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on les vit s'élancer d'elles-mêmes hors des flammes. On raconte que les missels ambrosiens sortirent victorieux de cette épreuve quand Charlemagne voulut abolir le rite de ce nom, et que le rite mozarabique d'Espagne fut soutenu par le duel. Bien plus, des questions de droit civil furent débattues à l'aide d'arguments de ce genre. Pour savoir si la représentation devait être admise ou non en ligne directe dans les successions, un empereur désigna deux champions, qui combattirent en champ clos, et ce fut celui de la représentation qui l'emporta.

Voilà donc les jugements réduits à n'être que des combats, point de vue sous lequel leur dénomination chez les Grecs et les anciens Romains (1) indique qu'ils étaient envisagés; les voilà redevenus un spectacle, toujours agréable pour des peuples grossiers, chez qui les sens sont tout; voilà la discussion ramenée à un défi par lequel l'accusé appelait en duel la partie adverse, les témoins, les juges eux-mêmes; voilà Dieu tenté, et sommé de manifester sa volonté par des miracles; voilà la victoire faisant encore foi de la bonté de la cause, de la véracité des témoignages, de l'équité du jugement.

La tâche serait infinie s'il fallait rapporter dans leur variété toutes les épreuves en usage chez les différents peuples dans le long cours des siècles; nous nous bornerons à en mentionner quelques-unes de temps à autre. Les hommes et les sociétés ont un besoin impérieux d'être convaincus que la peine est méritée. Dans les temps où l'on croyait à l'infaillibilité de la logique, on trouva un texte écrit pour démontrer que deux témoins suffisaient pour établir la preuve, sans s'occuper des circonstances particulières qui font qu'un fait peut être tenu pour vrai sans ce double témoignage, ou reconnu faux malgré lui; on prétendit en conséquence soumettre la conviction, non plus du peuple, mais du juge, à des calculs déterminés. Lorsqu'on se fut aperçu des dangers de cette manière de procéder, l'aveu du coupable fut exigé dans les cas graves, comme si l'évidence ne venait pas souvent rendre inutile cet aveu, comme si l'on ne trouvait pas une foule d'individus qui s'accusent injustement eux-mêmes ! Afin de réduire en fait ce principe de la confession, on inventa, pour amener le prévenu à reconnaître son crime, différents moyens qui varièrent selon les temps, tels que la suggestion dans l'interrogatoire préliminaire, la lenteur dans l'instruction, l'inqui

(1) Kpíverv signifiait tout à la fois, chez les Grecs, juger et combattre; il en était de même de decernere pour les Latins.

sition secrète et la torture. Le moyen âge croyait plus qu'il ne raisonnait; persuadé que Dieu ne devait pas permettre le triomphe du méchant, il le provoquait à faire connaître sa sentence. Erreurs selon les temps; quelles sont les moins funestes? la question n'est peut-être pas résolue.

Si les formes nouvelles conviennent à des jugements qui ont lieu à huis clos, l'appareil dont les autres s'entouraient était conforme à la nature des procès auxquels intervenait tout un peuple, aussi incapable d'apprécier des preuves légales qu'avide de ce qui frappait ses sens, et dont l'imagination vigoureuse avait besoin d'être stimulée par des émotions fortes; Dieu avait parlé par le langage des faits, et la société était convaincue. Mais combien de victimes innocentes durent succomber! combien de coupables échappés grâce à des mains ou à des pieds endurcis, à un bras habitué à manier l'épée ! L'Église, qui, au moyen âge, intervenait en toute chose, attacha (jamais, il est vrai, par un décret ni par autorité pontificale) des rites et des formules à chacune de ces épreuves judiciaires, dont elle trouvait déjà un exemple dans la sainte Écriture (1).

Cependant plus d'une voix s'éleva contre cet usage; vers l'an 825, Agobard, évêque de Lyon, attaqua dans un écrit l'impiété des combats judiciaires et des jugements de Dieu; s'appuyant sur le texte de saint Paul, qui avait proclamé l'égalité entre les diverses nations, il déclare inique la loi Gombette, qui excluait les témoins s'ils n'étaient pas nés dans le pays : « Il est absurde, dit-il, qu'un délit commis par un Bourguignon dans un marché public ou dans une réunion ne puisse se prouver, et que, par défaut de témoins, le coupable ait la faculté de s'excuser en se parjurant. Selon cette même loi, les combats judiciaires sont le meilleur moyen de découvrir la vérité; de sorte que souvent, à propos de la chose la moins importante, des infirmes et des vieillards sont appelés à un combat à outrance. Comment distinguer celui qui a raison, si tous les deux succombent? Vous admettez que le vainqueur est toujours innocent; mais ne peutil arriver que les Sarrasins l'emportent sur Jérusalem, les Goths sur Rome, et les Lombards sur l'Italie? >>

Ces réclamations et d'autres semblables restèrent sans effet; Othon le Grand, frappé de la fréquence des parjures, consulta

(1) L'eau, par exemple, que le prêtre versait à la femme accusée d'adultère, et qui lui devenait mortelle si elle était coupable. Ce rite est encore en usage chez les Juifs.

le concile romain (962), à l'effet de savoir s'il ne vaudrait pas mieux recourir plus souvent au duel judiciaire. Le pape ne décida rien; le même empereur (967) proposa, à la diète lombarde de Vérone, de regarder comme cas de duel judiciaire le faux en écriture, les contestations sur l'investiture d'un domaine, l'attestation qu'on avait souscrit de force une obligation relative à une terre, ou qu'on avait souffert un dommage dont la valeur dépassait six sols. D'après cette proposition, celui qui niait un dépôt, ou affirmait qu'un individu n'était pas entré au service d'un autre, devait également recourir au duel judiciaire. Tout homme libre devait combattre en personne. Seule, l'Église, aussi bien que les veuves, serait assistée d'un avocat (1).

Quand les fiefs se furent introduits, les hommes n'étant plus liés par la garantie mutuelle, le système des conjurateurs dut aller déclinant, et les duels judiciaires se multiplier, au contraire, comme plus convenables à des gens qui ne connaissaient que les armes. L'habitude survécut ensuite à la cause qui les avait produits; en effet, nous en retrouvons des traces jusque dans le seizième siècle, pour ne rien dire de l'Angleterre, où la proposition d'abolir le combat juridique, dans les procès d'homicide, ne fut soumise au parlement qu'en 1820 (2).

Le système pénal des nations étant l'indice suprême de leur condition sociale, nous ne croirons jamais pouvoir insister trop sur ce sujet.

CHAPITRE XIV.

CODES DES BARBARES.

Nous devons examiner désormais les codes eux-mêmes, dont nous avons extrait quelques pratiques plus ou moins générales. Ceux qui ne veulent pas se figurer les barbares comme une bande de brigands (opinion de quelques historiens démentie par les faits) doivent croire que, dans leurs contrées natales, ils

(1) L. Oth., 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12.

(2) La loi anglaise admet sept manières de prouver un fait : les mémoires devant une autorité judiciaire; l'enquête sur le lieu; les certificats; les témoignages devant le juge; le duel (by wager of battle); le serment et les conjurateurs (by wager of law); le jury. ( BLACKSTONE, Comment. on the laws of England, III, 22.)

avaient déjà des institutions et des coutumes d'après lesquelles ils pouvaient se régir et se juger; mais ce fut seulement, à ce qu'il paraît, après leur établissement dans les provinces romaines, que la complication des rapports sociaux, ou plutôt l'exemple des vaincus, les amena à rédiger leurs lois par écrit. Modifiées par l'imitation dans les pays où la race romaine l'emportait, ces lois conservèrent leur originalité dans ceux où les conquérants acquirent une prépondérance absolue.

Lorsque l'empire d'Occident se démembra, le code Théodosien y dominait, non comme loi unique, mais comme celle selon laquelle étaient administrées les provinces d'Europe. Les barbares, qui n'apportaient avec eux aucun système complet de législation et de gouvernement, ne songèrent pas à l'abolir; quelques-uns même le prirent pour base des codes nouveaux qu'ils imposèrent à leurs conquêtes.

Le premier de ceux qui nous restent, l'Édit de Théodoric, est fondé sur le droit romain, auquel il soumet les Goths euxmêmes dans l'intention de répandre parmi eux la civilisation latine, dont il reconnaissait l'avantage, mais sans vouloir qu'ils partageassent avec d'autres le privilége de porter les armes. Il ne faut pas croire que les coutumes gothiques furent abrogées pour cela; car, si les dispositions nouvelles obligeaient tous les individus, le droit de chacun restait en vigueur : les Goths se régissaient par la loi gothique, et les Romains par la loi romaine, sauf les cas formellement indiqués (1). Cela est si vrai que cet édit ne s'occupe presque uniquement que du droit criminel, en négligeant tout à fait les matières civiles. On ne saurait imputer raisonnablement une telle omission à l'insouciance dans un gouvernement organisé comme l'était celui de Théodoric; il faut donc y voir la volonté de régler ce qui concernait directement l'État, sans léser le droit particulier des deux peuples (2). L'Édit se compose de cent cinquante-quatre paragraphes tirés

(1) Salva juris publici reverentia, et legibus omnibus, cunctorum devotione servandis, quæ barbari quoque sequi debeant super expressis articulis, edictis præsentibus evidenter cognoscant. Cela est dans l'Édit; et Alaric, dans les Lettres de CASSIODORE, IX, 18, dit: Sed ne pauca tangentes reliqua credamur noluisse servari, omnia edicta tam nostra quam domini avi nostri et usualia jura publica sed omni censemus districtionis robore custodiri. (2) Par exemple, sur la succession sans testament, on ne trouve que cette loi : Si quis intestatus mortuus fuerit, is ad ejus successionem veniat, qui inter agnatos atque cognatos gradu vel titulo proximus invenitur, salvo jure filiorum ac nepotum. Comment appliquer cette loi sans se rapporter à des institutions antérieures concernant les successions?

Edictum

Theodorici.

500.

Breviarium
Alarici.

506.

principalement des Sentences de Paul, manuel pratique de cette époque; mais, contrairement à l'usage des anciens jurisconsultes ou législateurs, le rédacteur parle en son propre nom, transforme ou défigure les passages, et les détourne de leur véritable signification par une distribution arbitraire. Il est remarquable que le plus mauvais recueil de lois romaines, sous les barbares, ait été fait en Italie. Cet édit indique également que les Goths, de même que les Hérules, ignoraient l'usage du guidrigild, puisqu'ils punissaient l'homicide par des peines corporelles, comme le faisait la loi Cornélia; ce qui devait rendre moins dur le sort des vaincus.

Alaric II, roi des Visigoths, promulgua, pour ses sujets romains, le code appelé d'abord Lex romana, et plus tard Breviarium. L'exemplaire qui est parvenu jusqu'à nous est adressé par le référendaire Anianus à Timothée, un des comtes du royaume, avec le décret du roi au comte palatin Goïaric, dans lequel est exposé l'historique du travail, comme dans les préfaces de Théodose et de Justinien.

<< Avec l'aide de Dieu, dans l'intérêt de notre peuple, nous << avons corrigé, après mûr examen, ce qui nous a paru inique << dans les lois, de telle sorte que, moyennant le concours de << prêtres et de nobles personnages, toute obscurité fût dissipée « dans les lois romaines et dans l'ancien droit, pour que rien ne «< restât ambigu, et n'occasionnât des contestations journalières << entre parties adverses. Ces lois ayant été expliquées et réunies << dans un seul livre, conformément au choix qui a été fait par << des hommes sages, et aussi avec l'assentiment des vénérables « évêques et de nos provinciaux élus à cet effet, ce recueil, « auquel est joint une interprétation claire, a été sanctionné. « Notre clémence a ordonné que ce livre fût remis à toi, comte « Goïaric, afin que dorénavant tous les procès soient terminés << selon ses dispositions, sans que personne puisse mettre en << avant aucune loi ou règle de droit autre que celles qui sont << contenues en ce livre, sous peine, pour toi, de la vie et de la << fortune. >>

Le recueil embrasse seize livres du code Théodosien, les Novelles des empereurs Théodose, Valentinien, Marcien, Majorien, Sévère, qui sont appelés lois; tandis que le mot jus indique les travaux des jurisconsultes qui sont l'autre source de ce code; c'est-à-dire les Institutes de Gaïus, cinq livres des Receptæ sententiæ de Paul, outre deux titres du code d'Hermogène, et treize de celui de Grégoire. Ulpien n'y est pas même nommé, et l'on ne

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