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1675-1679 voyons aussi, par cette même lettre, que l'actrice 1.54-58 aimoit la société de notre poëte, et avoit pour lui de grandes bontés : « Vous êtes, lui dit-il, la meil» leure amie du monde, aussi bien que la plus agréable. » Quoiqu'elle eût alors plus de trente ans, et lui, plus de cinquante, ce n'étoit pas sa faute si elle étoit seulement son amie: la dédicace du Conte de Bel- conte de Belphegor en fait foi, et à cet égard on ne

phégor, dédié

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à la Champ- peut s'exprimer plus clairement; mais aussi il est

meslé.

impossible de mettre dans un tel aveu plus d'en-
jouement, d'esprit et de grâce 4.

De votre nom j'orne le frontispice
Des derniers vers que ma Muse a polis.
Puisse le tout, ô charmante Phillis,
Aller si loin, que notre lôs 85 franchisse
La nuit des temps! Nous la saurons domter,
Moi par écrire, et vous par réciter.

Nos noms unis perceront l'ombre noire;
Vous régnerez long-temps dans la mémoire,
Après avoir régné jusques ici

Dans les esprits, dans les cœurs même aussi.
Qui ne connoit l'inimitable actrice
Représentant ou Phèdre ou Bérénice,
Chimène en pleurs, ou Camille en fureur?
Est-il quelqu'un que votre voix n'enchante?
S'en trouve-t-il une autre aussi touchante,
Une autre enfin allant si droit au cœur?

De mes Phillis vous seriez la première,
Vous auriez eu mon âme tout entière,
Si de mes vœux j'eusse plus présumé;
Mais en aimant, qui ne veut être aimé!
Par des transports n'espérant pas vous plaire,
Je me suis dit seulement votre ami,
De ceux qui sont amants plus qu'à demi;

Et plût au sort que j'eusse pu mieux faire!

La lettre que La Fontaine avoit adressée à la Champmeslé, est datée de la campagne en 1678;

Vers pour

une féle don

il alloit quelquefois passer l'automne au château 1675-1679 des Cours près de Troyes, avec une société choisie E. 54-58 rassemblée par M. Rémond des Cours, frère du fermier général. On y composoit des pièces de vers, et c'est dans cette société que paroissent avoir été née à Troyes faits ces vers pour des bergers et des bergères dans une fête donnée à Troyes en 1678, que Grosley a publiés, et qu'il attribue à La Fontaine, mais sans en apporter aucune preuve $7.

Nos lecteurs ont pu remarquer, dans le prologue de Belphegor, avec quelle confiance La Fontaine, que tant de biographes ont dépeint comme s'ignorant lui-même, parle des succès de sa Muse,

Nos noms unis perceront l'ombre noire,
Moi par écrire....

en 1678.

Sa conviction étoit à cet égard d'autant plus Fables choi grande que lorsqu'il traçoit ces vers, il avoit publié,

88

en 1678 et en 1679, son second recueil de fables dédié à Mme de Montespan, à laquelle il disoit aussi,

Protégez désormais le livre favori

Par qui j'ose espérer une seconde vie.

Le nouveau recueil ne renfermoit que cinq livres, ce qui faisoit, avec le premier qui fut de nouveau publié, corrigé et augmenté par l'auteur, onze livres de fables. Le douzième et dernier ne parut que longtemps après, et devoit être le chant du cygne. Ces nouvelles fables mirent le sceau à la réputation de La Fontaine. Elles se terminoient par un épilogue consacré à la louange du roi, qui, quoi qu'on en ait dit, encourageoit notre poëte, quand il usoit de

sies, troisième et quatrième partie. 1678-1679.

La Fontaine

reçoit des en

de Louis XIV.

1675-1679 ses rares talents pour l'utilité des mœurs et de la A. 54-58 morale. Si en effet, d'une part, Louis XIV laissoit interdire le débit de ses contes par une sentence de couragements police, de l'autre, il permettoit qu'on s'écartât, par une honorable exception, du protocole ordinaire des priviléges, pour déclarer dans celui qu'il accordoit pour les fables que « la jeunesse en avoit reçu beaucoup de fruit en son instruction. » La Fontaine fut même admis à offrir en personne ses fables à lui pré- Louis XIV; il se rendit pour cet effet à. Versailles ; mais, après avoir fort bien récité son compliment au monarque, il s'aperçut qu'il avoit oublié le livre qu'il devoit lui présenter : il n'en fut pas moins accueilli avec bonté 89, et comblé de présents; mais on ajoute qu'à son retour, il perdit aussi par distraction la bourse pleine d'or, que le roi lui avoit fait remettre, et qu'on retrouva heureusement sous le coussin de la voiture qui l'avoit ramené 9o.

sente ses Fa

bles.

Ce second

recueil de Fa

rieur au pre

mier.

La Fontaine, dans l'avertissement de son second bles est supé- recueil, prévient ses lecteurs que, pour mettre plus de variété dans son ouvrage, il a cru devoir donner à ses dernières fables un tour un peu différent de celui qu'il avoit donné aux premières, « tant, ajoute

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t-il, à cause de la différence des sujets que pour » remplir de plus de variété mon ouvrage. » La vérité est que, d'abord gêné par son respect pour les anciens, La Fontaine ne s'étoit écarté qu'avec une sorte de crainte de la brièveté de Phèdre et d'Esope; mais, s'étant aperçu que les fables qui avoient eu le plus de succès, étoient celles où il s'étoit

abandonné à son génie, il résolut de n'écouter que 1675-1679 les inspirations qu'il lui dictoit. Aussi ce second t. 54-58 recueil est-il, suivant nous, supérieur au premier.

:

en porte un

férent.

L'envie du temps de La Fontaine a prononcé le contraire, et cela étoit tout simple "'; mais on s'é- Champfort tonne que Champfort ait adopté un semblable juge-jugement difment : il y a encore plus lieu d'être surpris que ce littérateur si plein d'esprit et de goût, après avoir été dans sa jeunesse un panégyriste éloquent et enthousiaste de La Fontaine, soit devenu pour lui dans un âge plus avancé un commentateur chagrin et souvent injuste; cependant il est facile de rendre raison de cette apparente contradiction. Champfort avoit un caractère difficile, jaloux et envieux dans sa sauvage indépendance il haïssoit toutes supériorités sociales; il prenoit, comme tant d'autres, les fougueux accès de l'orgueil et de la misanthropie, pour de la force et de la fierté. La réflexion et la lecture eussent peut-être corrigé ou adouci l'âpreté de ces défauts, surtout lorsque, par la protection d'une vertueuse princesse, l'infortunée Elisabeth, le sort cessa de lui être contraire; mais la révolution, dont il embrassa les principes avec cha- mal commenleur, le rendit ingrat envers ses bienfaiteurs, et les leçons de cet auteur favori, de ce poëte qu'il avoit tant aimé, devinrent impuissantes contre les vices de son cœur. Aussi les louanges que La Fontaine donne aux grands lui causent presque toujours de l'humeur. Il combat ou méconnoît sans cesse la sage et douce philosophie du fabuliste, qu'à une

ΤΟ

Pourquoi Champfort a

té La Fon

taine.

1675-1679 époque plus heureuse, nul n'avoit mieux que lui Et. 54-58 définie et appréciée.

a bien appré

phie de La Fontaine.

« Ce qui distingue, dit Champfort dans son excellent éloge 93, La Fontaine de tous les moralistes, c'est la facilité insinuante de sa morale; Champfort c'est cette sagesse naturelle comme lui-même, qui paroît n'être qu'un heureux développement de son instinct. Il ne vous parle que de vous-même ou pour vous-même; et, de ses leçons, ou plutôt de ses conseils, naîtroit le bonheur général. Son livre est la loi naturelle en action; tout sentiment exagéré n'avoit point de prise sur son âme, s'en écartoit naturellement, et la facilité même de son caractère sembloit l'en avoir préservé. La Fontaine n'est point le poëte de l'héroïsme; il est celui de la vie commune, de la raison vulgaire. Le travail, la vigilance, l'économie, la prudence sans inquiétude, l'avantage de vivre avec ses égaux, le besoin qu'on peut avoir de ses inférieurs, la modération, la retraite, voilà ce qu'il aime, et ce qu'il fait aimer. L'amour, cet objet de tant de déclamations, ce mal qui peut-être est un bien, dit La Fontaine, il le montre comme une foiblesse naturelle et intéressante; il n'affecte pas ce mépris pour l'espèce humaine, qui aiguise la satire mordante de Lucien, qui s'annonce hardiment dans les écrits de Montaigne, se découvre dans la folie de Rabelais, et perce quelquefois même dans l'enjouement d'Horace. Ce n'est point cette austérité, qui appelle, comme dans Boileau, la plaisanterie au secours d'une raison sévère, ni cette dureté mi

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