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l'emportent pour le fond comme pour la forme sur les édits et les novelles de Théodose. Théologien autant que jurisconsulte, il ramène le troit au type simple et pur du christianisme.

Cependant le droit avait déjà fait des efforts pour se séparer de l'élément religieux, pour constituer son indépendance, ce qui affaiblit l'influence du christianisme, qui, de son côté, lutta péniblement pour établir sa domination (1).

Tous les empereurs, théologiens et jurisconsultes, s'employèrent au soulagement du monde opprimé, mais en suivant des voies différentes. Depuis cette époque, le droit civil et le droit canon se trouvèrent en contact; enfin Léon le Philosophe les réunit dans ses Basilici. Mais il était réservé à l'époque moderne de compléter le triomphe de l'équité.

Toutefois l'admiration du passé porta encore des fruits amers; si le Code Justinien et les Pandectes, lorsqu'on se remit à les étudier en Europe, offrirent d'heureuses idées d'ordre et d'administration, la postérité paya chèrement son enthousiasme idolâtre pour tout ce que Justinien avait recueilli de la sagesse comme de l'ineptie et de la cruauté de ses prédécesseurs; les princes s'en firent un titre à leurs usurpations, au préjudice des franchises introduites par les races germaniques, par la féodalité et les communes. On prêcha de nouveau la toute-puissance païenne du monarque, et les progrès de la raison furent entravés par la prétention de gouverner le monde avec des lois vieillies, appartenant à une société et à des croyances tout à fait différentes.

CHAPITRE V.

DE JUSTIN II A HÉRACLIUS 1.

Justinien ne laissait pas d'enfants. Justin, fils de sa sœur Vigilantia, qu'il avait désigné pour lui succéder, fut proclamé aussitôt par le sénat. Dans la même matinée où le peuple apprit la mort du vieux monarque, il applaudit à la pompe au milieu de laquelle

(1) Ceci pourrait concilier, nous ne dirons pas l'aveuglement volontaire de Gibbon, mais l'étonnement de Hugo de ce que le christianisme n'ait pas eu plus d'influence sur le droit, romain, et l'aveu de Montesquieu, que le christianisme imprima son caractère à la jurisprudence, parce que l'empire eut souvent des rapports avec le sacerdoce.

Justin II. 865.

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le nouvel empereur, revêtu d'une tunique blanche et du manteau de pourpre, chaussé de brodequins rouges, se laissa passer au cou, par un tribun, le collier militaire, et ceindre le front du diadème par le patriarche. A son arrivée dans l'hippodrome, Prasines et Vénèdes, désireux de se concilier ses bonnes grâces, lui prodiguèrent à l'envi les acclamations. Il acquitta quelques engagements pris par son oncle, et, généreux en paroles, comme on l'est toujours au début d'un règne, il promit de faire le bien et de remédier au mal; en outre, il annonça l'intention de prendre, au commencement de l'année, la dignité de consul, que les citoyens regrettaient vivement de voir abolie, à cause de la suppression des largesses accoutumées.

une,

Bientôt arrivèrent des députés des Avares, qui, privés encore d'une résidence fixe alors que tant de peuples en avaient trouvé venaient sommer Justin d'accepter et de payer leur alliance. Justin les reçut avec un appareil fait pour frapper de respect des barbares, et, après les avoir entendus vanter la puissance de leur nation et la clémence du kacan, il leur répondit avec hauteur qu'il faisait aussi peu de cas de leur inimitié que de leur assistance (1).

Peu après, Disaboul, khan des Turcs, envoya aussi vers lui pour contracter une alliance défensive contre les Perses et établir des relations de commerce.

Ces pompes, ces ambassades, pouvaient faire rêver à quelquesuns les temps d'Auguste, mais ne remédiaient pas à l'extrême faiblesse de l'empire et de son chef, qui, plongé dans les voluptés, laissait l'ennemi lui enlever des provinces et ses ministres rançonner celles qui lui restaient. Il était gouverné par Sophie, sa femme, nièce de Théodora, moins impudique que sa tante; mais, comme elle intrigante, orgueilleuse, cruelle et soupçonneuse, elle abusait de son influence sur l'empereur pour le pousser au mal. Ce fut probablement d'après ses conseils que Justin fit assassiner un de ses parents, dont le seul crime était d'être aimé du peuple d'Alexandrie; en insultant Narsès, il fut cause de la perte de l'Italie, que les Lombards enlevèrent définitivement à l'empire grec,

Une maladie lui ayant enlevé l'usage de ses jambes, Justin songea à se donner un successeur. Sans égard pour ses parents, il arrêta son choix sur un Thrace nommé Tibère, qui, de maître d'é

(1) Il faut ajouter ici aux historiens précédents Corippus, De Laud. Justini, lib. IV.

criture, était devenu capitaine des gardes. Il lui dit, en remettant l'autorité entre ses mains: Si tu y consens, je vivrai ; je mourrai, si c'est ta volonté. Puisse le Dieu du ciel et de la terre inspirer à ton cœur de réparer ce que j'ai oublié ou négligé ! Il survécut quatre ans à cette espèce d'abdication, et à sa mort Tibère fut proclamé empereur.

Sophie, en favorisant ce choix, avait peut-être espéré la main du nouveau monarque: aussi, lorsqu'il déclara impératrice Anastasie, à laquelle l'unissait un mariage secret, elle en conçut tant de dépit qu'elle chercha à le renverser; le complot fut découvert, et le généreux empereur se contenta de lui enlever ses trésors et les munificences impériales. Affable et pieux, il avait un jugement droit; il montra à la guerre une habileté que seconda la fortune, et les Perses l'éprouvèrent. Il secourait avec bienveillance les infortunes de ses sujets; une foule de prisonniers qu'il racheta et nourrit furent renvoyés par lui dans leurs foyers : triomphe ignoré des anciens Césars. Aussi son règne, qui ne fut que de quatre années, parut-il trop court. De même qu'il devait le diadème au choix de son prédécesseur, il le transmit à Maurice, issu d'une ancienne famille romaine et né en Cappadoce; c'était un homme non moins renommé pour sa piété que pour sa valeur, dont il avait donné des preuves dès sa jeunesse. Il avait près de quarante-trois ans quand il monta sur le trône, où il se maintint durant vingt années; bien que sa fierté dégénérât parfois en arrogance, sa justice en cruauté, son économie en mesquinerie, il mérita d'être compté parmi les princes qui ont su vouloir et faire le bonheur de leurs sujets.

L'empereur Justin II avait accueilli favorablement (1) les Persarméniens, qui offraient de se soumettre à lui pour se soustraire à l'intolérance religieuse des mages. Chosroès s'en était plaint comme d'une violation de la trêve; mais Justin avait répondu qu'il ne pouvait refuser son appui à un peuple vaillant, persécuté, et professant la même religion que lui. D'un autre côté, Chosroès, qui aspirait à la conquête de l'Yémen, avait repoussé au delà de la mer Rouge les Abyssiniens, et donné pour gouverneur au pays un descendant des anciens Imyarites. Alors Justin, se déclarant le vengeur des Abyssiniens, ses alliés, et qui professaient le christianisme, avait refusé de payer plus longtemps tribut à la Perse. Aussitôt Chosroès rassembla une armée, et, montrant que ses quatre-vingts années n'avaient pas diminué sa vigueur, il repoussa

(1) EVAGR., V, 7-13; CEDRENUS, III, 18; MENAND., 16.

578;

Maurice. 582.

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Mort

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de Nisibes les Grecs et leurs alliés, tant Éthiopiens que Turcs. Artaban, son général, passa l'Euphrate et s'avança contre Antioche; mais, n'ayant pu s'en emparer, il attaqua et détruisit Héraclée et Apamée; puis, opérant sa jonction avec son maître, il l'aida à emporter Dara, le boulevard de l'empire.

Justin en fut épouvanté, et Tibère, auquel il avait alors résigné le gouvernement, implora et obtint une trêve de trois ans; il en profita pour réunir des forces, dont la renommée exagéra l'importance. Chosroès résolut de le prévenir, et il entra dans la Persarménie, qu'il se proposait de recouvrer; puis il marcha sur la Cappadoce. Mais Justinien, fils de Germain, qui commandait les Impériaux, le battit près de Mélitène, s'avança jusque sur les bords de la mer Caspienne, fit passer de l'Hyrcanie à Chypre soixante-dix mille prisonniers, et s'approcha de la capitale de la Perse.

Affligé de ces défaites, qui ternissaient l'éclat de sa gloire sans qu'il eût le temps de les réparer, Chosroès mourut après un règne de quarante-huit ans. Les écrivains orientaux, qui en ont fait le de Chosrues, type des rois et des héros, disent qu'il termina sa glorieuse carrière après avoir donné à son fils ces instructions: « Moi, Nouschirvan, << maître de la Perse et des Indes, j'adresse ma dernière volonté « à mon fils Hormouz, pour qu'elle puisse lui servir de flambeau << dans les jours de ténèbres, de sentier dans le désert, d'étoile << polaire sur les mers orageuses. Quand mes yeux, déjà incapa<< bles de soutenir le soleil, seront fermés au jour, qu'il s'asseye << sur mon trône, et que sa splendeur égale celle de l'astre glorieux ; << mais qu'il se rappelle, au milieu de sa grandeur, que les rois << sont établis pour le bien des sujets, et pour être à leur égard << ce que le ciel est pour la terre. La terre pourrait-elle être fé«< conde si elle n'était arrosée, et si le ciel ne la regardait avec << amour? Mon fils, que tout le peuple éprouve ta bonté ; d'abord <«< ceux qui se trouvent le plus près de toi, puis les autres jusqu'aux « plus éloignés. Si je l'osais, je te proposerais mon exemple; << mais je t'offrirai plutôt l'exemple qui m'a servi à moi-même. << Vois-tu le soleil? Parfois il se soustrait à nos regards, mais c'est << parce qu'il doit, comme bienfaiteur de l'univers, sa lumière à << tous les peuples. Ne mets le pied dans une province que pour << faire du bien aux habitants, et n'en sors que pour faire le bien << d'une autre. Les pervers doivent être punis; le soleil de la ma<< jesté est éclipsé par eux. Les bons méritent des encouragements, « et doivent être éclairés par les rayons du matin. De même que « le soleil répond à toutes les fins pour lesquelles il est créé, fais

<< aussi en sorte d'agir toujours en roi, si tu désires être toujours << respecté comme roi. Implore souvent, mon fils, le secours du << ciel, mais toujours avec une âme pure. Est-ce que tes chiens << entrent dans le temple? C'est ainsi que tes prières seront exau«< cées, et tes ennemis frappés d'épouvante; tu auras des amis << fidèles, tu seras les délices de tes sujets, et eux tes délices. << Rends la justice, réprime les audacieux, console les infortunés, << aime tes enfants, protége les belles-lettres, écoute les vieillards; « ne laisse pas les jeunes gens se mêler des affaires publiques, et « que le bien de ton peuple soit l'unique but de tes pensées. << Adieu; je te laisse un grand royaume, que tu conserveras si << tu suis mes conseils, que tu perdras si tu les négliges (1). » Hormouz, étant monté sur le trône, se confia au sage Bou- Hormouz IV. sourg-Nouhir, qui durant trois ans le dirigea comme un père, et obtint de lui docilité et respect; mais à peine son grand âge l'eut-il forcé d'abandonner les affaires que le jeune prince, livré à ses passions et à ceux qui les fomentaient, laissa le royaume en proie à la rapacité ou à l'injustice des satrapes. Fils dégénéré du grand Nouschirvan, il s'aliéna les troupes par son avarice, let peuple et les grands en sacrifiant treize mille victimes à ses craintes soupçonneuses. La Babylonie, Suse et la Caramanie se soulevèrent; les princes de l'Arabie, de la Scythie et de l'Inde refusèrent les tributs, et le Grand Khan envahit les provinces orientales avec plus de cent mille Turcs.

Vahram, descendant des anciens princes de Raghes et de l'une des sept familles qui, depuis Darius, tenaient le premier rang en Perse, avait dû à sa valeur le commandement de l'armée, le gouvernement de la Médie et la surintendance du palais. Seul, quand toute la cour tremblait, il montra du courage; faisant appel aux superstitions populaires, il guida des troupes peu nombreuses contre les hordes immenses des Turcs, et les défit à l'entrée de la Médie. S'étant dirigé ensuite contre les Romains, qui s'avançaient vers l'Araxe sous les ordres de Maurice, le futur empereur, il envoya fièrement les défier, en leur donnant le choix du jour et du lieu où ils voudraient engager la bataille. Maurice choisit la position qu'il jugea la plus favorable, et Vahram fut vaincu; Hormouz, qui avait vu avec envie et d'un œil soupçonneux les victoires de ce général, l'insulta quand il fut vaincu, et lui envoya une quenouille et des habits de femme, avec ordre de se montrer ainsi aux regards de l'armée. L'affront fut lavé par la révolte. Un cri d'indi

(1) D'HERBELOT, Madaïn Nouschirvan: MIRKOND, Lebtarikh, etc.

579-590,

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