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pruntée au conte de la Bergère des Alpes, de Marmontel, eut une vogue prodigieuse, malgré les détracteurs de mademoiselle Candeille. Ils affectaient d'en attribuer la paternité, avec assez peu de vraisemblance, au célèbre conventionnel Vergniaux; et ne sachant pas ou feignant d'ignorer que le second titre de l'ouvrage était une exigence des comédiens, ils le trouvaient d'autant moins modeste que l'auteur, ajoutaient-ils, s'y était réservé le principal rôle, afin de recevoir des louanges directes sur sa beauté, son esprit et sur la variété de ses talents: en effet, elle y chantait en s'accompagnant tantôt sur la harpe, tantôt sur le piano, deux airs de sa composition, ainsi que celui du vaudeville final. Tout Paris al'a voir la Belle Fermière dont le succès s'est soutenu, et qui est constamment restée au courant du répertoire, parce que, au milieu de nombreuses invraisemblances, elle ne laisse pas d'offrir un style naturel et correct, de la gaîté, des contrastes de caractères et des situations intéressantes. Cette pièce a eu, depuis 1793, plusieurs éditions, et elle a été insérée dans tous les recueils et répertoires dramatiques. Aucun des autres ouvrages que mademoiselle Candeil'e a donnés au théâtre n'a obtenu le même bonheur. Bathilde, ou le Duo, comédie en un acte, où elle exécutait avec Baptiste aîné un duo de piano et violon, fut reçue avec une extrême froideur, le 16 sept. 1793, et retirée peu de jours après. Au mois de nov. suivant, furent célébrées des fêtes républicaines dans quelques églises qu'on avait transformées en temples de la Raison. Mercier, dans son Nouveau Tableau de Paris, prétend que mademoiselle Candeille y avait figuré avec d'autres actrices que la beauté

de leurs formes fit choisir comme elle pour représenter les déesses de la Liberté, de la Raison, etc. Ce fait, répété sans examen dans l'Histoire du Theatre - Français, par M. Etienne qui s'en est justifié, et par Martainville, et depuis dans la Biographie des hommes vivants qui s'est rétractée dans son supplément, Mlle Candeille l'a toujours démenti comme contraire à ses principes et à la vérité. Il ne paraît pas que d'autres femmes que l'épouse de Momoro et des figurantes de l'Opéra se soient montrées sur des chars, en divinités allégoriques. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à cette époque désastreuse, mademoiselle Candeille, ainsi que tout ce qui composait le personnel des théâtres de la République, Favart, Feydeau, Louvois et Montansier, fit partie du cortège d'une fête funèbre en l'honneur de Marat et Lepelletier-Saint-Fargeau. Mais loin de leur reprocher cet acte d'obéissance passive et forcée au terrible gouvernement qui existait alors, il faudrait plutôt les plaindre de ce que leur profession les soumettait plus directement à l'influence des agents de la tyrannie révolutionnaire. Décente dans sa conduite ou du moins dans ses amours, Mile Candeil'e avait toujours visé au mariage. Trois mois après la terreur (3 nov. 1794), elle épousa civilement un jeune médecin qui vit encore et dont elle n'a jamais porté le nom. Cette union ne fut pas heureuse et un divorce juridique la rompit, le 13 février 1797, par consentement mutuel. Mlle Candeille a pris grand soin de laisser ignorer au public cet épisode qu'elle regardait comme le plus triste de sa vie, qu'elle aurait voulu oublier elle-même, et dont elle ne se proposait de parler que dans

des mémoires qui ne devaient paraître qu'après sa mort; mais comme elle n'a pas eu le temps d'écrire ces mémoires, et qu'elle n'a pas laissé d'enfants de ce mariage ni des deux unions qu'elle contracta depuis, son secret ne doit plus être gardé. Ce fut pendant la durée de son prenier hymen que Mlle Candeille risqua deux pièces au théâtre. Le Commissionnaire, comédie en deux acles, en prose, fut représenté avec beaucoup de succès le 27 nov. 1794, par les comédiens français récemment sortis de prison, à leur salle du faubourg Saint-Germain, qui s'appelait alors theatre de l'Egalité c'était le trait historique du généreux Cange, commissionnaire de la prison de Saint-Lazare. L'auteur avait gar dé l'anonyme, et l'on attribua la pièce au vicomte de Ségur; mais, Fleury ayant cru pouvoir nommer le véritable auteur, Me Contat qui jouait un des principaux rôles y renonça, par haine contre sa rivale, et arrêta le cours des représentations. Cette comédie a été imprimée la même année sous le nom de J. Gandeille. La Bayadère, ou le Français à Surate, comédie en 5 actes, en vers, fat impitoyablement sifflée le 24 janvier 1795, au théâtre de la République, sans avoir été entendue, sans égards pour l'auteur qui représentait le principal personnage; et pourtant cet ouvrage annonçait de l'imagination, du sentiment, le talent d'écrire; mais les mots indiens trop prodigués sans être expliqués y jetaient de l'obscurité. D'ailleurs le public était prévenu contre la pièce et contre l'auteur, parce qu'on pardonne difficilement des prétentions mises trop à découvert. Une bayadère, belle, spirituelle, brillante de grâces et de talents, bonne, sen

sible, et qui plus est, malgré son état de danseuse, fière, chaste et vertueuse, parut un personnage invraisemblable, fantastique, et l'on trouva mauvais que

l'actrice-auteur s'at

tribuât dans ce rôle tous ces genres de gloire, quand même elle y aurait eu des droits incontestables. Les fades éloges qu'elle s'y faisait prodiguer ne trouvèrent pas la même indulgence que ceux qu'on avait applaudis dans la Belle Fermière, et la pièce tombée n'a jamais revu le jour. Ce revers, les désagréments attachés à un état pour lequel Me Candeille ne s'était jamais senti une vocation bien marquée, ceux qu'elle avait éprouvés de la part de quelques-uns de ses camarades, la déterminèrent à renoncer au théâtre qu'elle pouvait alors quitter sans danger, et à prendre dans le monde un rang plus convenable à l'élévation de sentiments dont elle a toujours fait profession. Elle abandonna même Paris; et, pendant son instance en divorce (1796), elle parcourut la Hollande et la Belgique où elle donna des représentations et des concerts. Elle connut à Bruxelles le chef d'une célèbre fabrique de voitures, Jean Simons, qui étant venu depuis à Paris, en 1798, pour empêcher le mariage de son fils, Michel Simons, avec Me Lange, actrice du ThéâtreFrançais (Voy. LANGE, au Supp.), revit Mile Candeille, l'épousa le 11 février, et ne s'opposa plus aux vœux de son fils. On prétend que cette aventure a pu fournir le sujet d'une pièce d'Andrieux, la Comédienne. Mme Simons - Candeille avait en quelque sorte pris les rènes d'une maison à peu près ruinée par les faillites de l'émigration. L'aliénation mentale de son mari ayant hâté la décadence de cet établissement, elle

fat obligée de se prêter, en 1802, à une séparation volontaire, consentie par les enfants de Simons. E... leur abandonna ainsi qu'aux créanciers de leur père son douaire, ses reprises, ne se réservant que ses deniers dotaux. De retour à Paris auprès de son père veuf et sans place, madame Simons - Candeille, pour le soutenir, se fit institutrice, et pendant dix aus elle donna des leçons de musique et de littérature. Ce fut à cette époque qu'elle forma des liaisons d'amitié avec Girodet et Méhul; il en est résulté avec le célèbre peintre une correspondance dont la publication attendue pourra offrir de l'intérêt (2). Elle se brouilla avec le compositeur, parce qu'elle refusa d'être le prête-nom d'une partition qu'il voulait opposer aux succès de madame Gail (Voy. ce nom, au Supp.), dont il était ja loux. En 1807, elle fit représenter, au bénéfice de son père, sur le théâtre Feydeau, Ida, ou l'Orpheline de Berlin, comédie-lyrique en deux actes, dont elle avait fait les paroles et la musique, et qui n'eut que cinq ou six représentations, parce que le sujet, traité avec plus de succès au Vaudeville, par Radet (Voy. ce nom, au Supp.), n'était plus capable d'exciter la curiosité. Le dernier ouvrage dramatique de Mme Simons-Candeille fut Louise, ou la Réconciliation, drame en quatre actes et en prose, tombé au Théâtre-Français, le 15 décembre 1808, au bruit des sifflets de l'école Polytechnique (3). De ce moment, le

(2) Cette correspondance, confiée à M. Panne. tier, sculpteur, doit être revisée par M. Augustin Soulié.

(3) Un des cabaleurs s'étant vanté de cet exploit chez son oncle Garat, « Eh quoi! dit le célèbre chanteur, vouz avez fait tomber l'ouvrage de ma lame Simons-Candeille, de mon amie!... musicienne superbe! - Ma foi, mon oncle, ré

spectacle fut interdit aux élèves de 1re classe de cette école, les jours de première représentation; mais de ce moment aussi Mme Candeille, cessant de travailler pour le théâtre, se livra au genre des romans. Elle leur dut des succès plus certains et` plus constants, et néanmoins ils seront plus vite oubliés peut-être que sa Belle Fermière. Ses journées employées aux devoirs d'institutrice et ses veilles consacrées aux travaux littéraires suffisaient à peine à son existence et à celle de son père. Elle avait réclamé des secours. Touché de ses efforts et de ses infortunes, Cretet, ministre de l'intérieur, sollicita pour elle, dans un rapport à l'empereur, une pension de 1500 f. Napoléon, qui accordait peu aux vieillards, avait oublié l'anteur de Castor et Pollux; et, comme il se piquait de connaître mieux qu'un préfet de police l'intérieur des familles, il déchira la feuille et allégua, pour morale de son refus, qu'il ne fallait pas autoriser les femmes à se pas

raison

ser de leurs maris. Peu satisfaite de Napoléon, Mme Simons accueillit en 1814 la restauration; mais un écrit politique, qu'elle était au moment de publier en mars 1815, l'ayant obligée d'aller en Angleterre pendant les cent-jours, elle donna à Londres des séances littéraires et musicales auxquelles prirent part plusieurs artistes distingués, Cramer, Viotti, Lafont, etc. Elle y reçut, en 1816, le brevet d'une pension théâtrale pour elle et pour son père, et à son retour à Paris, sur la fin de l'année, elle en obtint une de 2,000 fr. de Louis XVIII. Elle exhala sa reconnaissance dans des Vers sur la

pond le jeune étourdi, qu'elle fasse donc de la musique et qu'elle cesse de nous donner des drames en prose. »

bonté, adressés à ce prince pour l'anniversaire de sa naissance (17 nov. 1816). Fort heureusement elle était alors en position de se passer de son mari qui, enveloppé dans les pertes successives de sou fils aîné, Michel Simons, se trouva réduit à un tel état de détresse qu'un de ses neveux eut recours à madame Simons, et son attente ne fut pas trompée. Elle envoya aussitôt une somme assez considérable à son mari, qui jusqu'à sa mort reçut d'elle une pension. Veuve de Simons, er avril 1821, elle épousa, l'année suivante, Hilaire-Heuri Périé, plus jeune qu'elle de quelques années, et natif de Castres. C'était uu de ces élèves de David, qu'on avait vus, en 1793, se promener dans Paris, revêtus de l'ancien costume des républicains grecs ou romaius. La mediocrité de ses talents comme peintre et dessinateur avait forcé Périé d'entrer dans l'administration des jeux. Quoiqu'il y occupât un emploi très-lucratif, sa femme, qui avait des sentiments plus relevés, n'était nullement flattée du rang où l'état de son mari la laissait dans la société. Elle frappa à toutes les portes pour tâcher de le tirer de l'autre de Cacus, et ses sollicitations, son esprit insinuant, obtinent, chargé des Beaux-Arts à cette époque, la place de directeur du musée et de l'école de dessin à Nîmes, place plus honorable, mais moins avantageusement rétribuée que celle doat Périé se démit. Leur départ pour Nimes, en avril 1827, coïncida avec la mort de Candeille père Il s'était remarié, et sa fille qui ne devait rien à une jeune belle-mère, continua de lui payer une pension qui n'a cessé que depuis la mort de la belle-fille. La révolution de 1830 alarma madame Périé-Candeille, non pas seu

du

lement pour les princes auxquels elle était attachée par une juste reconnaissance, mais peut-être aussi pour l'existence qu'elle et son mari tenaient de leurs bontés. Frappée d'une attaque de paralysie en 1831, au moment où elle allait faire lecture d'un ouvrage qu'elle venait de terminer, elle commençait à recouvrer graduellement sa santé, lorsque la mort de son mari, dans l'automne de 1833, lui causa une nouvelle attaque dont elle ne put se relever. Arrivée à Paris dans le courant de décembre, elle fut conduite à la maison de santé de M. Marjoliu, rue du faubourg Poissonnière, où elle nourut le 3 février 1834. Son corps fut porté au cimetière du père Lachaise, où elle avait acheté un double terrain quelques années auparavant. Son testament olographe qu'elle avait fait aussi depuis long temps, qu'elle avait refait postérieurement à sa première attaque, et auquel elle avait ensuite ajouté un codicile, rappelle toujours la BelleFermière et la Bayadère. Cet amour de la gloriole, cette prétention à une éternelle célébrité qui l'avaient occupée toute sa vie, percent encore daus ses dernières volontés. Elle y trace le devis de son monument fune

raire qui, faute de fonds, ne pourra pas être exécuté, à moins qu'on ne vende la partie du terrain réservée à son mari, dont les restes n'ont pas été apportés à Paris. Malgré les petits ridicules que s'est donnés madame Candeille en public, dans sou ton, dans sa tenue, dans ses manières, en jouant la comédie, en chautant, ea touchant le piano, en pinçant la harpe, en parlant et quelquefois en écrivant, il faut le dire, elle gaguait à être connue. Dans la vie privée, elle était simple, aimable

douce et obligeante. et le suffrage auquel elle tenait le plus, c'était celui des honnêtes gens, pour une assez bonne conduite et quelques sentiments généreux mais son imagination facile à exalter la rendait très-mobile dans ses affections. Voici la liste de ses autres ouvrages imprimés: I. Lydie, ou les Mariages manqués, Paris, 1809, 2 vol. in-12, nouvelle edit. corrigée et augmentée; roman de mœurs qui fut bien accueilli. II. Bathilde, reine des Francs, Paris, 1814, 2 vol. in-12, avec figures dessinées par Girodet; ibid., 1815, in-8°, dont une centaine d'exemplaires vendus en Angleterre valurent cent guinées à l'auteur. III. Réponse à un article de biographie, bid., 1817, in-4°. C'est sa réclamation contre l'imputation répétée qu'elle avait figuré la déesse de la Raison. IV. Souvenirs de Brighton, de Londres et de Paris, et quelques fragments de littérature légère, Paris, 1818, in-8°. C'est le résumé de ce qu'elle a fait, vu ou enseigné durant les trois premières années de la restauration. V. Agnès de France, ou le douzième siècle, Paris, 1821, 3 vol. in-8° et in-12. VI. Geneviève, ou le Hameau, histoire de huit journées, Paris, 1822, in-12; épisode agréable d'un voyage de l'auteur. VII. Blanche d'Evreux, ou le Prisonnier de Gisors, histoire du temps de Philippe de Valois, Paris, 1824, 2 vol. in-8° et in-12. VIII. Essai sur les félicités humaines, ou Dictionnaire du bonheur, dédié aux enfants de tous les âges, Paris, 1829, 2 vol. in-12, et 1 vol. in-8°. Cet ouvrage qui a reparu en 1832, probablement avec un nouveau frontispice, a fait peu de sensation, sans doute en raison des circonstances inopportunes de

sa double publication: il renferme néanmoins des leçons douces et quelques articles assez piquauts. MTM* Candeille a laissé manuscrites quelques pièces de théâtre, peu d'gnes. dit-on. d'être représentées. Comme musicienne, des l'année 1788, elle avait fait graver trois trios pour clavecin et violon. Depuis elle a publié quatorze œuvres de sonates de piano avec ou sans accompagnement, des concertos, des nocturnes, des romances, paroles et musique, etc. A—T.

CANNING (GEORGE), homme d'état naquit à Londres le 11 avril 1770, d'une famille originaire de Foxcote dans le comté de Cumberland, et qui se fixa en Irlande au commencement du dix-septième siècle. Son père, avocal instruit, mais presque sans bien, puisque toute sa fortune se réduisait a cent cinquaute liv. sterling de rente, n'eut pas le bouheur de rencontrer une de ces causes qui mettent sur-le-champ en lumière les jeunes talents et leur créent aussitôt un nom et une fortune. Peut-être aussi la poésie le détourna-t elle des occupations plus graves du barreau. Sa belle épître de lord William Russel, la nuit qui précéda son suplice, a lord William Cavendish; sa traduction en vers de l'AntiLucrèce, sa réponse aux reproches de la Revue critique (Critical Review) qui avait làmé dans sa version une fidélité trop littérale, prouvent qu'il avait feuilleté d'autres répertoires que les statuts et coutumes d'Angleterre. Il composa aussi plusieurs brochures politiques; mais nul de ses travaux ne le conduisit à la richesse. Bientôt son mariage avec une femme belle et spirituelle, mais sans fortune, plut à sa famille, et probablement lui ravit encore quelque appui de ce

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