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1675-1679 côté, et voulut aussi en parler, mais à sa manière, et 4. 54-58 dans son langage naturel, c'est-à-dire en vers. C'est

dans ce but, qu'il a écrit le discours qui forme la fable première du dixième livre, que nous avons déjà cité. On l'a souvent, avec raison, apporté en exemple pour prouver la flexibilité du talent de La Fontaine, et comme le premier essai heureux des Muses françaises sur un sujet abstrait; mais pour l'objet qui nous occupe, ce que nous devons le plus remarquer dans ce discours, c'est l'extrême bonne foi du poëte. Me de La Sablière étoit cartésienne, et La Fontaine qui en savoit sur ces matières beaucoup moins qu'elle, vouloit aussi être cartésien : dans ce but, il fait un pompeux éloge du maître.

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu

Chez les Païens, et qui tient le milieu

Entre l'homme et l'esprit, comme entre l'huître et l'homme,
Le tient tel de nos gens, franche bête de somme.

Il reproduit ensuite très-bien les arguments de Descartes; mais comme ils tendent à prouver que les bêtes sont de pures machines, et que cette conclusion révolte le bon sens naturel de notre poëte, il expose ses doutes, et cite plusieurs traits d'intelligence de divers animaux, qui démontrent par induction le contraire de ce qu'il a déduit par raisonnement. On pense bien que La Fontaine n'a pas dédié une fable à Mme de La Sablière sans louer cette généreuse bienfaitrice. Comme elle craignoit surtout de passer pour savante, La Fontaine, d'après son désir, a l'air d'ignorer qu'elle connût les ma

tières, dont il va l'entretenir, et lui demande si 1675-1679

elle a ouï parler

De certaine philosophie

Subtile, engageante et hardie.

Il paroît aussi qu'elle avoit interdit à notre poëte des louanges qui, dans sa position, auroient perdu de leur prix, et n'auroient paru qu'une reconnoissance intéressée. Avec quelle adresse il échappe à cet écueil!

Iris, je vous louerois : il n'est que trop aisé ;
Mais vous avez cent fois notre encens refusé,
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.

Je ne les blâme point, je souffre cette humeur;

Elle est commune aux dieux, aux monarques, aux belles.
Ce breuvage vanté par le peuple rimeur,

Le nectar, que l'on sert au maître du tonnerre,

Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre;
C'est la louange, Iris. Vous ne la goûtez point;
D'autres propos chez vous récompensent ce point:
Propos, agréables commerces,

Où le hasard fournit cent matières diverses:
Jusque là qu'en votre entretien

La bagatelle a part; le monde n'en croit rien,
Laissons le monde et sa croyance,

La bagatelle, la science,

Les chimères, le rien, tout est bon; je soutiens
Qu'il faut de tout aux entretiens:

C'est un parterre où Flore épand ses biens :
Sur différentes fleurs l'abeille s'y repose,

Et fait du miel de toute chose 114.

La dernière fable du premier livre de ce second

recueil nous fournit encore un exemple du genre de celle dont nous venons de parler. Ce n'est pas non plus une fable proprement dite, c'est le récit d'un fait plaisant qui fit du bruit dans le temps. Le

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sur le cheva

lier Neal.

1675-1679 chevalier Paul Neal, un des membres de la Société 4.54-58 royale de Londres, prétendit un jour avoir aperçu, Anecdote au travers de son télescope, un éléphant dans la lune. Le fait examiné avec l'attention qu'il méritoit, on finit par découvrir que l'éléphant n'étoit qu'une souris qui s'étoit glissée entre les verres du télescope. Le bruit de cette singulière aventure se répandit bientôt en Europe, et l'on s'en amusa beaucoup aux dépens de la science et de ses sectateurs. Samuel Butler fit long-temps après sur ce sujet une espèce de poëme ayant pour titre : l'Eléphant dans la Lune, qui est une satire contre la Société royale de Londres. La Fontaine, lorsque ce fait venoit de se passer, versifia sa fable intitulée : l'Animal dans la Lune. Mais plus philosophe que Butler, loin de se moquer de l'erreur du chevalier Neal, il en prend occasion de se répandre en réflexions pleines de justesse sur les erreurs que nos sens impriment à nos jugements, dans des vers où la mesure et la rime ne nuisent en rien à la clarté des raisonnements métaphysiques, et en ôtent seulement la sécheresse : par une transition naturelle,

Fable dédiée

a M.de La Ro

il

passe du fait qui faisoit l'objet de l'apologue, à l'éloge de Louis XIV et à celui de Charles II, et enfin à des vœux pour la paix qu'il a renouvelés toutes les fois qu'il en a pu trouver l'occasion

115

La quinzième fable de ce livre, comme les deux chefoucauld, dont nous venons de nous occuper, n'est pas une fable proprement dite, mais un discours, que La

L. x. Fab. 15.

Fontaine a adressé à M. le duc de La Rochefoucauld

qui lui en avoit fourni le sujet. Le duc de La Roche- 1675-1679 foucauld, homme aimable et penseur profond, avoit Æl. 54-58 publié son livre des Maximes, en 1665, et lorsque

La Fontaine lui dédioit cette fable, ce livre, traduit dans presque toutes les langues de l'Europe, avoit déjà eu six éditions 16.

Vous.....

dont la modestie égale la grandeur, Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde
Que vous m'avez donné le sujet de ces vers 117.

Le duc de La Rochefoucauld étoit alors en Société

grande faveur auprès de Louis XIV, et depuis

du duc de

cauld et de Madame de

la La Rochefou disgrâce de Lauzun, il étoit même regardé comme Montespans

une espèce de favori 18. Mm de Montespan et lui formoient à la cour une société à part, qui se composoit de M. Marsillac, fils du duc de La Rochefoucauld, de Mme de Thianges, du duc de Vivonne, de Mme Coulange, et de la veuve Scarron, depuis Mme de Maintenon, alors gouvernante des enfants du roi et de Mme de Montespan qui l'aimoit beauet l'appeloit sans cesse auprès d'elle. C'est pour flatter Mme de Montespan, à laquelle il avoit dédié ce second recueil de fables, que La Fontaine composa pour son fils, le duc du Maine, la fable intitulée les Dieux voulant instruire un fils

coup,

de

Fable dédiée Maine. Fab.,

an due di

Liv. 11.

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1675-1679 Jupiter 19. C'est une ingénieuse allégorie entièreEt. 54-58 ment de son invention qui, si elle n'est pas trèsmorale, présente du moins un tableau plein d'imagination, de coloris et de grâce 11o.

Dédicace

de ce second

recueil à Ma

120

La dédicace de ce second recueil de fables à

dame de Mon- Mme de Montespan est remarquable par la noblesse

tespan.

du ton, et par des vers tels que La Fontaine seul en a su faire.

Le temps qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :

C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix.
Il n'est beautés dans nos écrits,

Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces.
Eh! qui connoît que vous les beautés et les graces!
Paroles et regards, tout est charme dans vous;
Ma Muse en un sujet si doux,
Voudroit s'étendre davantage,

Mais il faut réserver à d'autres cet emploi,
Et d'un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.

Ce grand maître étoit Louis XIV: la louange étoit bien délicate; mais, pour qu'elle ne fût pas indiscrète, il falloit que la longue publicité, et l'excès même du scandale, des amours du monarque en eussent affoibli l'impression dans l'esprit des peuples.

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