à ses vers ; et il dit lui-même, dans sa préface, qu'elle 1669-1671 lui a coûté davantage : il faut cependant excepter Et. 48-50 quelques morceaux, dont les vers sont vraiment dignes de lui, et même au nombre de ses meilleurs: telle est la chanson que Psyché entend dans le palais de l'Amour; tel est aussi le tableau de Vénus portée sur les eaux dans une conque marine; et enfin l'hymne à la Volupté, qui se termine par ces vers charmants, La Fontaine où notre poëte s'est peint tout entier 6. Volupté, Volupté, qui fut jadis maitresse Du plus bel esprit de la Grèce, Ne me dédaigne pas; viens-t'en loger chez moi : J'aime le jeu, l'amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout : il n'est rien Jusqu'aux sombres plaisirs d'un cœur mélancolique. avoue ses penchants pour tous les gen res de plai sirs. On voit qu'il justifie parfaitement le nom de Polyphile, aimant beaucoup de choses, qu'il s'est donné dans ce roman. Quand Polyphile visite les enfers, ill place eu nous raconte qu'il a vu, entre les mains des cruelles qui n'aiment Euménides 7, les auteurs de maint hymen forcé, Chacun se fait un enfer comme un paradis à sa façon : quant à La Fontaine, il y plaçoit alors ceux qui étoient rebelles à l'amour; cela lui paroissoit un péché impardonnable. Le roman de Psyché eut, malgré ses défauts, un très-grand succès, ce qui détermina Molière à en enfer ceux pas. 1669-1671 composer un opéra, qui fut représenté dans l'hiver Et. 48-50 qui suivit la publication de l'ouvrage de La Fontaine. Molière et Molière, pressé par le temps, engagea le grand un opéra de Corneille à l'aider dans la .composition de son Corneille font Psyché. Adonis, pocme. avoient traité La Fontaine. opéra, et l'auteur de Cinna, dit Voltaire, fit, à l'âge de soixante-sept ans, cette déclaration de Psyché à l'Amour, qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels, qui soit au théâtre 8. A la suite de Psyché, se trouve le poëme d'Adonis, imprimé dans ce volume pour la première fois, mais qui, ainsi que nous l'apprend l'auteur dans l'avertissement, étoit composé depuis long-temps. Ce sujet avoit acquis une sorte de vogue, depuis que Marini avoit publié en 1623, en italien, son De ceux qui long poëme d'Adonis, imprimé à Paris, avec une ce sujet avant préface de Chapelain, pour le justifier des critiques qu'on en avoit faites dans les lectures particulières 9. Un président, Nicole, à qui nous devons un mauvais recueil de poésies, traduisit en vers le premier chant en 1662. Un anonyme dont nous n'avons pu lever le voile, en fit paroitre douze chants entiers également traduits en vers français, deux ans avant la publication du poëme d'Adonis de La Fontaine". Malgré la réputation qu'avoit acquise en France Marini, qui même avoit formé une sorte de secte littéraire, La Fontaine se garda bien de suivre un aussi mauvais modèle: admirateur passionné des anciens, il imita Ovide, mais il l'imita en maître. A cette époque l'Art poétique et le Lutrin n'avoient pas encore vu le jour, et l'Adonis de La Fontaine 1669-1671 étoit le seul poëme vraiment digne de ce nom qui £t. 48-50 existât dans la langue française. Il n'est pas parfait, parce que le genre exigeoit que La Fontaine se contraignît à ne pas quitter le ton élevé, et s'assujettît à des vers d'une seule mesure: son imagination mobile, Variant, comme Iris, ses couleurs et ses charmes 13, Jugement de La Harpe sur le poëme perdoit une partie de ses forces, dès qu'on entravoit la liberté de ses mouvements; aussi trouvet-on, dans ce poëme, des endroits foibles et négligés. « Mais, dit La Harpe (que nous aimons à citer, parce qu'aucun littérateur n'a plus étudié d'Adors. ni mieux apprécié La Fontaine), il y en a de charmants, surtout celui des amours de Vénus et d'Adonis. Le poëte habite avec eux des lieux enchantés, et y transporte son lecteur. C'est là qu'on reconnoît l'auteur de la fable de Tyrcis et Amarante. Jamais les jardins d'Armide, ce brillant édifice de l'imagination, qu'elle a construit pour l'Amour, n'ont rien offert de plus séduisant et de plus doux. Vous croyez entendre autour de vous les chants du bonheur et les accents de la tendresse : vous êtes environné des images de la volupté. Tout ce que les cœurs passionnés ont de jouissances intimes, tout ce que les jours qui s'écoulent entre deux amants ont de délices toujours variées, et toujours les mêmes, tout ce que deux âmes confondues l'une dans l'autre se communiquent de ravissements et de transports; enfin ce que l'on voudroit toujours sentir, et qu'on 1669-1671 croit ne pouvoir jamais peindre, voilà ce que La Et. 48-50 Fontaine nous représente avec les pinceaux que l'Amour a mis dans ses mains 4. » ne présente à Louis XIV Psyché. Le public qui, lorsqu'il est frappé des fautes ou des défauts des grands, croit toujours voir, dans les écrits qui paroissent, des allusions malignes, découvrit, dans le roman de Psyché de La FonLa Fontai- taine, des traits de plaisanterie et de satire qui A pouvoient s'appliquer à Louis XIV. La Fontaine, qui avoit eu, dans cet ouvrage, plutôt le désir de flatter le monarque que de l'offenser, fut extrẻmement alarmé de ces bruits; c'est pourquoi le duc de Saint-Aignan, qui aimoit et protégeoit notre poëte, l'introduisit chez le roi dans le moment où il se trouvoit environné de ses courtisans. La Fontaine lui présenta son roman de Psyché, en reçut une réponse flatteuse; dès lors toutes les intentions qu'on lui avoit prêtées furent discréditées, et on cessa d'en parler 15. Des Epîtres dédi La Fontaine. La Fontaine dédiá sa Psyché à la duchesse de Bouilcatoires de lon, et c'est ici le lieu de remarquer peut-être que dans aucune de ses épîtres dédicatoires on ne trouve ce ton de basse humilité qu'on a durement reproché au grand Corneille et à Molière, qui se conformoient en cela aux protocoles en usage alors pour ces sortes d'écrits. Il y a deux épîtres dédicatoires au dauphin dans le premier recueil de fables de La Fontaine, et toutes deux sé distinguent par la noblesse, et la justesse, des pensées et du style. Dans celle à la duchesse de Bouillon, qu'il a mise 1669-1671 en tête de la Psyché, il n'y a ni autant d'esprit, ni autant de talent, que dans les lettres qu'il lui écri- Et. 48-50 voit en particulier, et dont nous pouvons juger par une seule qui nous reste, datée de Château-Thierry, en juin 1671. Cette lettre nous apprend que la duchesse, ainsi que lui, faisoient de fréquents séjours à Château-Thierry : malgré qu'il fût dans sa cinquantième année, il lui faisoit une cour assidue, et elle avoit pour lui les attentions les plus aimables. Cette lettre se termine ainsi 16: << Vous fites dire l'année passée à M. de La Haye, qu'il eût soin que je ne m'ennuyasse point à Cha»teau-Thierry. Il est fort aisé à M. de La Haye de satisfaire à cet ordre; car, outre qu'il a beaucoup d'esprit, » Peut-on s'ennuyer en des lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux D'une aimable et vive princesse, A pied blanc et mignon, à brune et longue tresse? Pour moi, le temps d'aimer est passé, je l'avoue, De ce libre et sincère aveu, Dont pourtant le public se souciera très-peu; Que j'aime ou n'aime pas, c'est pour lui même chose; Mais s'il arrive que mon cœur Retourne à l'avenir dans sa première erreur, Nez aquilins et longs n'en seront pas la cause. Lettre à la Juin 1671. duchesse de Bouilion. La Fontaine publia cette même année la troisième partie des Contes et Nouvelles en vers", et il y inséra des pièces, qu'on ne peut regarder comme des contes, entre autres le différent de Beaux Yeux vers, troisieme et de Belle Bouche, et Climène, qu'il intitule comédie, Contes et Nouvelles en partie. |