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les privaient des avantages du régime républicain. Quand Honorius les invita à se confédérer et à pourvoir elles-mêmes à leur sûreté, elles sentirent qu'on ne reçoit pas l'indépendance d'un tyran étranger, et se soucièrent peu du don qui leur était fait.

Les Pictes et les Scots descendirent alors des montagnes où ils avaient mis à l'abri leur liberté, et, franchissant la muraille élevée pour s'opposer à leurs incursions, ils se précipitèrent avec toute l'ancienne animosité sur les habitants de la plaine. En même temps, les côtes étaient désolées par des pirates; la population se réfugiait dans les forêts avec ses biens, les femmes et les enfants, en laissant les campagnes en friche; aussi la famine se joignit bientôt à tant d'autres maux, et à sa suite vinrent les guerres fraternelles. Dans de si cruelles extrémités, les malheureux insulaires eurent encore recours à l'empire, et adressèrent au consul Aétius les soupirs des Bretons, en lui disant : Les barbares nous poussent vers la mer, la mer vers les barbares; il ne nous reste donc que le choix entre deux genres de mort : être submergés ou massacrés.

Aétius, trop occupé à défendre le centre de l'empire, laissa les suppliques sans réponse. Alors une partie des habitants passa dans l'Armorique, d'autres se soumirent aux Pictes et aux Scots; quelques-uns, se confiant en Dieu et dans leur courage, assaillirent l'ennemi, le repoussèrent, et purent de nouveau cultiver leurs champs. Dès ce moment, les Calédoniens se trouvèrent divisés en deux sections par les monts Grampians: les Scots occupaient le nord-est, les Hébrides et les Orcades; les Pictes, le sud-est et la basse Écosse.

Les chefs des anciennes tribus ressaisirent l'autorité, dès que les magistrats romains cessèrent de fonctionner. Bien que réprimés par les conquérants, ces chefs avaient conservé avec soin le souvenir de leurs généalogies jusqu'à la sixième et septième génération (1); en effet, la plénitude des droits civils dans le canton natal, antique propriété d'un clan, c'est-à-dire d'une seule famille, ne reposait que sur cette tradition généalogique. Les habitants des campagnes, avec l'usage de la langue celtique, avaient conservé l'énergie nationale. Les riches, comprenant qu'ils ne trouveraient de salut qu'en s'unissant au peuple, reprirent son langage et ses habitudes, et l'on n'aperçoit plus chez eux de traces de la servitude romaine lorsqu'ils commencent la lutte avec leurs voisins.

(1) Genealogiam quoque generis sui etiam de populo quilibet observat; et non solum avos atavosque, sed usque ad sextam vel septimam, et ultra procul generationem, memoriter et prompte genus enarrat. (GIRALDUS CAMBRENSIS, Itiner. Walliæ.)

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Un gouvernement de clan se trouva donc rétabli, et les Bretons, confédérés entre eux, instituèrent, pour se donner de l'unité et de la force contre les invasions extérieures, un chef des chefs (penteyrn pendragon), ou roi du pays. Il résidait à Londres; mais, comme les Logres, sur le territoire desquels se trouvait cette ville, avaient plus de facilité à s'élever à ce rang, ils inspirèrent de la jalousie aux Cambriens, qui prétendaient exclusivement à la dignité royale pour leur race, la plus ancienne, selon eux, de l'ile entière, où les autres n'étaient venus que plus tard; à les en croire, elle avait reçu son nom de Prydain, fils du Cambrien Aood, qui avait eu l'île tout entière sous son obéissance.

Les discordes s'envenimèrent, comme il arrive d'ordinaire entre des tribus barbares; on choisissait pour roi le plus fort, mais celui qui montrait quelques sentiments d'humanité était renversé comme lâche (1). Jamais les pendragons ne parvinrent à être les chefs de la nation entière, ni à substituer des forces régulières aux légions romaines pour la sûreté du pays. Quand la dissolution de l'empire d'Occident ne permit plus aux Bretons de compter sur les autres, Vortigern, prince de Cornouailles, alors chef des chefs, chercha à réunir dans une seule assemblée les différentes tribus, afin de concerter ses moyens de défense; mais le défaut d'harmonie et de confiance fit échouer ses projets, et l'obligea de recourir à des étrangers qui, moyennant une somme d'argent et des concessions de terres, protégeassent la contrée désarmée.

Sur le même rivage où César avait jadis effectué avec facilité son débarquement, venaient d'aborder trois navires montés par des Jutes ou Gètes, appartenant à cette nation qui, désignée par le nom de Saxons, s'était répandue du Holstein sur toute la côte de l'Océan, depuis l'Eider jusqu'à l'embouchure de l'Ems. Ces aventuriers, habitués à faire la course sur de frêles embarcations de cuir, faciles à manoeuvrer soit à la voile, soit à la rame, naient tomber, en bravant les tempêtes, sur les rivages britanniques, pillaient ce qu'ils trouvaient, et s'enfuyaient aussitôt.

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Vortigern fit donc des ouvertures à Henghist et à Horsa, fils de Conquête Vitigisil, descendant de Wodan, chef des Saxons débarqués, leur offrant, en retour de leurs services militaires, l'île de Thanet, entourée par la mer et les deux branches du fleuve. Des gens habitués au métier de pirates se trouvèrent heureux d'obtenir, à ce prix, un établissement où ils pourraient se mettre à l'abri des tempêtes et déposer leur butin; d'ailleurs une prophétie, ré

(1) GILDAS, cap. 15-19.

pandue parmi eux, leur promettait le pillage d'un pays où ils seraient appelés, et dont ils deviendraient deux fois les maîtres. On vit donc bientôt arriver dix-sept bâtiments, montés par quinze cents braves qui arborèrent dans l'ile le dragon blanc; ils s'organisèrent d'après leurs coutumes nationales, reçurent des Bretons tout ce dont ils avaient besoin, et tinrent en respect les montagnards, intimidés par leurs lourdes haches et leurs lances redoutables. Après avoir abattu nos ennemis, dit un ancien poëte, ils se mélaient avec nous aux réjouissances de la victoire, et nous nous félicitions à l'envi de leur arrivée; mais malheureux le jour où nous vinmes à les aimer! malheureux Vortigern, honte à toi et à tes lâches conseillers!

Il n'y avait pas à espérer, en effet, que l'harmonie pût durer longtemps. Les forts élevèrent leurs prétentions, et menacèrent ceux qu'ils étaient venus défendre, dès qu'ils eurent reconnu leur faiblesse ; ils appelèrent de la Germanie d'autres tribus et s'allièrent avec les Pictes, pour gagner du terrain dans l'intérieur. Les Bretons, après avoir invoqué les traités et les conventions, faible recours contre la violence, prirent les armes; mais Vortigern ne sut pas réparer par la victoire les maux dont sa funeste pensée était cause; il fut obligé de résigner le commandement à son fils Vortimer, qui défit les envahisseurs à Aylesford, et tua Horsa; mais il mourut lui-même à l'instant où son courage était le plus nécessaire. Vortigern, qui reprit l'autorité, fut impuissant à résister à l'ennemi; poursuivi par les reproches des siens, il courut au loin pour cacher sa honte. Henghist, dont les forces s'étaient accrues, occupa une vaste étendue de pays sur la rive droite de la Tamise, où il fonda, conjointement avec son fils Haesc, le royaume des hommes de Kent (Kent-wara-rike).

Vingt-deux ans plus tard, Ella amenait d'autres Saxons au midi de Kent, et, malgré l'opposition des Bretons, guidés par le vaillant pendragon Ambroise, il établissait l'autre colonie des Saxons du sud (Suth-Seaxna-rike, Sussex). Peu après, Cerdic et son fils Cynric débarquèrent, avec une armée plus puissante que les précédentes, à l'ouest des Saxons méridionaux; ils s'unirent avec eux, et, soutenus par d'autres corps sous la conduite de Port, repoussèrent les Bretons, tuèrent le pendragon Nazaléod, occupèrent tout le pays entre la haute Tamise et l'île de Wight, et fondèrent le royaume des Saxons occidentaux (West-Seaxna-rike, Wessex); le siége de l'autorité souveraine fut établi dans l'ancienne capitale des Belges (Venta Belgarum, Winchester). Les compagnons de Cerdic s'étendirent de plus en plus, et de nouvelles migrations

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vinrent les appuyer; abordant sur la côte à l'est, ces nouveaux venus occupèrent la rive droite de la Tamise avec la ville de Londres, et Erkenwin fit de cette contrée le royaume des Saxons orientaux (East-Seaxna-rike, Essex).

Maîtres alors de toute la côte qui appartenait aux Logres, ils arrivèrent à la Saverne, frontière des Cambriens; mais ils éprouvèrent une résistance énergique de la part d'Arthur, le héros des romans du moyen âge. Ce prince des Silures de Caerléon, ayant réuni en masse les indigènes, remporta plusieurs fois la victoire sur les Saxons, notamment au mont Radon, près de Bath, où il sauva l'indépendance des Cambriens; durant trente années, il opposa une digue à l'invasion. Arthur fut contraint de tourner ses armes contre les Bretons eux-mêmes, qui entravaient ses succès. Blessé grièvement en combattant contre son propre neveu, il fut transporté dans l'île que forment plusieurs fleuves près de Glastonbury (insula Avallonia), où il rendit le dernier soupir. Aussitôt la poésie s'empara de son nom, exagéra ses exploits, chanta douze victoires signalées dues à son courage, nia qu'il fût mort, et prétendit qu'il était endormi avec ses fameux chevaliers de la TableRonde; grâce à cette fiction, les Bretons conservèrent, durant plusieurs siècles, l'espoir de le voir reparaître et brandir encore cette épée qui seule était capable de vaincre les Germains.

On lui associa Merlin, archidruide du culte des chênes, dont la voix avait prophétisé ces désastres : « Vortigern était assis sur le << bord d'un lac desséché, quand soudain en sortent deux dragons, << l'un blanc, l'autre rouge, et le rouge chasse le blanc. Le roi de<< mande à Merlin ce que cela veut dire, et Merlin pleure: le blanc << est le Breton, le rouge le Saxon. Le sanglier de Cornouailles foulera « leur tête sous ses pieds; les îles de l'Océan lui seront soumises, << et il possédera les rochers escarpés des Gaulois; il sera célébré << par la voix des peuples, et ses actions fourniront matière à qui les « répétera. Mais viendra le lion de la justice, dont le rugissement << fera trembler les terres des Gaulois et les dragons des îles; vien<< dra aussi le bouc aux cornes d'or, à la barbe d'argent, et le « souffle de ses narines sera si fort qu'il couvrira de vapeurs << toute la face de l'île. Les femmes auront l'allure du serpent, et « le pas plein d'orgueil. Les flammes du bûcher se changent en << cygnes qui nagent sur la terre comme dans un fleuve. Le cerf << dont le bois sera dix fois ramifié portera quatre diadèmes d'or; << quatre autres se changeront en cors de bouvier, dont le fracas <«< inouï assourdira les trois îles; la forêt en frémit, et crie avec « l'accent_humain : Viens, Cambrie; ceins Cornouailles à ton

« côté, et dis à Guintonis : La terre t'engloutira! Alors il y aura << un carnage des étrangers, les fontaines de l'Armorique se ré« jouiront, la Cambrie sera remplie d'allégresse, et les chênes de « Cornouailles reverdiront. Les pierres parleront, le détroit des << Gaules deviendra plus étroit. Trois œufs seront couvés dans le «nid, dont sortiront un renard, un ours et un loup. Le géant de « l'iniquité, dont le regard glacera le monde d'épouvante, sur<<< vivra. >>

Ces prophéties nourrirent les espérances des Cambriens, qui ne crurent pas plus à la mort de Merlin qu'à celle d'Arthur. Viviane, dont il était épris, lui demanda, comme témoignage de son amour pour elle, de lui révéler la parole fatale qui pouvait le faire enchaîner; bien qu'il connût l'usage qu'elle en voulait faire, il ne sut pas la lui refuser, et se coucha lui-même dans le tombeau, où il reste enfermé en attendant de nouveaux destins.

Le premier sang répandu n'était pas encore étanché que le bruit des conquêtes attirait d'autres peuples aux mêmes bords. Les Angles, partant en masse des rivages de la Baltique, sous la conduite du vaillant Idda et de ses douze fils, se dirigèrent sur la Bretagne septentrionale, encore intacte, et débarquèrent à Flamborough, entre les embouchures du Forth et de la Tweed. Ils s'allièrent avec les Pictes, et répandirent une telle épouvante que leur chef fut surnommé le Tison de feu (Flamddwyn). Urien, chef des Bretons septentrionaux, s'écriait, en s'adressant aux siens : « Fils d'une même race, unis pour la défense d'une même <«< cause, élevons notre étendard sur les montagnes et lançons<< nous dans la plaine; lançons-nous sur le Tison de feu, et tail«<lons en pièces lui, ses compagnons et ses alliés. »

Les Bretons, en effet, résistèrent avec courage, tuèrent Idda lui-même, et, bien que Urien pérît sur le bord de la Clyde, ils ne cessèrent de combattre qu'après une journée décisive, dans laquelle les Angles et les Pictes défirent et massacrèrent nombre de chefs au collier d'or; ceux qui survécurent au carnage se réfugièrent dans le pays des Cambriens, aujourd'hui la province de Galles.

Les conquérants se répandirent dans le pays, en distinguant leurs colonies par les anciens noms géographiques ; ils s'appelèrent donc hommes du nord de l'Humber (Northan-Hymbra-menn, Northumbriens), hommes de Deihr, hommes de Brynich, tous réunis ensuite dans le royaume de Northumberland. Le nom d'Anglie (East-england, Estanglie) resta à un petit espace de pays sur la côte orientale, où ils avaient d'abord formé une faible

✓ Angles.

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