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Irlande.

Tweed, ils prirent ce fleuve pour limite de leur territoire, et l'île,
depuis cette époque, resta divisée en deux parties, l'Angleterre
et l'Écosse.

L'ancienne langue kymrique continua d'être parlée dans les pays
qui, du nom de Wales, étrangers, furent appelés Galles et Cor-
nouailles; le reste adopta l'idiome anglais, mélange de danois et
de saxon, ou de bas allemand. Il nous en est resté un monument
très-ancien dans une version métrique de la Bible, faite par un
nommé Cedmon, dans le septième siècle. Un vieillard de Cor-
nouailles disait, en 1776: Nous sommes à peine quatre ou cinq
qui parlons la langue du pays, et nous avons de soixante à quatre-
vingts ans; nos jeunes gens n'en savent pas un mot. Le nom même
de Bretagne fit place à celui d'Angleterre, pour ne plus reparaître
jusqu'au dix-huitième siècle.

Les villes anglo-saxonnes étaient petites, les villages clairsemés, les campagnes dépeuplées à tel point qu'on avait un acre de la meilleure terre pour quatre brebis, et tout l'intervalle entre la Tyne et la Tees formait une forêt déserte. La conversion des conquérants dut apporter un grand soulagement aux maux de la conquête, et contribuer à répandre parmi eux cette mansuétude qui succède naturellement à la première impétuosité; en effet, lorsque la résistance a cessé, le maître veut conserver sur ses terres des serfs aussi bien que des bestiaux.

L'ancienne population survivait intacte dans l'Irlande, surnommée l'Ile des Saints, l'Émeraude de la mer, et qui plus tard donna naissance à de grands penseurs, à des patriotes fervents. Elle était divisée en tribus (sept) dont les chefs prenaient le titre de confinnies, et plusieurs tribus formaient un État. Les États étaient au nombre de cinq: l'Ultonie au nord, la Connacie à l'occident, la Momonie au midi, la Lagénie au sud-est, la Midie sur la côte orientale. Ce dernier État, le plus puissant de tous, avait pour chef l'ardriagh, qui convoquait à Teamor tous les autres riagh pour tenir conseil.

Le christianisme avait été de bonne heure prêché en Irlande, et Palladius y fut envoyé de Rome comme évêque, en 431. Saint Patrice, Armoricain de naissance, l'aida puissamment à convertir les insulaires; peuples et rois brisèrent les idoles, et partout on vit s'élever des monastères, des églises, des écoles pour les pauvres. Des âmes ferventes continuèrent sans interruption l'œuvre de Patrice, et de ces monastères, refuge pour la science et les rigides vertus, sortirent souvent des missionnaires qui allaient porter au loin les lumières de la vérité.

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L'Irlande fut la patrie de Colum (Colomban), qui, ne se laissant saint-Colom pas séduire par les avantages d'un bel extérieur ni par les applaudissements donnés à un esprit cultivé, prit l'habit de moine à Bancor, puis alla prêcher les Pictes et les Scots dans la simplicité de ses mœurs et de sa foi. Il fonda sur le rocher de Iona, une des Hébrides, un couvent de pauvres et laborieux cénobites, et passa ensuite dans les Gaules avec dix d'entre eux pour évangéliser les bûcherons et les bouviers des Vosges; là, il s'établit près d'une source d'eau chaude du village de Luxeuil, et peupla les environs de monastères dont la règle, très-simple, avait pour but l'humilité et la mortification. Thierry II, roi de Bourgogne, vint le trouver; mais Colomban eut le courage qui manquait aux prêtres francs, et lui reprocha sa vie déréglée. Le roi lui ayant fait porter en don des mets délicats: Dieu réprouve, dit-il, les présents des impies, et les lèvres du serviteur de Dieu ne doivent pas être souillées; et il mit les vases en morceaux. Brunehaut lui conduisit les fils naturels du roi pour qu'il les bénît; mais il refusa en s'écriant: Non, aucun d'eux ne portera le sceptre, parce qu'ils sont nés dans le péché. Cette reine, craignant donc qu'il n'amenât le roi à prendre une femme légitime, qui l'aurait affranchi de sa dépendance, détermina un clergé avide et ambitieux à condanner comme hérétique le pieux solitaire. Colomban voulait retourner en Irlande; mais, «< comme aucun prêtre ne doit suivre telle ou telle route sans le permission du Seigneur », il passa dans les États de Théodebert, sur les bords du lac de Zurich, puis sur ceux du lac de Constance; de là, descendant en Italie, il fonda le monastère de Bobbio, où il mourut dans un âge avancé.

La constitution héréditaire était établie en Irlande avant le christianisme; le clergé n'eut donc pas à la créer comme il le fit ailleurs, et par suite n'y devint pas dominant. Néanmoins nous trouvons quelques évêques rois, ce qui montre moins l'accord entre le temporel et le spirituel, que la confusion de ces deux pouvoirs. D'autres motifs nuisirent au clergé : il était en dissidence avec Rome sur plusieurs points, par exemple sur le temps de la Pâque; l'esprit monastique le dominait, mais sans unité de règle; enfin les migrations l'épuisaient, en lui enlevant le meilleur de sa substance.

Beaucoup de jeunes Anglo-Saxons allaient recevoir l'éducation dans les couvents de l'Irlande, où, avec des manières plus policées et des idées plus humaines, ils recevaient des exemples de science et de piété.

Béda nous apprend qu'en 728 il y avait en Angleterre dix-sept

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évêques deux pour le pays de Kent, quatre dans la Northumbrie, un à Londres, deux pour les Saxons orientaux, autant pour les Anglais orientaux, deux pour les Saxons occidentaux, quatre pour les Merciens. Parmi les pays soumis à ces évêques, il faut comprendre un grand nombre de ceux qui forment aujourd'hui l'Écosse. Bien que l'évêque Colman et son clergé, qui intervinrent au conseil de Withby, se disent Scots, il n'y a point d'apparence que le clergé d'Écosse ait été constitué avant l'an 1057, époque à laquelle Malcolm III le divisa en six diocèses. Le nombre des moines surpassait de beaucoup celui des prêtres; aussi les évêques mêmes s'inscrivaient dans les communautés religieuses, qui dès lors se montraient peu disposées à reconnaître la suprématie du pape. Dans l'Angleterre proprement dite les divisions de l'heptarchie empêchaient l'union des évêques, dont le pouvoir augmentait ou diminuait selon qu'ils appartenaient à tel ou tel royaume. Plus tard le pape Vitalien nomma Théodore archevêque de Cantorbéry et primat de toute l'Angleterre. Les Angles s'adonnèrent à la religion nouvelle avec tant d'ardeur que plus de trente de leurs rois ou reines déposèrent la pourpre pour la bure. Dès ce moment quelques esclaves affranchis devinrent hommes libres de la classe inférieure; puis Éthelbert donna, par le conseil des missionnaires, des lois écrites et une organisation judiciaire Ina, législateur du Wessex, régla la condition des esclaves nationaux, et quatre seigneurs bretons occupèrent un rang élevé dans sa cour. On reconnaît dès lors une autorité différente de celle du glaive, une autorité à laquelle on peut recourir au milieu des graves dissensions entre le peuple et le roi, étrangère aux intérêts de parti, protectrice constante de la cause la plus généreuse, et capable d'imposer quelque frein à ceux qui n'en reconnaissaient aucun. Dans les conciles de Northumbrie et de Mercie, tenus par deux légats du pape Adrien, outre les canons relatifs aux ecclésiastiques, les dispositions suivantes furent arrêtées : « Il ne sera pas permis que le roi soit créé par une seule «faction. L'élection se fera légitimement par les évêques et les << seigneurs du pays. On n'élira aucun bâtard; car, si l'homme << entaché de cette souillure ne doit pas être promu au sacerdoce, << selon les canons, personne ne peut non plus être l'oint du «Seigneur, le roi de tout un royaume, l'héritier de la patrie, « s'il n'est né d'une union légitime. Que le roi obtienne respect <«<et obéissance comme le prescrivent les saints apôtres Pierre <«<et Paul dans les Épîtres (1). »

(1) LABBE, t. VI, col. 1866 (édit. de 1671).

On trouve dans le Pontifical d'Egbert, archevêque d'York, qui vivait avant ces conciles, le cérémonial pour le couronnement des rois anglo-saxons, avec ce serment : « Je promets, au nom « de la très-sainte Trinité, premièrement, que l'Église de Dieu << et tout le peuple chrétien jouiront d'une véritable paix sous mon << gouvernement, secondement que je réprimerai toute espèce de ra<< pines et d'injustice entre les hommes, de quelque condition qu'ils << soient; troisièmement, que j'ordonnerai de réunir dans tous les << jugements la miséricorde et la justice, afin que Dieu, très-bon « et très-miséricordieux, puisse nous pardonner à tous par son « éternelle miséricorde. >>

Lorsque l'huile sainte avait été versée sur la tête du roi, les principaux thanes, ainsi que les évêques, mettaient le sceptre entre ses mains, et l'archevêque disait : « Seigneur, bénis ce << prince, toi qui gouvernes les royaumes de tous les rois. Puisse«<t-il vivre toujours soumis envers toi avec crainte ! puisse-t-il te << servir puisse son règne être tranquille! puisse-t-il, avec ses «< ministres, être protégé par son bouclier! puisse-t-il être vic«torieux sans répandre de sang!

« Qu'il vive magnanime au milieu des assemblées des nations, << signalé par l'équité de ses jugements!

« Accorde-lui de longues années, et que la justice règne dans << toute sa vie.

<«< Que les nations lui soient fidèles; puissent ses nobles jouir de << la paix et aimer la charité !

« Sois sa gloire, sa joie et son bonheur; son soutien dans les « revers, son conseil dans les dangers, son consolateur dans les << chagrins.

« Qu'il cherche tes conseils et apprenne de toi à régir l'em« pire, afin que sa vie soit une vie de prospérité, et qu'il puisse << ensuite jouir de l'éternelle félicité! »

Chaque fois les assistants répondaient Amen.

De semblables formules attestent un changement extraordinaire, et nous montrent le dragon farouche enchaîné et apprivoisé au pied des autels.

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Nous avons vu (liv. VII, chap. 1er) comment vivaient les Germains dans leurs forêts natales. Le nom même de Germain signifie peut-être homme de guerre : tant on considérait comme une distinction le droit de porter les armes, privilége glorieux de l'homme libre. Quand la patrie se trouvait en danger, tout Germain était convoqué à l'hériban (1). La bande guerrière différait de l'hériban: elle se composait d'hommes libres non propriétaires, réduits à se mettre au service des riches, pour cultiver leurs terres ou les suivre hors du pays dans des expéditions. Comme la culture était réputée une occupation ignoble, les jeunes gens préféraient la dépendance militaire; ils s'attachaient donc à quelque chef d'illustre naissance, ou recommandé par la supériorité de sa force ou de son intelligence, et s'obligeaient à lui obeir sans réserve, non comme des esclaves, mais comme des compagnons qui s'efforçaient à l'envi de lui plaire. Méditait-il quelque entreprise, il la leur proposait, et l'amour des dangers et des aventures leur faisait suivre ses traces; de bons et loyaux services leur valaient le renom de braves, et, dans le cas contraire, le déshonneur leur était réservé (2). Primitivement, ces associa

(1) Heerbann, de heer, armée, et bann, ordre, bande. Quelquefois on trouve heerbann dans le sens de landwehr, de land, pays, et wehren, défendre. Ce genre d'organisation militaire s'explique par ce qui est en usage de nos jours. En Prusse, le citoyen est soumis au service de vingt à vingt-quatre ans, sans pouvoir s'en exempter; il est exercé au maniement des armes par des sousofficiers attachés à l'armée et qui ne parviennent jamais à des grades supérieurs. Après ces trois années, le citoyen entre dans la landwehr, où il reste jusqu'à l'âge de trente-deux ans; il reste dans ses foyers, mais tous les deux ans il est tenu à un service d'au moins trois semaines, dans sa circonscription, et il doit marcher en cas de guerre. De trente-deux à quarante ans, il fait partie de la seconde levée; il est exempt d'exercices, et ne marche que si la première levée est insuffisante. Tous les hommes, de dix-sept à cinquante ans, forment la landsturm, qui n'est appelée que lorsque la patrie est en danger, et ne dépasse pas la frontière.

(2) Il se pourrait que Gesellschaft fût le nom tudesque de la bande guerrière que Tacite appelle comitatus, comme il nomme comites ceux qui en font partie; de là le mot comte, en allemand graf, contraction de gereffa, ou gefährte, compagnon. On les appelait aussi gasindi, de senden, envoyer, et degene, de dienen, servir. César trouva aussi des comites chez les Gaulois; il les appelle ambacti: ambagt, en flamand, veut dire serviteur,

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