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côté. Quittant alors la carrière du barreau, il essaya du commerce des vins où il n'eut pas le temps de réussir. Sa mort, survenue le 11 avril 1771, un an jour pour jour après la naissance de Canning, laissa sa veuve avec trois enfants et avec de très-faibles ressources. Celle-ci, après avoir essayé de monter une petite école, se fit comédienne, obtint des succès à Bath et dans diverses troupes de province, épousa successivement l'acteur Reddish qui eut assez de célébrité dans son temps, puis Hunn, marchand de toile d'Exe ter, qui marié avec elle abandonna son magasin pour le théâtre; et elle survécut encore à ce troisième mari. Pendant ce temps, le futur premier ministre était élevé à Londres, sous la surveillance de son oncle, qui, comme son père, se livrait au commerce des vins les dépenses de son éducation étaient couvertes par le revenu d'une petite propriété en Irlande. Il fut placé d'abord à l'école de Hyde-Abbey, près de Winchester, où ses vers enfantine, sa manière de rendre les fureurs d'Oreste, ses exercices mnémoniques le firent remarquer. De Hyde-Abbey, il passa au collège d'Eton où il fut dès le premier instant regardé comme un enfant de génie. Déjà ambitieux d'une réputation littéraire, Canning, qui comptait à peine seize ans, inspira la même ardeur à quelques condisciples et arrêta le plan d'une feuille hebdomadaire intitulée le Microcosme, publiée sous le pseudonyme de Grégory Griffin (1), qui eut neuf

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(1) Une biographie dit : « Ce journal parut pendant près d'un an, et ne cessa que par la mort de son savant éditeur Grégoire Griffin.»

- M. Grégoire Griffin, disait la Revue men. suelle (Monthly Review), de même que son prédécesseur le Spectateur et bien d'autres de cette famille, est un être dont la personnalité est com

mois d'existence, du 9 nov. 1786 au 30 juillet 1787. Aux quatre jeunes fondateurs dont les signatures étaient représentées par les lettres A, B, C, D, se joignirent quelques collaborateurs étrangers, Joseph Mellish, Benj. Way, etc. Les quatre auteurs principaux étaient John Smith (A), Rob. Smith (C), John Hockham frère (D), et enfin Canning qui était le directeur et l'ame de cette publication, et dont les articles signés B sont au nombre de onze. Deux de ces morceaux, l'Esclave de la Grèce, et une critique burlesque de l'innocente ballade la Reine des cœurs sont vraiment remarquables, même sans se reporter à l'âge de l'auteur, La Revue mensuelle donna des éloges au nouveau recueil, et indiqua les articles de Canning comme écrits avec beaucoup de gaîté. C'est aussi à l'époque où Canning étudiait à Eton que les conférences simulant les débats des deux chambres eurent le plus d'éclat. Ces conférences avaient lieu aux heures de récréation, et les professeurs les encourageaient. On s'y livrait de la manière la plus sérieuse à des discussions quasi-parlementaires: une opposition vive y combattait les prétendus fauteurs du pouvoir. Le jeune Canning se mêlait même de la politique réelle ; et lors de l'élection de Windsor il prit un intérêt passionné pour l'amiral Keppel contre le candidat de la cour, D'Eton où il avait acquis le plus haut poste d'honneur, celui de capitaine, Canning passa, en 1787, à Oxford, comme élève du collège de Christ: là il rencontra ses

posée. » L'éditeur était Charles Knight. La quittance de Canning du 31 juillet 1787, im. primée dans l'Obituary de 1828, art. Canning, achève de lever tout doute à cet égard.

antagonistes de Westminster, auxquels il n'inspira d'autres sentiments que l'estime et l'admiration. Là aussi commencèrent ses utiles liaisons avec des jeunes gens qui plus tard devaient être les sommités de l'Angleterre, Banks Jenkinson (depuis comte de Liverpool), et Henri Speu cer. Bientôt il sortit d'Oxford, après avoir remporté le premier prix du chancelier par sa pièce latine: Iter ad Meccam religionis causá susceptum, et avoir pris son premier degré dans cette université. Son but alors était de continuer l'étude des lois mais la conversation de Sheridan auquel tenait de près la famille de sa mère, et chez qui Canning alla passer toutes ses vacances, n'eut pas de peine à triompher de ces velléités incertaines. La vie dissipée du grand monde plut beaucoup au jeune homme: Sheridan l'introduisit dans les sociétés les plus brillantes de Londres, notamment dans celle de la duchesse de Devonshire. Il y fit connaissance avec lord Robert Spencer, le général Burgoyne, Fox, Tickell, etc. Mais c'est vers le ministère qu'inclinait Canning. Ancien élève d'Oxford, Pitt allait chaque année en écouter les exercices et y préparer en quelque sorte des recrues pour le ministère. C'est ainsi qu'il groupa autour de lui dans la chambre des communes Wilberforce, Burke, Sturge Burne, sir Charles Long. Aussi déjà Pitt et Canning s'étaient-ils rencontrés lorsque Jenkinson crut pour la première fois mettre le ministre et son ami en présence à un grand repas qui eut lieu dans Addiscombe-House. Canning, malgré les beaux principes de liberté qu'il avait chantés au col lège, s'enrôla sous les bannières du premier ministre, et fut porté par

lui au parlement comme représen tant du bourg de Newtown dans l'ile de Wight. C'était en 1793. Peu de temps auparavant, Shéridan donnant des éloges à Jenkinson, sur son premier discours à la chambre des communes, avait proclamé en pleine assemblée « qu'il saisissait cette occasion pour annoncer la nouvelle force que son propre parti allait acquérir, gràce au talent d'un autre jeune gentleman, ami et compagnon d'études de l'orateur qui venait de se distinguer. » Ces félicitations adressées aux whigs étaient prématurées, on le voit. Canning, à peu près sans fortune et jusque-là sans consistance dans le monde, ne pouvait guère en espérer en se mettant à la suite d'un homme que la véhémence de ses idées politiques et l'irrégularité de sa conduite avaient en quelque sorte mis au ban de l'opinion. Il pouvait au contraire tout attendre du ministre qui dirigeait l'Angleterre avec toute l'autorité d'un roi absolu, mais qui avait besoin d'auxiliaires habiles et actifs pour triompher de tant d'obstacles semés sur ses pas. Pitt commença par imposer à son nouveau partisan la condition de n'ouvrir la bouche que lorsqu'il le lui ordonnerait. En effet, le premier discours prononcé par Canning ne le fut que le 31 janvier 1794. Pendant l'intervalle qu'il laissa ainsi écouler sans prendre une part active aux débats, il s'occupa d'acquérir une parfaite connaissance des formes et des usages de la chambre: au moins est-ce l'excuse qu'il donnait à ceux qui s'étonnaient de son silence et lui en demandaient la raison. Le discours du 31 janv. 1794 roula sur le traité de la Grande-Bretagne avec la Sardaigne, par lequel il était stipulé qu'un subside annuel de 200,000

térité, l'art de persuader avec grâce de la solidité de ses propres doctrines, tels étaient au contraire les caractères du talent de Canning. La mort de Burke fut pour lui un évènement heureux; car il est probable que si cet orateur eût vécu encore quelque temps, Canning aurail continué de se laisser aller à une imitation dangereuse qui eût faussé son talent. Il parla encore en 1794 sur la suspension de l'Habeas corpus, et, comme on le pense bien, il sou tint la mesure ministérielle. L'année suivante, Fox ayant demandé la formation d'un comité sur l'état de la nation, Canning prit la parole pour s'opposer à cette motion. Piti lai témoigna sa satisfaction en le nommant, en 1796, sous-secrétaire d'état aux affaires etrangères, et un peu plus tard en lui donnant une direction-générale au trésor. Canning réussit encore mieux près de lord Grenville, alors min stre de l'extérieur. Pilt voulait emettre en œuvre un moyen déjà fréquemment éprouvé de combattre le journalisme : c'était d'user de ses pr. pres armes. Un jourpal, l'Anti-Jacobin, fut destiné à battre en brèche, avec les armes de l'argument et du ridicule, les feuilles qui plaidaient à l'instar des gazettes françaises la cause du républicanisme. Canning fut chargé par Pitt de la haute direction de ce journal. C'est lui qui en rédig a le prospectus : Gifford fut choisi pour éditeur, Jenkinson et Georges Ellis, frères, et quelques autres en furent les collaborateurs principaux. Le journal fut publié régulièrement du 20 novemb. 1797 au 9 juillet 1798, époque à laquelle il cessa de paraître. Quelque difficile qu'il soit de distinguer ce qui appartient à chacun dans une publication qui eut pour collaborateurs

livres sterling serait payé à cette puissance pendant la durée de la guerre, et que de plus on rendrait à la Sardaigne le territoire qui lui avait été enlevé par la France. Pitt eut l'attention de laisser ce soir-là le champ libre à son jeune ami pour qu'il commencât avec éclat sa carriere parlementaire. Néanmoins, malgré le soin avec lequel Canning entra au vif dans les questions générales de l'origine et de l'esprit de la guerre, et dans le problème plus spécial de la compatibilité des clauses du traité avec les vues avouées et la politique de l'Angleterre, il n'excita pas cette haute admiration à laquelle plus tard donnerent lieu la plupart de ses improvisations. Un critique éclaire (The Inspector), qui semble avoir connu quelques particularités généralement ignorées de la jeunesse de Canning, attribue ce demi-succès à l'imitation de Burke. Il fut bien plus avidement écouté, bien plus viveinent applaudi,, lorsqu'il ne voulut être que lui-même. Son genre d'esprit différait trop de celui de cet orateur pour qu'il påt en imiter les mérites et même les défauts. Il ne ressemblait point, comme Burke, à un être élevé au-dessus de l'humanité, qui fait des lois pour tous les temps, pour tous les lieux et pour plusieurs peuples; qui croit déroger si, non content de convainil cherche à persuader. Il n'avait pas non plus la morgue dictatoriale de Burke, celte voix aristocratique, ce regard fixe qui semblait ne voir qu'un objet, la vérité, et ne pas tenir compte de l'auditoire. Une imagination très-vive qui n'excluait point la force et le raisonnement, une ironie spirituelle, plus riante que le sarcasme argumentateur de Burke, enfin le désir de complaire aux auditeurs présents et non à la pos

cre,

tant d'hommes de talent, au nombre desquels il faut compter Pitt lui-même, on sait que presque toutes les poésies semées dans le journal sont dues à Canning, et qu'il y donna aussi, sinon la totalité, du moins une partie des Corsaires, ou le double arrangement, plaisanterie burlesque sur le drame sentimental allemand. A la tribune, Canning, réélu par le bourg de Wendower, ne se montrait pas plus favorable à la cause de la révolution. En 1799, Tierney demanda que l'on prît une résolution déclaratoire du devoir des ministres de S. M. de ne montrer aucune répugnance à traiter de la paix avec la république française. Le discours par lequel Canning répondit à celte demande fut cité comme un modèle d'éloquence, et eut pour effet d'imposer silence à l'opposition pendant tout le reste de la session. Cette ligne de conduite ne l'empêcha pas de soutenir, toujours avec le ministère, le principe de l'abolition de la traite des noirs; mesure qui alors avait l'approbation du gouvernement. La motion que Wilberforce fil à ce sujet, en 1798, avait trouvé dans le député de Wendover un appui zélé; et, en 1799, il parla encore avec force dans le même sens el contribua au triomphe des amis de l'humanité qui virent enfin la loi proscrire l'odieux trafic de l'homme par 1 homme. Du reste, on devine assez que la philanthropie et les principes n'étaient que des mots dans les discours de Canning. Il soutenait l'abolition parce que Pitt la voulait ; et Pitt la voulait parce qu'il y apercevait la ruine des colonies françaises! Vint ensuite l'importante question de l'union avec l'Irlande: Canning parla plusieurs fois et longuement pour l'appuyer. La même année il fut nommé

un des commissaires pour la direction des affaires de l'Inde. Le 8 juillet 1800, il épousa la plus jeune fille du général John Scott de Balcomie qui avait amassé une fortune immense dans les Indes-Orientales. Elle lui apporta plus de cent mille livres sterling, et lui assura ainsi une honorable indépendance. Par cette union il devint beau-frère du marquis de Titchfield. Rien d'important ne signale la vie de Canning pendant cette période du ministère Pitt. Il le soutint intrépidement dans toutes les occasions, s'acharnant de plus en plus contre la démagogie française, s'opposant, lors de l'ouverture pacifique de Bonaparte, au commencement de l'année 1800, à toute proposition de paix, et soutenant de toutes ses forces la suspension de l'Habeas corpus. La chute du ministère, en 1801, amena pour Canning la nécessité de renoncer à tous les emplois. Deux causes avaient contribué à ce renversement : l'une était la ré pugnance de Pitt à signer avec la France une paix qu'il jugeait être indispensable pour l'instant; l'autre la répugnance du roi à remplir à l'égard des catholiques irlandais les promesses qui leur avaient été faites à l'époque de l'union. Il fut alors question d'une combinaison qui eût replacé lord Grenville au ministère. Cet homme d'état y eût mené avec lui Canning et Windham. Mais ce projet échoua. Privé de toutes ses places, Canning reparut an parlement l'année suivante (1802), comme représentant du bourg irlandais de Tralee. Il siegea dans les rangs de l'opposition et fit pleuvoir sans réserve les traits d'une critique. acérée contre le traité d'Amiens, contre la révolution française, contre l'administration Addington. Non

content de combattre à la tribune le système du nouveau ministre, il eut recours à la presse, et entama une guerre de sarcasmes qui continua quelque temps avec beaucoup d'acrimonie. Les Addingtonistes ne res tèrent pas sans réponse, et pour mieux riposter aux brocards dont les accablait leur fougueux adversaire, ils appelèrent à leur aide quelquesuns de ces condottieri littéraires qui, comme autrefois les Suisses, combattent pour de l'argent. Ceux-ci suivirent les traces de Canning et entamèrent la riche mine des personnalités, sur le ministre déchu et sur son faiseur. C'étaient tantôt des détails biographiques dont il est plus aisé de se fâcher que de se défendre; tantôt des scènes imaginaires, des bouffonneries, des satires. Une de celles-ci, intitulée la conversation et le docteur, eut beaucoup de vogue. Du terrain de la plaisanterie, Canning passa dans celui du dithyrambe et fit paraître, à la gloire de son grand ami, une ode qu'il intitula Le Pilote qui surmonte l'orage. Cependant au milieu des divergences que laissaient apercevoir entre eux les deux ex-ministres, lord Grenville et Pitt, Canning penchait plutôt pour les opinions du premier et songea sérieusement à prendre parti pour lui. La rentrée de Pitt au ministère, eu mai 1804, mit un terme à ces oscillations. Il appela Canning auprès de lui en le nominant à la place de trésorier de la marine que quittait Tierney. Rien de remarquable ne signala personnellement Canning qui fut la même année réélu par Tralee, si ce n'est peut-être le zèle avec lequel, lors des imputations dirigées par Whitbread sur la conduite de lord Melville, le trésorier de la marine saisit à

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plusieurs reprises l'occasion de plaider la cause de cet homme d'état. La mort de Pitt, en janvier 1806, disloqua de nouveau le cabinet; et cette fois un ministère de coalition, composé de Fox et lord Sydmouth d'une part, de lord Grenville, de l'autre, fut mis à la tête des affaires. Canning, quoique l'on ait fait remonter à celle époque le mot qu'il ne prononça que quelques années plus tard dans un discours public à Liverpool « Ma fidélité politique est ensevelie dans la tombe de M. Pitt, » était alors trop exclusif dans ses opinions relativement aux mesures à prendre contre la France pour faire partie de l'administration. Réélu par le bourg de Sligo, il prit donc encore rang parmi les opposants, el ayant en tête, outre outre ses antagonistes habituels, quelques-uns de ses anciens amis, il rompit des lances contre ce qu'il appelait ironiquement tous les talents, toute la sagesse et toute l'expérience d'une armée combinée de whigs et de tories, de Foxistes et de Pittistes. Parmi les discours qu'il prononça pendant ce laps de temps doivent être remarquées son adhésion à la motion de Spencer Stanhope sur l'inconvenance de voir Ellenborough siéger dans le ca binet; ses critiques des nouveaux arrangements militaires introduits par Windham, enfin ses nombreuses allocutions au sujet des négociations avec la France (1807). Fox alors venait de suivre au tombeau son formidable rival (sept. 1806), et il avait été remplacé au ministère par lord Howyck (aujourd'hui lord Grey). Canning posa en principe que les négociations étaient illusoires, que l'ennemi selon son usage les traînerait en longueur sans rien conclure, qu'en dernière analyse les délais pro

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