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question d'expédition contre les Américains du Sud. Un dîner public à Plymouth (novemb. 1823) fournit bientôt à Canning l'occasion d'une profession de foi plus ferme, et dans laquelle en affectant le même langage qu'autrefois, il laissa percer de tout côté les idées nouvelles. En voici l'analyse : « Tout homme pu«blic doit s'attendre à des attaaques impitoyables; je m'y suis at« tendu, et je suis invariablement «ma route. Un jour justice me sera

menti. L'année 1823 vit encore inarcher à grands pas la solution du problème relatif aux colonies espagnoles. Déjà, dès la fin de 1822, Canning avait quoique sans éclat posé en principe l'établissement de consuls dans les principaux ports des nouveaux étals. Bientôt des commissaires partirent avec la mission d'examiner la situation de ces pays; et l'on vit généralement dans cette mesure le prélude de la reconnaissance. La marche rapide des troupes françaises en Espagne, l'espèce de gloire que cette expédition semblait donner au règne si pacifique des Bourbons indisposaient l'orgueil britannique, quí se joignait à l'esprit de parti, à l'esprit radicaliste, pour demander une compensation en faveur de la vieille Angleterre. La reconnaissance formelle des républiques américaines avant que d'autres puissances les eussent reconnues, présentait des chances dans l'un et l'autre sens. L'intention, alors exprimée par des puissances continentales, d'employer ou de favoriser la coaction contre les républiques, accéléra la manifestation de plans opposés de la part de l'Angleterre. Dans une entrevue avec l'ambassadeur fra çais (M. de Polignac) qui parlait d'un congrès contre les indépendants du Nouveau Monde, Can. ning déclara en termes non équivoques que la Grande Bretagne désirait que l'Espagne prît elle-même les devants en reconnaissant l'independance des colonies, mais qu'elle ne pouvait attendre indéfiniment cet évènement; et que, si quelque puissance étrangère s'unissait à l'Espagne dans une en- treprise contre les colonies espagnoles, la Grande-Bretagne serait forcée d'agir selon que ses intérêts le commanderaient. On pense bien qu'après ce langage il ne put être sérieusement

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rendue, et l'on verra que dans l'en« semble mes sentiments ont été à « l'unisson de ceux de tout le pays. « La philosophie moderne est large « dans ses formules perfection, amélioration, bien-être du genre <«< bumain. Moins vaste, j'avoue que « le grand objet de mes méditations « dans la conduite des affaires politiques est l'intérêt de la GrandeBretagne. Cet intérêt d'ailleurs n'est « pas isolé nous sommes unis inti« mement au système du reste de l'Europe. En résulte-t-il que nous « devions en toute occasion, avec une activité intrigante et inquiète, « nous mêler des affaires de nos voi

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sins? non. Pesons les devoirs qui a s'entre-choquent, pesons les avan« tages rivaux qui nous sollicitent « de côtés divers. Ainsi nous nous « sommes abstenus de prendre part « dans les différends entre l'Espagne « et la France. Et qui doute mainte« naut que nous n'ayions eu raison? « Savions-nous seulement ce que « nous aurious été faire dans la pé« ninsule? Aurions-nous secondé a une résistance nationale, ou seualement alimenté une guerre civile ? « Et qu'on ne dise pas que nous « nous maintenons en paix parce

« que nous avons peur. L'An

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gleterre est comme la flotte de

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chargés d'affaires dans les états de la Colombie, du Mexique et de Buenos-Ayres, et qu'elle allait conclure avec ces états des traités de commerce. La Grande-Bretagne n'avait

en rien contribué aux évènements qui avaient amené l'indépendance de ces états, elle les reconnaissait, c'était tout. La Grande-Bretagne n'était pas non plus infidèle aux traités de 1809 et de 1814. Le premier avait eu pour but le renversement de Bonaparte; le second stipulait que le gouvernement anglais ne fournirait point de secours aux insurgés, et un ordre du cabinet en 1814, un acte du parlement en 1819. avaient interdit aux sujets anglais de fournir aux insurgés des munitions de guerre. Enfiu la Grande-Bretagne avait à diverses reprises offert sa médiation entre les colonies et l'Espagne. Mais celle-ci l'avait toujours déclinée ou bien avait évité de s'expliquer sur la base qu'il conviendrait d'adopter. La force des choses pourtant l'avait amenée, à la fin de 1822, à proférer le mot d'indépendance des colonies comme point de départ d'un arrangement. Dèslors l'Angleterre a pu admettre ce principe. La deuxième partie de la note, plus remarquable encore peut

guerre qui dort sur les flots, et qui dans une minute vomira la mort << par mille bouches à feu. Toutefois a rien de mieux pour elle que « pos. Cultivons les arts de la paix a et procurons au commerce, qui re« naît, une plus grande extension « et de plus grands débouchés. » L'opposition fut plus pressante encore sur toutes ces questions pendant la session de 1824. Chaque jour elle gagnait du terrain, et le ministère, quoiqu'il crût son honneur engagé à disputer pied à pied, n'en reculait pas moins, n'en était pas moins toujours débordé. De concessions en concessions, non sans doute aux hommes du libéralisme, mais à la force des choses que Pitt avait voulu et su comprimer, mais que ses élèves se sentaient impuissants à paralyser plus longtemps, le ministère en était réelle ment venu à être, de fait en même temps que de langage, révolutionnaire. Toute innovation politique en Europe et hors d'Europe attendait, espérait et souvent obtenait sa sanction. La Grèce surtout implorait les secours de l'Angleterre dans sa lutte contre les Ottomans ; et quoique le ministère, par sa position vis-àvis des puissances du continent, ne fut pas en mesure de l'aider directe-être, contenait la théorie des procément, il favorisait l'élan public en faveur de cette nation malheureuse, laissait les secours d'hommes et d'argent prendre le chemin de la Morée, et répondait (1 déc. 1824) à son gouvernement provisoire que si tôt ou tard les Grecs jugeaient convenable de réclamer la médiation britannique, il ferait tous ses efforts pour qu'elle leur fût utile. Enfin, au commencement de 1825, une note communiquée à tous les ministres étrangers accrédités à Londres les informa que S. M. B. envoyait des

dés à suivre avec les gouvernements de fait, une fois qu'ils ont acquis certaine stabilité. Lorsque des colonies ou des tributaires de séparent de la métropole ou de la puissance gouver nante, il n'est pas nécessaire que les puissances tierces, pour entrer en relation avec le nouvel état, attendent qu'il plaise à celles-ci de reconnaître en droit une émancipation qui existe en fait. L'exemple tiré de la conduite de l'Angleterre et de l'Europe contre la révolution française, et de la restauration des Bourbons, ne prouve rien.

Tous les gouvernements de l'Europe, notamment l'Espagne, ont traité avec la république française et avec Bonaparte l'Angleterré l'eût fait elle même en 1808 et 1814, s'il eût consenti à traiter sur des bases raisonnables. La coalition a eu lieu contre l'ambition impériale, non contre le principe du gouvernement de fait appliqué en France ni par respect pour la monarchie légitime. L'Espagne, ajoutait Canning, ne peut ignorer que, même après qu'on eat mis de côté Bonaparte, il fut question d'un autre qu'un Bourbon pour le trône de France. Il terminait par tourner très-finement en ridicule l'intention où était M. Zéa de garantir, par une protestation solennelle, l'imprescribilité des droits. du roi des Espagnes et des Indes, On le voit, la palinodie était complète; et, après ce pas, on ne devait plus douter qu'à moins d'un renversement de ministère, une marche tout-à-fait nouvelle ne dût être imprimée à la politique de l'Angleterre. Le parti pris à l'égard du Mexique, de la Colombie et de Buenos-Ayres prouvait qu'on en ferait autant à l'égard du Guatimala, du Chili et du Pérou, dès que ces contrées auraient un gouvernement stable. L'attitude de l'Angleterre, lors des troubles qui éclatèrent en Portugal après l'abdica tion de D. Pedro en faveur de sa fille et la promulgation de la constitution, acheva de prouver que le disciple de Pitt, infidèle aux principes du grand bomne, ne reculerait plus dans la carrière où il venait d'entrer. Et, en effet, sa position était de celles où il faut se mouvoir, quoique le mouvement lui-même ait ses dangers. Un pas en artière défaisait en un instant toute son administration et lui cule vait peut-être à jamais le ministère. L'inertie, le statu quo lui enlevaient

l'appui tout-à-fait circonstantiel du libéralisme. Il fallait donc aller en avant. Et il obéissait à cette dure nécessité; et tout en se raidissant pour se tenir dans le milieu entre les par. tis extrêmes, tout en affectant la plus grande répugnance pour les guerres, pour les révolutions, pour les désordres, il devenait menaçant à son tour. Canning prit donc la résolution d'intervenir en faveur de la constitution portugaise, attaquée par un parti que soutenait l'Espagne. Après en avoir fait la promesse formelle à l'ambassadeur de la régence, il annonça lui-même à la chambre des communes, le 11 déc. 1826, ses intentions à cet égard. Les traités faisaient un devoir à l'Angleterre de fournit des secours militaires au Portugal dès qu'elle en était requise. L'Angleterre remplissait ses obligations: elle avait déjà pris à cet effet des mesures décisives. Ainsi le voulait la politique. Ici le temps était venu d'intervenir. Naguère, lors de la blâmable invasion de l'Espagne, les circonstances étaient autres : nulle clause ne liait l'Espagne et la Grande-Bretagne; et quant au danger de voir la France gouverner l'Espagne, qui pouvait sérieusement le croire grave? Qu'était-ce que l'Espagne? Oui, jadis, il y avait eu sur le globe une Espagne puissante, riche, formida ble par ses possessions dans tous les mondes, une Espagne maîtresse des Indes. Celle-là, il eût été ruineux pour l'Angleterre de la voir tomber aux mains ou même sous l'influence de la France: de là les guerres de géant entre les coalitions européennes mues par l'Angleterre et l'empire envahisseur de Napoléon. Mais ce qu'on appelait aujourd'hui l'Espagne, ou même les Espagnes, n'était qu'un fragment de cette antique monarchie.

La France avait franchi les Pyrénées; lui, Canning, sans armée, sans folles dépenses, avait ôté un hémisphère à ce monarque que l'on restaurait: d'un mot, il avait séché la vie dans le sein de l'Espagne ; d'un trait de plume, il avait rétabli la balance de l'ancien monde en donnant l'existence au nouveau. L'Angleterre sur ce globe est haut placée; de plus elle n'ignore pas que sous sa bannière se réunit tout ce que l'époque compte de mécontents, d'esprits inquiets, de cœurs et de bras énergiques dans leurs désirs du mieux. «Je pâlis à l'idée de cette force, ajouta Canning, car c'est la force d'un géant. Notre but n'est pas de chercher les occasions de la déployer; mais notre devoir est de faire sentir à ceux qui professent des sentiments exagérés que leur intérêt n'est pas de se donner un tel empire pour adversaire. L'Angleterre, dans la lutte des opinions politiques qui agitent le monde, est dans la position du maître des vents: elle tient dans ses mains les outres d'Eole; et nous pouvons d'un seul mot les lâcher sur le monde (3). On se souvient encore du retentissement que ces paroles eurent en Europe, et depuis on a souvent donné au ministre le surnom de l'Eole britannique. Ces prophéties, ces menaces coupées de réticences et de conseils aux trônes, furent pour beaucoup de personnes l'équivalent d'une déclaration révolu tionnaire d'autres pensèrent que du moins l'aveu était imprudent et que,

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même vrai, l'état des choses actuel est de ceux que l'on constate, mais que l'on cache. L'imprudence serait incontestable en effet, si Canning alors eût été du parti des rois contre les insurrections; mais son intérêt présent était dans les rangs opposés. Et au reste sa position personnelle lui ordonnait d'éviter toute grande lutte par les armes: il sentait bien qu'il n'était qu'une transition; attermoyer, mitiger était la seule chance de salut pour son porte-feuille; la paix seule pouvait le maintenir; une fois la question révolutionnaire remise de rechef aux chances d'une guerre gé nérale, il n'était l'homme ui des légitimistes ni des révolutionnaires. Mais le destin ne le réservait pas plus à voir ces grands débats se vider de son vivant que sous son influence. Quoique jeune encore pour un homme d'état, il sentait sa constitution s'affaiblir de jour en jour. La fortune sembla lui sourire encore une fois en le portant dans sa patrie au comble des honneurs. Lord Liverpool depuis long-temps malade, et hors d'état d'agir, fut remplacé, le 12 avril, par Canning dans le poste de premier commissaire du trésor, équivalant à celui de premier ministre. Alors voulant faire révoquer cette nomination qui avait été précédée de nombreuses intrigues pour et contre, et. qui à coup sûr n'eût pas eu lieu si les chambres n'eussent été en pleine session, les comtes Bathurst et de Westmoreland, le lord-chancelier Eldon, le duc de Wellington, Peel, en un mot tous les ministres envoyèrent simultanément leur démission. Leurs prévisions furent complètement déçues, en dépit des sentiments bien connus du roi ; et Canning lancé enfin par cet isolement indicateur de baines irréconciliables dans une voie

décidément contraire à celle de toute sa vie, composa un cabinet tout libéral, où de l'ancien ministère il ne fit rentrer que lord Bexlay et où les Tierney, les Brougham, les sir Francis Burdett, les sir Rob. Wilson, ces antagonistes qu'il avait combatlus trente ans, figurèrent en première ligne. Une opposition violente de la part des tories accueillit le nouveau ministère, et plus spécialement Son chef. Canning était habitué à ces luttes de tribune et de journaux. Mais cette fois l'opposition le blessa au cœur. Au milieu des louanges sincères ou fausses dont les fractions modérées du libéralisme l'environnaient, il ne pouvait se dissimuler que tous ces alliés nouveaux n'étaient pas fidèles, que ses services étaient de trop fraîche date pour être regardés comme méritant une reconnaissance sans bornes, que beaucoup les niaient, voyant dans sa conduite et dans les progrès de la cause libérale le résultat de la force des choses et non celui de sa volonté. D'autre part l'opposition de ses anciens amis devenai! insultante, car chaque parole semblait distiller le dédain et laissait percer le mot trabison; elle était même vexatoire, car connaissant mieux que ses ennemis d'autrefois sa vie, ses actes, et ses motifs secrets, ils frappaient avec plus de précision le point vulnérable, et le piquaient incessamment de coups d'épingles qu'il ne pouvait éviter. Cependant il parla plusieurs fois avec sa supériorité habituelle, rendit compte à sa façon de la formation du nouveau ministere, développa brillamment son budget (1er juin 1827), annonça son intention de consacrer les premiers moments à l'examen de la position financière du pays, et d'adopter dans les dépenses toutes les réductions exécuta

bles. Ces promesses surtout furent accueillies avec transport, et certes elles ne pouvaient se réaliser plus à propos. Car l'Angleterre sortait à peine d'une grande crise commerciale qui fut in putée par les tories à la marche inusitée que prenaient les relations extérieures confiées à Canning, tandis que les whigs y voyaient la conséquence de la politique suivie dans les trente dernières années à l'égard du continent, et dont Castlereagh avait été l'ame. Par suite de cette épouvantable détresse, des émeutes eurent lieu dans toute l'étendue du Royaume-Uni, et toute l'année 1826 fut remplie d'incidents de ce genre. C'est Canning qui dut se charger à la chambre de porter la parole sur tous les objets que le malheur public mettait à l'ordre du jour. C'est lui qui demanda que la chambre se format en comité, pour accorder au gouvernement, pendant la vacance du parlement, le pouvoir discrétionnaire de permettre, suivant la nécessité, l'importation des blés étrangers. Il prit part aux débats sur tous les bills proposés à ce sujet. A la réouverture des chambres (14 nov. 1826), il proposa et soulint le bill d'indemnité en faveur des ministres que les circonstances avaient forcés à violer les lois relatives aux céréales. Un autre bill sur les blés exigea de sa part de semblables efforts au commence. ment de mars 1827, et passa, grâce à son éloquence. Pour achever l'analyse des travaux parlementaires de Canning il faudrait encore le suivre, depuis 1822, dans sa conduite relativement aux catholiques. Après plusieurs discours toujours un peu équivoques où, tout en avouant la justice des réclamations en leur faveur, il concluait à l'ajournement, tantôt en raison de l'inopportunité ou du

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