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peuple, et les rameaux d'oliviers dont les rues furent jonchées sur son passage. L'année suivante, il se rendit à Jérusalem pour septembre. y replacer lui-même le bois sanctifié, dont le retour aux saints lieux fit instituer la fête de l'Exaltation de la Croix.

629.

Mais combien ce triomphe n'avait-il pas coûté! Deux cent mille guerriers avaient perdu la vie; la population était décimée, l'agriculture et l'industrie ruinées; le trésor restait épuisé, car les dépouilles des Perses avaient été en partie distribuées aux soldats, en partie absorbées par les dépenses de la guerre, en partie détruites dans le trajet; il n'était plus possible de percevoir d'impôts sans réduire aux abois les provinces, appauvries par les rapines et les extorsions des Perses. Héraclius, il est vrai, avait délivré l'empire de l'ennemi le plus redoutable; mais, dans un coin de l'Arabie, il en naissait un autre qui devait lui faire une guerre plus systématique, puis finir, après neuf siècles de lutte, par l'abattre, et arborer le croissant sur la coupole de SainteSophie.

CHAPITRE VI.

LES BARBARES EN ITALIE. THÉODORIC. 476-526.

Les peuples du Nord ne sont plus retenus par la terreur des armes romaines; avides de butin, d'entreprises et de contrées plus heureuses, ils tombent sur l'Italie énervée, la dépouillent, envahissent et abandonnent ses provinces, jusqu'au moment où quelques-uns d'entre eux s'y établissent à demeure.

Dans le voisinage de Vienne, sur les bords du Danube, habitait un solitaire, nommé Séverin, vénéré des gens du pays pour sa sainteté, et visité par des personnages illustres. La distinction. de ses manières et la pureté avec laquelle il parlait le latin faisaient supposer qu'il appartenait à quelque famille considérable; mais il cachait sa condition, répondant à ceux qui s'en enquéraient Notre existence ici-bas est si peu de chose que nous ne devons penser qu'à celle qui nous attend dans l'éternité. Épargnons-nous, par une précaution si peu coûteuse, la tentation de la vanité, qui, quelque ridicule qu'elle soit, peut être une occasion de péril.

Après s'être perfectionné auprès des ermites de l'Orient, il était revenu dans la haute Pannonie, parce que Dieu voulait l'offrir à

l'édification des peuples qui, sans autre sentiment que celui de la force, venaient renverser l'ancienne civilisation; il en convertit beaucoup, adoucit leur fureur, se fit le défenseur des fidèles et le consolateur des affligés. Odoacre, chef de ces bandes d'aventuriers étrangers auxquels les débiles successeurs de Constantin confiaient le soin de défendre l'État, traversant ces contrées remplies de la renommée de Séverin, voulut connaître le saint homme. Il se rendit donc, modestement vêtu, dans la cellule de l'ermite, dont l'humble toit était si bas qu'il dut se courber pour y pénétrer. Après s'être entretenu avec lui des choses de l'esprit, Séverin le salua comme chef de nation, en lui disant: Tu te rends en Italie vêtu d'une étoffe grossière; mais avant peu tu seras l'arbitre des plus hautes fortunes (1).

Fort de ce présage et de sa valeur, Odoacre vint en Italie tenter la chance des armes, et là, sans rien faire que tourner contre les empereurs les forces qu'ils avaient payées pour leur défense, il renversa le trône des Césars. Rien du reste ne fut changé; car, depuis quelque temps, le pays avait été abandonné au gouvernement des barbares. Le sénat continua à s'assembler, et l'on nommait les consuls suivant l'ancien usage; les lois impériales suivaient leurs cours, et aucun magistrat impérial ou municipal ne fut destitué; le préfet du prétoire ne cessa point d'administrer l'Italie par ses subordonnés, et d'y percevoir les impôts. On aurait pu ne voir dans Odoacre qu'un de ces nombreux étrangers qui occupèrent le trône de Rome, sauf qu'il ne prit point le titre d'empereur, ni même peut-être celui de roi (2). Il ne prétendit à aucune suprématie sur les autres royaumes, et sollicita même le titre de patrice d'Italie de l'empereur Zénon, qui le lui refusa fièrement comme à un usurpateur.

Odoacre, en tenant sur pied des forces respectables, garantit l'Italie de nouvelles invasions. Afin d'affermir son autorité et de punir les assassins de Julius Népos, il soumit la Dalmatie. Une haine personnelle, ou peut-être le désir de maintenir les communications libres entre l'Italie et l'Illyrie, le détermina à faire la guerre

(1) BOLLANDIstes, ad 8 jan. EUGIPIUS, Vita sancti Severini; ap. Pez, Script. rerum Austriacarum, t. I.

(2) Les historiens l'appellent roi des Hérules, peut-être parce que les guerriers de cette nation étaient en plus grand nombre que les autres dans ses bandes. JORNANDÈS, De rebus Geticis, c. 37, et l'Hist. Misc. XV, p. 101, le qualifient de roi des Turcilinges.

On conserve dans le cabinet de Vienne quelques médailles de ce conquérant. Elles portent l'inscription: FL. ODOVAC.

Odoacrc.

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aux Rugiens, établis sur la rive gauche du Danube, dans les pays qui composent actuellement l'Autriche et la Moravie; abandonnant leur territoire à qui voulut le prendre, il emmena prisonnier en Italie Félétée, leur dernier roi, avec beaucoup des siens. Euric, roi des Visigoths, fut confirmé par lui dans la possession de la partie de la Gaule qu'il avait occupée sous Julius Népos, avec adjonction de l'Arvernie et de la Provence méridionale. Odoacre fit alliance avec ce prince et Hunéric, roi des Vandales, qui lui céda la Sicile moyennant un tribut annuel.

Qui sait si les paroles du pieux ermite de Vienne, en adoucissant le farouche aventurier, n'épargnèrent pas quelques maux à ses nouveaux sujets? Quoique arien, Odoacre respecta les évêques et les prêtres catholiques; il défendit au clergé de vendre les biens de l'Église, afin que la dévotion des fidèles nè fût pas mise à contribution pour lui en procurer d'autres. Mais il était toujours un conquérant, et malheur aux vaincus! Sous les empereurs, on avait négligé la campagne, parce que les largesses impériales mettaient dans le commerce les blés à un prix dont l'industrie particulière ne pouvait soutenir la concurrence. Au contraire, ainsi qu'on le pratique encore aujourd'hui dans la campagne de Rome, on peuplait les immenses domaines de nombreux troupeaux, sous la garde peu dispendieuse de pâtres esclaves; les envahisseurs, en s'emparant des uns et des autres, ne laissèrent partout que le désert et la famine. A peine si l'on rencontrait des hommes dans les provinces les plus florissantes (1). La plèbe, accoutumée à vivre des libéralités publiques ou de celles des patrons, languit dans une longue disette ou émigra aussitôt que les premières eurent tari, et que les citoyens riches furent ruinés.

Odoacre prit le tiers des terres pour ses compagnons; mais cette mesure ne remédia point à la dépopulation, et les champs restés en friche ne furent pas livrés de nouveau à la culture, comme quelques-uns l'ont rêvé; il est plus probable que les propriétaires du sol furent dépouillés violemment de la meilleure partie de leurs biens. Personne ne pouvait d'ailleurs compter sur la durée du nouvel état de choses, où manquait tout accord national, et dont la force était l'unique fondement; chacun prévoyait que cette domination durerait peu, et que, si l'on défrichait quelque coin de terrain, d'autres barbares ne tarderaient pas à s'approprier le fruit du travail.

(1) Emilia, Tuscia, cæteræque provinciæ, in quibus hominum pene nullus existit. (Le pape GELASE, Ep. ad Andromachum, ap. BARONIUM, ad an. 496, n. 36.)

Théodoric.

488.

C'est ce qui arriva. Théodoric, roi des Ostrogoths, impatient du Ostrogoths. repos, et ne voulant pas cependant se mettre à la solde des empereurs pour faire la guerre à ses compatriotes, offrit à Zénon de se rendre en Italie, de la recouvrer sur les barbares pour la régir en son nom et à la gloire du sénat. Sa proposition fut agréée. A la nouvelle d'une expédition qui allait s'accomplir sous les ordres d'un capitaine si renommé, les Goths accoururent en foule, et se mirent en marche au milieu de l'hiver, avec bestiaux, bagages, femmes, enfants, vieillards: graves empêchements pour la guerre, mais attirail nécessaire pour des gens qui cherchaient une patrie plutôt qu'une conquête. Ils parcoururent une distance de sept cents milles jusqu'aux Alpes Juliennes, et donnaient la défense de l'empire romain pour prétexte de leur invasion (1). Tous les débris des autres hordes qu'ils rencontraient sur la route, ils les enrôlaient avec eux, comme une avalanche qui grossit en roulant; ils formaient une masse si considérable qu'ils perdirent en Épire deux mille chars dans une seule action. Les contributions imposées à ceux qui résistaient comme à ceux qui se soumettaient, le produit de la chasse, le lait et la chair de leurs troupeaux, le grain qui était moulu par les femmes dans les moulins portatifs, leur fournissaient des vivres nécessaires.

Odoacre, pour s'opposer à cette inondation, demanda des secours aux Bulgares, aux Gépides, aux Sarmates errants dans les déserts de la Dacie, jadis populeuse, et s'avança contre les Goths sur les bords de l'Adriatique : mais, bien qu'il l'emportât par le nombre et commandát à plusieurs rois, il fut battu sur l'Isonzo, près des ruines d'Aquilée. Théodoric fut entravé dans ses opérations par les Bourguignons, qui étaient descendus des Alpes pour piller; mais les Visigoths, venus de France à son appel, firent lever le siége de Pavie, où il se trouvait resserré. Descendant alors dans les plaines de Vérone, il en vint à une bataille décisive avec Odoacre. Le héros amale, s'étant fait parer par sa mère et sa femme de riches vêtements qu'elles avaient tissés, s'élança au combat; mais déjà les Goths fuyaient honteusement lorsque la mère du général, se jetant au-devant d'eux et leur reprochant leur lâcheté, les fit revenir à la charge et triompher.

Odoacre ne trouva de refuge que dans Ravenne, place inexpu

(1) ENNODIUS, Paneg. Theod. : Migrante tecum ad Ausoniam mundo... sumpta sunt plaustra vice tectorum, et in domos instabiles confluxerunt, omnia servitura necessitati. Tunc arma Cereris, et solventia frumentum bobus saxa trahebantur; oneratæ fœtibus matres inter familias tuas oblitæ sexus et ponderis, parandi victus cura laborant,

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gnable par ses fortifications et le voisinage de la mer; favorisé par le peuple ou les mécontents, il fit plusieurs sorties pour surprendre son vainqueur, qui, après avoir établi son camp à la Pineta, forma le siége de Ravenne. Les assiégés, durant trois ans, souffrirent toutes les horreurs de la famine; Odoacre, par la médiation de l'évêque, conclut un traité qui lui garantissait la vie sauve et le partage de l'autorité; mais, au bout de quelques mois, Théodoric lui donna la mort dans un banquet où il l'avait invité, et fit égorger les mercenaires qui avaient renversé le trône d'Auguste, sans oublier, selon l'usage, d'accuser de trahison celui qui avait été trahi.

L'Italie se soumit à sa fortune depuis les Alpes jusqu'au détroit ; des ambassadeurs vandales lui cédèrent la Sicile, le peuple et le Rapports avec sénat l'accueillirent comme un libérateur. Les termes de la conl'empire. vention avec l'empereur étaient tellement ambigus qu'ils laissaient douteux le point de savoir si Théodoric devait tenir l'Italie comme vassal ou comme allié ; il fit donc réclamer les joyaux de la couronne, qu'Odacre avait envoyés à Constantinople, et Anastase, en les lui accordant, parut l'investir de la royauté. Néanmoins, si l'orgueil impérial pouvait le considérer comme un lieutenant, il se sentait maître, et ce fut en maître qu'il gouverna l'Italie (1).

Il est vrai qu'il chercha d'abord à conserver l'amitié des em

Rerum Italic. Script., tome I.

(1) Voyez CassioDORE, Chronicon, et surtout Variarum libri XII, édition de
Garet; Rouen, 1679; Venise, 1729.
JORNANDES, De rebus Geticis.
ENNODIUS, Panegyr. Theodorici.
PROCOPE, De bello Gothico, I. IV.
ISID. HISPALENSIS, Chronicon Goth.
ANONYMI Chronicon.

Elle paraît avoir été écrite

HISTORIA MISCELL., dans le recueil de Muratori. en 700. COCHLEI Vita Theodorici, édition de Jo. Peringskiöld (Stockholm, 1699), avec deux autres Vies anciennes, mais peu importantes. MURATORI, Annali; Rerum Italic. Script., et Antiquitates medii ævi.

Sartorius, Essai sur l'état civil et politique des peuples de l'Italie sous le gouvernement des Goths; Paris, 1811. Ouvrage couronné par l'Institut, mais qui paraît tiré tout entier des introductions à l'Histoire de Côme de GIUSEPPE ROvelli.

HURTER, Gesch. des ostrogothischen Königs Theodorich und seiner Regierung; Schaffhouse, 1808.

MANSO, Gesch. des ostrogothischen Reichs in Italien ; Breslau, 1824. — Uebersicht des Staats- Aemter und Verwaltungs-Behörden unter den Ostgothen; ibid., 1823.

Théodoric est célébré, sous le nom de Amalung Dietrich von Bern, dans le Heldenbuch ( Livre des héros ), poëme allemand du treizième siècle.

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