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1671-1675 et elle ne fut jamais tant qu'il vécut insérée dans ses Et. 50-54 œuvres. On ne peut douter que l'auteur de l'Art Poétique n'ait eu en vue La Fontaine, dans les vers suivants, aussi bien écrits que bien pensés.

Sentence de police qui défend les Con

tine.

Que votre âme et vos mœurs, peintes dans vos ouvrages 59,
N'offrent jamais de vous que de nobles images.

Je ne puis estimer ces dangereux auteurs
Qui de l'honneur, en vers, infàmes déserteurs,
Trahissant la vertu sur un papier coupable,

Aux yeux de leurs lecteurs rendent le vice aimable.

Peut-être ces vers hâtèrent-ils la mesure de rigueur esde La Fon qui fut prise contre les nouveaux ouvrages de La avril 1675. Fontaine. Jusqu'alors les divers recueils de contes qu'il avoit publiés, avoient paru avec privilège du roi. En 1675 il fit paroître un nouveau recueil, sous la rubrique de Mons, mais que nous soupçonnons avoir été imprimé à Paris 6. Ce fut contre ce recueil

qu'il y eut une sentence de police, rendue par le Nouveaus lieutenant de police La Reynie, le 5 avril 1675 6, Mars 1675. qui en interdisoit le débit, attendu, est-il dit dans

Contes.

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Nouv. édit. des Nouveaux Contes.

la sentence << que ce petit livre est imprimé sans aucun privilége ni permission, qu'il se trouve rempli de termes indiscrets et malhonnètes, et dont la lecture ne peut avoir d'autre effet que celui de corrompre les bonnes mœurs et d'inspirer le libertinage. » Malheureusement cette défense ne produisit d'autre résultat que d'augmenter, pour cet ouvrage qu'on vouloit interdire, l'empressement du public, déjà très-grand pour tout ce qui sortoit de la plume de La Fontaine. Il parut l'année d'après une autre édition de ce même

Amst. 1676. recueil, évidemment imprimée en France subrepti

cement, quoiqu'elle porte le nom d'Amsterdam, 1675-1679 pour lieu d'impression 62.

Æt. 54-58

du mot bluson

Nous avons remarqué le goût particulier de La Fontaine pour tous les genres de compositions qui rappeloient notre ancienne poésie. Dans les recueils de contes qui précédèrent celui dont nous nous occupons ici, il avoit inséré des ballades, et des arrêts d'amour. Dans celui-ci, il mit un blason, sorte de petit poëme dont le nom et la nature étoient tout-àfait oubliés. Nos anciens poëtes entendoient par le Définition mot blason la louange ou le blâme continu de la en poésie. chose qu'on vouloit blasonner. Ce mot étoit encore en usage du temps d'Amyot, dont la traduction de Plutarque n'a pu être effacée par celles qui l'ont suivie, et qui fait encore après plus de deux siècles et demi les délices des lecteurs. Cet auteur appelle une épitaphe un blason funéral. Les blasonneurs devoient écrire en rimes plates et en petits vers 63. Les plus grands vers ne devoient pas excéder huit ou dix syllabes. Le blason de La Fontaine est intitulé Janot et Catin 64. Ce dernier nom dans l'ancien in. langage est le diminutif de Catherine, et Ronsard donne encore le nom de Catin à la reine Catherine de Médicis. C'est ainsi que garce signifioit une jeune fille, comme garçon, un jeune homme. Le mot courtisienne dont on a fait depuis courtisane, étoit un titre d'honneur, et servoit à désigner une femme de la cour. La Fontaine dit au sujet de Janot et Catin : « J'ai composé ces stances en vieil style à la » manière du blason des fausses amours et de celui

Blason de Janot et Ca

1675-16-9 » du loyer des folles amours dont l'auteur est inEt. 54-58» connu. İl y en a qui les attribuent à l'un des Saint

Les Troqueurs,

mé à part.

>>

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Gelais. Je ne suis pas de leur sentiment, et je crois

qu'ils sont de Cretin. » On sait aujourd'hui que le Blason des fausses amours est de Guillaume Alexis, religieux de Lire, prieur de Bussy ou Buzy, au diocèse d'Evreux, qui vivoit vers 1480. Quant à l'autre, il n'est pas bien sûr qu'il soit de Cretin, et Coustelier ne l'a point inséré dans l'édition qu'il a donnée de ce poëte. Au reste l'imitation de La Fontaine est excellente, et l'on croit lire les vers simples et naïfs d'un de nos vieux poëtes qui, sans changer son langage, et sans rien perdre de ses grâces d'autrefois, est devenu pour nous parfaitement intelligible.

66

Il est probable que plusieurs des contes de ce reconte impri-cueil furent d'abord imprimés à part. Nous en avons la preuve, du moins pour le conte des Troqueurs, que nous avons retrouvé dans un recueil de pièces diverses, formé par Huet : ce conte s'y trouve imprimé en grosses lettres italiques, sur une feuille in-4° de huit pages. Il n'est signé que par les initiales de l'auteur M.D.L.F. Sans doute que le savant évêque l'avoit reçu de La Fontaine lui-même; car Huet, dans sa propre vie qu'il a écrite en latin, nous apprend que La Fontaine c'est précisément à l'époque où nous sommes arrivés, en 1674, qu'il fit connoissance avec La Fontaine ; et il

se lie d'amitié

avec le savant Huel.

met au nombre des années heureuses celle pendant laquelle il acquit cet ami, aussi remarquable par sa candeur et sa bonté, que par son esprit et ses talents. Le conte des Troqueurs, dans cette pre

Du conte

de l'Abbesse et de Dinde

mière impression et dans les deux éditions du recueil 1675-1679 dont nous avons parlé, contient à la fin dix vers que Et. 54-58 l'auteur a retranchés depuis, et qu'aucun éditeur moderne n'a connus 67. Mais on a bien remarqué que La Fontaine avoit supprimé du conte de l'Abbesse celui de Dindenaut dans le prologue duquel il se naut. trouve intercalé dans les deux éditions du recueil dont nous venons de faire mention. Tout ceci prouve que La Fontaine travailloit tous ses ouvrages avec plus de soin qu'on ne pense, puisque ses contes qui sont écrits avec beaucoup de négligence, en comparaison de ses fables, offrent des variantes aussi considérables. Nous verrons par la suite qu'il ne craignoit pas de refaire en entier celles de ses fables dont il n'étoit pas satisfait.

La Fontai ne travailloit avec soin ses

ouvrages.

pas ses

goûts pour les

Du reste, La Fontaine, dans ses nouveaux contes comme dans les précédents, quand il parle de luimême, ne dissimule rien et se montre franc épicu-ne dissi rien. Dans le Diable de Papefiguière il fait, d'après plaisirs et la François Rabelais, la peinture du pays de Papimanie, où tout le monde prospère, par opposition à celui de Papefiguière maudit de Dieu, habité par les démons auxquels tout tourne à mal.

Maître François dit que Papimanie
Est un pays où les gens sont heureux.
Le vrai dormir ne fut fait que pour eux :
Nous n'en avons ici que la copie.

Et, par saint Jean! si Dieu me prête vie,

Je le verrai ce pays où l'on dort.

On y fait plus, on n'y fait nulle chose;
C'est un emploi que je recherche encor.
Ajoutez-y quelque petite dose

D'amour honnête, et puis me voilà fort 68.

paresse.

1675-1679

taine et

de

La réputation dont La Fontaine jouissoit, manEl. 54-58 qua de le brouiller avee Benserade. Ce bel esprit De La Fon- dont la renommée, comme poëte, étoit alors trèsBenserade. grande, s'étoit avisé de mettre en rondeaux toutes les métamorphoses d'Ovide. Cet ouvrage, supérieurement imprimé aux dépens du roi et orné de figures, parut in-4° en 1676. Il n'eut point de succès, mais il donna lieu à un rondeau épigrammatique qui en eut beaucoup plus que tous ceux que Benserade avoit composés.

A la fontaine où l'on puise cette eau'
Qui fait rimer et Racine et Boileau,
Je ne bois point, ou bien je ne bois guère;
Dans un besoin, si j'en avois affaire,
J'en boirois moins que ne fait un moineau.
Je tirerai pourtant de mon cerveau
Plus aisément, s'il le faut, un rondeau,
Que je n'avale un plein verre d'eau claire
A la fontaine.

De ces rondeaux un livre tout nouveau
A bien des gens n'a pas eu l'art de plaire;
Mais, quant à moi, j'en trouve tout fort beau,

Papier, dorure, images, caractère,

Hormis les vers qu'il falloit laisser faire

A La Fontaine.

Ce rondeau qui n'est point de Chapelle, comme on l'a cru à tort 69, affligea La Fontaine. Déjà il aspiroit à une place à l'Académie française, dont Benserade étoit membre, et dans laquelle il avoit beaucoup d'influence. La Fontaine craignit que Benserade, qui s'étoit montré très-sensible au trait malin du rondeau, ne devînt son ennemi, et ne cherchât la suite à contrarier son élection. La Fontaine se trompoit. Benserade lui rendoit justice, et appré

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