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1682-1684 le naturel 43. L'objet de toutes les affections de M. de A. 61-63 La Sablière, mourut subitement, et à la fleur de

genre de vie de Madame de

La Sablière a

des résultats

La Fontaine.

l'âge; il en apprit la nouvelle inopinément, et au moment où il s'y attendoit le moins il en fut si frappé, que dès lors il resta plongé dans une sombre mélancolie, à laquelle il succomba un an après 44.

Mine de La Sablière, que déjà les consolations de la religion avoient, en partie, guérie des peines de cœur que sa passion lui avoit causées, dut ressentir vivement un malheur, dont elle ne pouvoit se considérer comme entièrement innocente; et ces motifs durent l'affermir encore dans la résolution, qu'elle avoit prise. Après avoir été les délices d'un monde, où elle avoit brillé avec tant d'éclat, elle en devint, par son repentir et sa piété, l'admiration Le nouveau et le modèle. Mais son changement eut, sous tous les rapports, des résultats fâcheux pour La Fontaine. ficheux pour La nature, qui avoit pourvu ce poëte d'une imagination forte et gracieuse, lui avoit donné un caractère foible et irrésolu. Il se laissoit aller aux penchants, que sa raison désapprouvoit : il avoit besoin d'être guidé comme un enfant; il retomboit facilement dans les mêmes fautes, lorsqu'on cessoit de le diriger. Mme de La Sablière exerçoit sur lui la plus heureuse influence, et cette influence dut beaucoup diminuer, lorsqu'elle eut changé sa manière de vivre et de penser; non que La Fontaine n'ait toujours continué à loger chez elle; mais elle ne demeuroit plus avec lui, que pendant des intervalles de temps très-courts: elle faisoit pour les In

curables des absences qui devinrent de plus en plus 1682-1684 longues et de plus en plus fréquentes; occupée du t. 61-63 soin de secourir l'humanité, et de beaucoup de bonnes œuvres, elle ne pourvoyoit plus avec la même attention aux besoins de notre poëte, ni à l'ordre de ses affaires. D'ailleurs, elle ne pouvoit avoir sur La Fontaine la même autorité, le même ascendant, que lorsqu'étant femme du monde, elle avoit par ses goûts, son genre de vie, ses occupations habituelles, ses foiblesses même, des rapports plus intimes avec lui. Enfin le temps n'étoit pas venu encore pour La Fontaine, et il étoit trop éloigné des pensées dont elle l'entretenoit, pour pouvoir profiter de ses exhortations : c'est ce qu'il avoue lui-même La Fontaine avec cette franchise et cet abandon, qu'on retrouve n'a pas le cou toujours en lui.

Si j'étois sage, Iris (mais c'est un privilége

Que la nature accorde à bien peu d'entre nous),

Si j'avois un esprit aussi réglé que vous,

Je suivrois vos leçons au moins en quelque chose;

Les suivre en tout, c'est trop; il faut qu'on se propose

Un plan moins difficile à bien exécuter,

Un chemin dont sans crime on se puisse écarter 45.

avoue qu'il

rage de l'i

miter.

Ainsi donc La Fontaine, ne voulant pas s'enga- 11 cher

ger dans la voie que Mc de La Sablière lui indiquoit par ses discours et ses exemples, chercha ailleurs des distractions à l'espèce d'isolement où le laissoit le changement de sa bienfaitrice.

che ailleurs des distrac

tions qu'il

ne tronvoit plus chez elle.

Les princes de Conti et de Vendôme devinrent est acpour lui des bienfaiteurs généreux : leur société les étoit composée d'hommes, comme eux, aimables

'cueilli par princes de Conti Vendôme.

et

1682-1684 et spirituels; mais le libertinage y donnoit le Et. 61-63 ton. La Fontaine, dont les goûts, malgré le poids des années, étoient encore jeunes et joyeux, ne se

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ressentit que trop de l'influence de ces nouvelles Le cynis- liaisons. Ses moeurs (il faut l'avouer, puisque nous

me de leur

société exerce

Sur La Fon avons promis de tout dire), depuis cette époque

taine une fâ- .

cheuse fluence.

in- jusqu'à celle de sa conversion, contractèrent quelque

chose du cynisme de ceux qu'il fréquentoit le plus habituellement. Ses véritables amis, tels que Racine et Maucroix, s'en affligèrent; mais leur affection pour lui n'en fut point altérée, car ils savoient que son cœur étoit excellent, et ses intentions pures; ils savoient qu'il étoit entraîné par l'empire des habitudes et de l'exemple: ses principes et sa morale leur étoient connus, et ils espéroient toujours le ramener. La suite a prouvé qu'ils ne s'étoient point trompés à cet égard.

Toutefois le premier effet des nouvelles sociétés 11 rompt que La Fontaine fréquenta, fut de lui faire rompre l'engagement qu'il avoit pris de ne plus composer de nouveaux de nouveaux contes; et la promesse qu'il avoit faite

l'engagement qu'il avoit pris de ne plus écrire

contes.

à ce sujet, en vers et publiquement, il l'abjura de même dans le prologue du conte de la Clochette.

O combien l'homme est inconstant, divers,

Foible, léger, tenant mal sa parole!
J'avois juré hautement en mes vers
De renoncer à tout conte frivole;

Et quand juré? c'est ce qui me confond,
Depuis deux jours j'ai fait cette promesse :
Et puis fiez-vous à rimeur qui répond
D'un seul moment. Dieu ne fit la sagesse
Pour les cerveaux qui hantent les Neuf Sœurs ;

Trop bien ont-ils quelque art qui vous peut plaire,

Quelque jargon plein d'assez de douceurs,
Mais d'être sûrs ce n'est là leur affaire 46.

1682-1684

Et. 61-63

Il met seulement plus

retenue

dans ses nouveaux contes.

Cependant il faut avouer qu'il fut plus retenu,
et que le petit nombre de contes qu'il a fait paroître, de
depuis sa réception à l'Académie, n'approchent pas
de la licence de plusieurs de ceux des recueils pré-
cédents : aussi même en violant sa promesse, il avoit
pris, avec lui-même, l'engagement d'être plus sage;
et, comme il ne prenoit pas une résolution sans en
faire confidence à sa Muse, après le prologue de la
Clochette, il dit dans celui du conte du Scamandre:

Me voilà prêt à conter de plus belle;
Amour le veut, et rit de mon serment :
Hommes et dieux, tout est sous sa tutelle;
Tout obéit, tout cède à cet enfant :

J'ai désormais besoin en le chantant

De traits moins forts et déguisant la chose :

Car après tout, je ne veux être cause

D'aucun abus que plutôt més écrits

Manquent de sel, et ne soient d'aucun prix 47.

est intime-ment lié avec le comte de Fiesque.

Le comte de Fiesque, lié avec La Fontaine, des- La Fontaine cendoit des Fiesques de Gènes 48, qui avoient été chassés de leur patrie et obligés de se réfugier en France, après la conspiration formée par Louis de Fiesque, comte de Lavagne, en 1547. Les Génois, au mépris de leur alliance avec la France, entretenoient des intelligences avec l'Espagne, et même avec les Algériens, dont ils favorisoient les pirateries. Louis XIV leur en demanda réparation. Ils la refusèrent ; alors il fit bombarder Gènes au mois de mai 1684, par Duquesne 49. Le comte de Fiesque, qui étoit fort pauvre, et qui, si l'on en croit Bussy-Rabutin 50, ne

1682-1684 subsistoit que par les libéralités de Mme de Lionne, Et. 61-63 dont il étoit l'amant, saisit cette occasion pour faire Réclamation valoir des prétentions sur la république de Gènes,

du comte de

Fiesque en

vers la répu

blique Gènes.

de

Fees qué qu'il avoit développées dans un mémoire, imprimé en 1681. Il remit alors ce mémoire au roi, et il eut l'adresse de lui faire l'abandon de tous ses droits. L'ambitieux monarque pensoit alors à s'emparer de Gènes, et faisoit publier des écrits pour démontrer la justice de cette usurpation, et même pour prouver aux Génois que leur réunion à la France leur seroit avantageuse ". Mais, le pape ayant intervenu dans cette affaire, Louis XIV se contenta de la satisfaction que lui donna la république, qui lui Louis XIV envoya son doge et quatre sénateurs, pour faire des écus par celle excuses; et qui se soumit en outre à payer cent mille république écus comptant au comte de Fiesque, en attendant qu'on eût liquidé ses prétentions et jugé son affaire. La Fontaine La Fontaine alors composa, sur ce sujet, un compliment pliment en vers, que le comte de Fiesque récita

lui fait payer

cent

compose à ce

sujet un com

au

roi pour le

comte

Fiesque.

de au roi le 7 novembre 1684, lorsqu'il alla le remer

cier de la bonté qu'il avoit eue de s'occuper de ses intérêts 52.

J'étois près de céder aux destins ennemis,

Quand j'ai vu les Génois soumis,

Malgré les faveurs de Neptune,
Malgré des murs où l'art humain
Croyoit enchaîner la fortune

Que vous tenez en votre main.

Cette main me relève ayant abaissé Gènes.

Vous témoignez en tout une bonté profonde,
Et joignez aux bienfaits un air si gracieux,
Qu'on ne vit jamais dans le monde

De roi qui donnât plus, ni qui sût donner mieux.

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