1669-1671 tout en disant qu'elle se rapproche du genre du Et. 48-50 conte. La première pièce est évidemment de la Différent de même espèce que celles des Arrêts d'Amour; la se Beaux Yeux et de Belle conde n'est ni un conte, ni une comédie, ni une pas Bouche. torale, c'est une petite pièce mythologique, dont les neuf Muses sont les personnages; c'est une compoClimène. sition sition pleine d'esprit et de délicatesse, mais qui malheureusement a ce point de ressemblance avec quelques uns des contes de ce volume, de contenir des détails trop libres et des images trop voluptueuses. Elle se rapproche des tensons ou dialogues d'amour de nos vieux troubadours : il y a peu de doute que cette Climène ne doive son origine à quelque aventure amoureuse de La Fontaine, qui, sous le nom d'Acante, s'est fait un des interlocuteurs de la pièce 18. La versification en est souvent foible, et donne lieu de croire qu'elle fut composée dans la jeunesse de l'auteur; ces deux vers surtout où il fait dire à Apollon, Adieu donc, ô beautés ! je garde mon emploi Pour les surintendants sans plus, et pour le roi, semblent prouver que Fouquet étoit encore en place Aveux de lorsque l'auteur écrivoit. On voit que La Fontaine sur l'inégalité connoissoit bien les défauts de son caractère, et La Fontaine de son carac tère. qu'il ne craignoit pas de les avouer; car il fait dire Sire, Acante est un homme inégal à tel point, Que d'un moment à l'autre on ne le connoît point: Inégal en amour, en plaisirs, en affaire, Tantôt gai, tantôt triste. Il paroît que La Fontaine résolut de profiter de Contes et vers, troisième 27 janv. 1671. Fes Fables nouvelles et autres poésies. la vogue qu'avoient ses écrits, pour vider en quelque 1669-1677 sorte son portefeuille; car, peu de mois après la Et. 48-50 publication de ce recueil de contes, il fit paroître, Nouvelles en à la faveur de sept nouvelles fables, ses fragments partie. In-12. incomplets du Songe de Vaux, et beaucoup de petites pièces de vers de sa jeunesse déjà connues, et dont nous avons parlé : il réimprima aussi le poëme d'Adonis, et l'Elégie pour M. Fouquet qui furent très-bien reçus du public 9. Ce recueil, intitulé Fables nouvelles et autres poésies, est dédié au duc de Guise, celui qui avoit épousé Mlle d'Alençon, 12 mars 1671. la fille de la duchesse douairière d'Orléans, que l'épitre pour Mignon nous a donné occasion de faire connoître comme la protectrice et l'amie particulière de La Fontaine aussi cette épître, ainsi que les sonnets à Mlle d'Alençon, et à Mile Poussay, se trouvent-ils dans ce volume. Le duc de Guise en avoit en quelque sorte ambitionné la dédicace; La Fontaine ne le cache pas, puisqu'il lui dit duc de Guise. « Vous m'avez fait l'honneur de me demander » une chose de peu de prix; je vous l'ai accor» dée dès l'abord. » Il ne lui dissimule pas non plus que sa qualité de gendre de la duchesse douairière d'Orléans est le principal motif des hommages qu'il lui rend : « Vous êtes maître de mon loisir et de tous les moments de ma vie, puisqu'ils appartiennent à l'auguste et sage princesse, qui vous a cru digne de posséder l'héritière de ses >> vertus. » Il y a dans ce recueil quatre élégies amoureuses Dédicace au Elégies. 1669-1671 assez médiocres, mais qui méritent de nous arrêter El. 48-50 un instant, parce que La Fontaine s'y peint avec sa franchise ordinaire. Il y raconte ses premières intrigues amoureuses : ces petites mésaventures, résultat de l'inexpérience du jeune âge, dont on se garde bien de se vanter dans un âge plus avancé, Avenx de La La Fontaine en fait l'aveu avec une naïveté pleine ses premieres de charme. Il se plaint à l'Amour de toutes les inhu Fontaine sur amours. maines, qui lui ont fait connoître ses peines, et non J'aimai, je fus heureux: tu me fus favorable Chloris vint une nuit : je crus qu'elle avoit peur : Une seconde, au contraire, qu'il nomme Amarylle, le fait attendre un an; au bout de ce temps elle lui donne un rendez-vous: il s'y rend. Ni joueur, ni filou, ni chien ne me troubla. Vient une troisième : On la nomme Phyllis; elle est un peu légère : Je triomphai des lis et du cœur dès l'abord; Le reste ne tenoit qu'à quelque rose encor. Sur le point que j'allois surmonter cette honte, 1669-1671 On me vint interrompre au plus beau de mon conte; Iris entre et depuis je n'ai pu retrouver L'occasion d'un bien tout près de m'arriver 2. Après s'être plaint ainsi à l'Amour de plusieurs autres belles, il s'adresse à Climène, dont il est amoureux; mais elle regrette un objet chéri, et refuse d'écouter ses voeux; alors il se dit à lui-même : Que faire? mon destin est tel qu'il faut que j'aime, Il aime à s'engager, mais non pas pour toujours. Si l'on ne suit l'amour, il n'est douceur aucune. Et pour me rendre heureux un souris peut suffire 22. On n'a jamais mieux loué les femmes, ni rien dit de plus galant et de plus flatteur pour leur vanité. Les vers suivants respirent une véritable passion. Devant que sur vos traits j'eusse porté les yeux, Adieu, plaisirs, honneurs, louange bien aimée : Si ces élégies se soutenoient toujours sur ce ton, Et. 48-50 1669-1671 elles seroient au nombre des meilleurs ouvrages de Et. 48-50 La Fontaine; mais malheureusement il n'en est pas La Fontaine ainsi. N'oublions pas de remarquer que, malgré sa précier. modestie, La Fontaine savoit fort bien s'apprécier, savoit s'ap Madame de La Fontaine et ses ouvra ges. puisqu'ici il ne craint pas de dire qu'il est aimé d'Apollon, et qu'il peut donner la gloire: mes lecteurs auront encore plus d'une occasion de faire cette observation. La plus grande récompense qu'il promet à ses bienfaiteurs, à ceux qu'il chérit, ou aux belles qu'il veut flatter, est toujours de leur élever un temple dans ses vers. Jugement de Ces deux volumes, que La Fontaine publia dans Sévigné sur l'année 1671, charmèrent Mme de Sévigné, qui les envoya à sa fille, qu'elle interrogea ensuite ainsi dans une première lettre : « Mais n'avez-vous point trouvé jolies les cinq ou six fables de La Fontaine qui sont dans un des tomes que je vous ai envoyés? Nous en étions ravis l'autre jour chez M. de La Rochefoucauld: nous apprîmes par coeur celle du singe et du chat; » puis elle en cite quelques vers, et ajoute: « Et le reste. Cela est peint; et la Citrouille, et le Rossignol, cela est digne du premier tome. » Il paroît que Mme de Grignan, dont le goût étoit plus dédaigneux et moins sûr que celui de sa mère, critiqua ces nouvelles productions de La Fontaine ; car Mme de Sévigné lui répondit : « Ne rejetez pas si loin ces derniers livres de La Fontaine ; il y a des fables qui vous raviront, et des contes qui vous charmeront la fin des Oies de frère Philippe, les Rémois, le Petit Chien, tout cela est très-joli : il |