousse, en lui disant: 1684-1687 << Retirez-vous, vous sentez le vin. » Le chien du Et. 63-66 fermier, battu parce que son raisonnement n'est

que d'un simple chien, n'est-ce pas Sosie, dont les discours sont des sottises partant d'un homme sans éclat ?

Mais cependant, malgré ces rapprochements que l'on pourroit multiplier, La Fontaine et Molière diffèrent autant par la nature de leur génie, que par le but qu'ils se sont proposé, et les moyens qu'ils ont employés pour y parvenir. Nul n'a mieux saisi et exprimé ces différences, que Champfort:

Champfort a

Sans méconnoître, dit-il, l'intervalle immense Jugement de qui sépare l'art si simple de l'apologue, et l'art si ce sujet. compliqué de la comédie, j'observerai, pour être juste envers La Fontaine, que la gloire d'avoir été avec Molière, le peintre le plus fidèle de la nature et de la société, doit rapprocher ici ces deux grands hommes. Molière, dans chacune de ses pièces, ramenant la peinture des mœurs, à un objet philosophique, donne à la comédie l'unité, et, pour ainsi dire, la moralité de l'apologue. La Fontaine, transportant dans ses fables la peinture des mœurs, donne à l'apologue une des grandes beautés de la comédie, les caractères. Le poëte comique semble s'être plus attaché aux ridicules, et a peint quelquefois les formes passagères de la société; le fabuliste semble s'adresser davantage aux vices, et a peint une nature encore plus générale. Le premier me fait plus rire de mon voisin, le second me ra

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