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n'y a que ce qui n'est point de ce style qui est plat. Je 1669-1671 voudrois faire une fable qui lui fit entendre combien Et. 48-50 cela est misérable de forcer son esprit à sortir de son genre, et combien la folie de vouloir chanter sur tous les tons fait une mauvaise musique il ne faut pas qu'il sorte du talent qu'il a de conter ". »

La Fontaine

Ce défaut de constance, que Mme de Sévigné re- Jugement de prochoit à La Fontaine, il le connoissoit, et il sur lui-même s'en accuse de manière à se le faire pardonner par tous ceux qui sont sensibles aux charmes de la poésie :

Papillon du Parnasse et semblable aux abeilles,

A qui le bon Platon compare nos merveilles,
Je suis chose légère et vole à tout sujet.

Je vais de fleur en fleur, et d'objet en objet.

A beaucoup de plaisirs je mêle un peu de gloire.

J'irois plus haut peut-être au temple de Mémoire.

Si dans un genre seul j'avois use mes jours;

Mais quoi! je suis volage en vers comme en amours 25,

de La Harpe sur ce juge

ment.

La Harpe observe sur ces vers, qu'après les Fables Observations et les Contes, il n'étoit guère possible à La Fontaine d'aller plus haut; que les différents genres qu'il a essayés, n'étoient pas cependant tous étrangers à son génie, et nous ont valu des ouvrages assez agréables, pour qu'on lui sache gré de s'en être occupé.

On peut ajouter avec vérité que, quand La Fontaine s'est écarté tout-à-fait des genres qui lui étoient propres, ce fut pour céder aux instances de ses amis, auxquels il ne savoit pas résister, et qui abusoient de la facilité de son caractère. Ainsi HenriLouis de Loménie, comte de Brienne, qui, après

La Fontaine tances de son ami, Louis der

cède aux ins

de Loménie

comte

Brienne,

de

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1669-1671 avoir été secrétaire d'Etat, s'étoit retiré à l'Oratoire, Et. 48-50 fut engagé par sa mère et par les personnes qui

s'intéressoient à l'éducation du jeune prince de Conti, de former un recueil des meilleures poésies chrétiennes on imagina ensuite de prier La Fontaine, que M. de Loménie nomme, dans ses Mémoires, son ami particulier, de prêter son nom à ce recueil, afin, par cette pieuse fraude, de lui procurer plus de débit, et on ajouta un troisième volume de poésies diverses aux deux volumes de poésies chrétiennes. La Fontaine se prêta sans difficulté à ce projet; il consentit à ce qu'on ornât le recueil de poésies diverses, de quelques unes de ses fables, et de quelques autres morceaux de lui laisse déjà imprimés; il rima une longue paraphrase du no le psaume XVII, et composa une épître dédicatoire sau prince de Conti. Ainsi parut, sous la protection 20 déc. 1670. du nom de l'auteur de Joconde et de la Courtisane amoureuse, le Recueil de Poésies chrétiennes et diverses, en 3 volumes in-12. Cependant l'imposture n'existoit que sur le titre, et La Fontaine a soin d'instruire le public de la vérité en disant au prince de Conti, dans l'épître dédicatoire :

et paroitre sous

son

Recueil de

tiennes et

verses. 3 vol.

De ce nouveau recueil je t'offre l'abondance,
Non point par vanité, mais par obéissance.
Ceux qui par leur travail l'ont mis en cet état,
Te le pouvoient offrir en termes pleins d'éclat :
Mais craignant de sortir de cette paix profonde
Qu'ils goûtent en secret loin du bruit et du monde,
Ils m'engagent pour eux à le produire au jour 26.

C'est la même facilité de caractère, qui, d'après

Poëme de la Captivité suint Male. 1673.

Capite de

Loué par

Rousseau.

poëme.

Le

les instances de MM. de Port-Royal, lui fit traiter 1671-1675 le sujet de la Captivité de Saint-Malc, non que ce . 50-54 poëme qu'il dédia au cardinal de Bouillon, soit dépourvu de mérite; Jean-Baptiste Rousseau l'estimoit, dit-on; et Le Brun, impie par nature, our L dans une note manuscrite de son exemplaire des OEuvres diverses de La Fontaine, en porte ce jugement: « Ce petit poëme, quoique le sujet en soit pieux, est rempli d'intérêt, de vers heureux et de beautés neuves 27. » Malgré des autorités aussi imposantes, nous oserons dire que, dans cet écrit, La Fontaine est resté au-dessous de son sujet; c'est, suivant nous, un des plus beaux, qui puissent se présenter sous la plume d'un poëte. Quoi de plus Sujet de ce digne en effet des couleurs de la poésie, qu'un jeune homme et une jeune et belle vierge, qui tous deux ont fait vou de chasteté; qui, tous deux d'un rang élevé, deviennent esclaves par le sort de la guerre; qui sont envoyés dans un désert pour y garder les troupeaux, et qui, pour obéir à leurs vœux sacrés, résistent aux désirs qui les consument, à tout ce que l'amour peut offrir de tentations, sous un climat brûlant, dans la silencieuse solitude du désert, quand rien ne peut les distraire du charme irrésistible qui les entraîne l'un vers l'autre, quand aucun obstacle ne s'oppose à leur ineffable bonheur, si ce n'est la crainte d'offenser le Dieu qu'ils adorent? Mais ils se voient soumis à des épreuves plus difficiles encore pour éviter la mort, dont ils sont menacés, il leur faut feindre un

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1671-1675 hyménée qu'exige un maître avare et cruel qui veut E. 50-54 multiplier le nombre de ses esclaves. La même couche reçoit et l'amant et l'amante : ils s'exhortent mutuellement à une résistance, qui paroît impossible; bientôt le fougueux jeune homme presse contre son sein la vierge dans la coupable espérance de lui faire partager le délire auquel il est en proie. Elle résiste; et son éloquence toute divine triomphe de celui qui la contemple avec délices, et qui l'écoute avec admiration. Alors tous deux à genoux, genoux, enlacés dans les bras l'un de l'autre, lèvent au ciel leurs yeux baignés de pleurs, et reportent vers Dieu tous ces sentiments d'amour dont leurs cœurs sont embrasés. Cependant la nature trop foible succomberoit à tant de tourments: ils fuient ensemble, sont poursuivis, s'élancent dans la caverne d'une lionne furieuse qui allaitoit ses petits: par un miracle inattendu, l'animal féroce les protège, et met en pièces l'Arabe, dont le cimeterre déjà levé sur eux alloit leur donner la mort. Enfin, après avoir échappé à mille dangers, ils arrivent à une bourgade chrétienne, se disent un éternel adieu; et, fidèles aux vœux qu'ils avoient formés, ils se renferment pour toujours dans des cloîtres différents, et demandent à Jésus-Christ, au pied des autels, la céleste récomd'un si douloureux sacrifice.

pense

Dans l'invocation à la Vierge, qui commence ce poëme, La Fontaine s'exprime ainsi :

Mère des Bienheureux, Vierge, enfin je t'implore,
Fais que dans mes chansons aujourd'hui je t'honore;

Bannis-en ces vains traits, criminelles douceurs,
Que j'allois mendier jadis chez les Neuf Sœurs.

Ces vers ont fait croire que La Fontaine avoit écrit ce poëme dans un accès de repentir. Si ce repentir eut lieu, il ne fut pas de longue durée; car il ne tarda pas à composer de nouveaux contes, au moins aussi licencieux que les premiers.

Ses ouvrages lui avoient fait une grande réputation, mais n'avoient été d'aucune utilité à sa fortune, que son insouciance, son inexpérience pour les affaires, et son peu de conduite avoient presque anéantie. Heureusement que son caractère lui avoit procuré beaucoup d'amis : ils s'étoient occupés à lui assurer une honorable indépendance, et ils avoient réussi en lui obtenant, ainsi que nous l'avons déjà dit, la charge de gentilhomme de MADAME 28; mais les espérances que pouvoit lui faire concevoir cette place honorable et lucrative, s'évanouirent par la mort de cette aimable princesse, qui périt empoisonnée, victime du plus lâche et du plus noir

attentat 29.

1671-1675 Et. 50-54

La Fontaine par la mort

perd sa charge

d'Henriette d'Angleterre, le 29 juin 1670.

La Sabliere le

rire

elle.

chez

Ce fut alors que Mme de La Sablière fit cesser la Madame de position pénible où se trouvoit La Fontaine, en le retirant chez elle 30. Elle l'a gardé tant quelle a vécu, et lorsqu'elle-même, ainsi que nous le dirons, avoit abandonné sa maison, lorsque le poëte lui étoit devenu indifférent, et qu'elle ne pouvoit plus chérir dans La Fontaine que l'ami sincère et dévoué. Elle lui épargna pendant vingt ans tous les tracas de la vie; elle pourvoyoit, dit d'Olivet, à

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