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à Mantes. Là elle reçut la nouvelle de la mort de son fils unique, qui, après avoir été auditeur au conseil d'état et commissaire spécial de police à Toulouse sous le gouvernement impérial, avait été jelé dans les prisons de Montpellier et y avait langui plusieurs mois. Déjà de cruels incidents lui avaient ravi la plus grande partie de sa famille: sa sœur (Mme Auguier), sur le point d'être arrêtée le 9 thermidor, s'était jetée par une fenêtre; la première de ses nièces (Me de Broc) s'était noyée en tombant dans un gouffre aux eaux d'Aix en Savoie; la seconde, la maréchale Ney, venait de perdre son mari; leur père à toutes deux était mort de douleur dès le commencement du procès de son gendre; enfin un neveu de ce dernier s'était brûlé la cervelle. La mort de Henri Campan porta le dernier coup à la sensibilité de sa mère, dont la santé depuis ce temps déclina sans cesse. Les eaux de Bade, les vues pittoresques de la Suisse, la conversation de la duchesse de Saint-Leu, qu'elle revit avec attendrissement, ne la soulagèrent point. Enfin il fallut pratiquer sur elle une opération cruelle; elle la subit avec courage; mais bientôt des symptômes fâcheux apparurent, et la mort fut inévitable. Mme Campan expira le 16 mars 1822. Sur son tombeau, dans le cimetière de Mantes, s'élève une colonne de marbre blanc surmontée d'une urne et accompagnée d'une épitaphe fort simple.-Si la vie de Me Campan n'est pas exempte de taches, ses travaux comme institutrice recommandent son nom à la postérité. A tout hasard elle voulait que ses élèves fussent en état de se suffire à elles-mêmes. Elle les exhortait aux habitudes simples, aux soins de ménage, aux ouvrages

d'aiguille, etc., ayant pour maxime que l'éducation d'une femme n'est complète que lorsqu'elle n'est étrangère à aucun des travaux de son sexe. Toutefois elle ne se faisait pas d'illusion sur les imperfections qui rendent presque impossible dans un grand établissement l'initiation des élèves aux détails domestiques. Quant aux arts et aux talents d'agrément, en leur assignant le rang élevé auquel les placent la vie élégante et la civilisation moderne, elle rappelle avec douleur qu'il faut six, huit, dix ans d'études pour commencerà se classer parmi les artistes.Les peines chez elle étaient très-douces et très-habilement graduées, de sorte que la plus légère censure inspirait un effroi immense; les corrections afflictives étaient donc tout-à-fait hors

de l'esprit de l'institution, et c'est ce qui doit réduire à néant l'imputation des sévices articulée contre la surintendante. Mme Campan a dit un beau mot sur elle-même et tracé un beau modèle aux femmes qui suivent la même carrière, en proclamant que dans toute sa vie d'institutrice elle a voulu faire des élèves qui fussent institutrices à leur tour. « Créer des mères, dit-elle, voilà toute l'éducation des femmes. » Les ouvrages de Mme Campan sont : I. Mémoires sur la vie privée de Marie - Antoinette, reine de France et de Navarre, suivis de souvenirs et anecdotes historiques sur les règnes de Louis XIV, Louis XV, et Louis XVI, Paris, 1822, 3 vol. in-8°; 2° éd., 1823. Ces Mémoires, qui font partie de la Collection des Mémoires relatifs à la révolution française, comprennent vingt-un ans depuis l'installation de Mme Campan auprès de Marie-Antoinette en qualité de femme de chambre jus

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qu'au 12 août 1792. Ils sont écrits avec beaucoup de grâce, abondent en traits curieux et caractérisques du temps, et peignent très-fidèlement l'intérieur de la reine. On peut ajouter qu'ils la font aimer, et montrent chez elle autant de noblesse que de disinvolture et d'élégance, autant de bonté que de charmes. Ajoutons aussi pourtant que la narratrice ne dit pas tout. Nous savons de sources certaines que l'éditeur de ces Mémoires eut, vers le temps de la publication, accès au château, et qu'il fit disparaître du manuscrit tout ce qui pouvait choquer d'augustes susceptibilités. Mais ces suppressions mêmes n'eussent-elles pas eu lieu nous croyons que les Mémoires de Mme Campan seraient encore féconds en réticences. Et quoi de plus simple? L'habile surintendante d'Ecouen avait senti que le seul rôle qui lui convînt était une affectueuse vénération pour sa bienfaitrice. Elle eut toujours ou toujours témoigna ce sentiment. Y déroger dans ses écrits eût été pour elle pis que de l'ingratitude; c'eût été de la stupidité; c'eût été prouver l'ingratitude et la trahison dont tant de soupçons la noircissent. II. Lettres de deux jeunes amies, Paris, in-8°. III. Conversations d'une mère avec sa fille, en anglais et en français, composées pour la maison d'éducation de Mme Campan, dédiées à Mme Louis Bonaparte Paris an XII (1804), in-8°. IV. De l'éducation des femmes, Paris, 1823. V. Theatre d'éducation (contenant, entre autres pièces : Arabella, ou la pension anglaise; la vieille de la Cabane; les deux éducations; le concert d'amateurs; les petits comédiens ambulants). Ces quatre derniers ouvrages ont été réunis

sous le titre d' OEuvres complètes de Mme Campan sur l'éducation, Paris, 1825, 2 vol. in-8°. On a imprimé, en 1833, Correspondance inédite de Mme Campan avec la reine Hortense, précédée d'une notice et d'une introduction par J.-A.-C.-Buchon, Paris, 2 vol. in-8°. M. Maigne, médecin des hôpitaux de Mantes, dont la femme avait été élevée à Ecouen, et avait servi de secrétaire à son institutrice, a publié en 1824 un Journal anecdotique de Mme Campan, ou Souvenirs recueillis dans ses entretiens; suivi de sa correspondance inédite avec son fils, Paris, chez Baudouin frères, in-8° de 250 pages. On trouve une notice sur Mme Campan à la tête de ses Mémoires : elle est signée de l'éditeur M. Barrière. Il faut lire aussi les Observations sur les Mémoires de Mme Campan, par M. le baron d'Aubier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, Paris, 1823, in-8°. Vers le temps de la mort de Mme Campan parurent d'elle deux portraits lithographiés assez remarquables pour l'exécution et la ressemblance. Dans son Mémoire sur les évènements relatifs au voyage de Varennes, le baron de Goguelat (V. ce nom, au Supp.) a réfuté plusieurs assertions de Mme Campan relativement à ce voyage.

P-OT.

CAMPANAIO (LORENZO DI LODOVICO), surnommé Lorenzetto, sculpteur et architecte florentin, né en 1494, mérita l'amitié de Raphaël qui l'employa dans divers travaux importants, et lui fit épouser une sœur de Jules Romain, son disciple chéri. Dans sa jeunesse, Lorenzetto termina le mausolée du cardinal Forteguerri, placé dans l'église de SaintJacques à Pistoie, et qu'André del Verrochio avait laissé imparfait. On

y remarque une figure de la Charité où il commença à développer tout son talent. Il se rendit ensuite à Rome, où malgré son habileté il fut d'abord occupé à des ouvrages de peu d'importance, mais ayant fait connaissance avec Raphaël, ce grand artiste lui fit confier l'exécution du tombeau que le cardinal Chigi voulait se faire ériger dans l'église de Sainte-Mariedu-peuple. Lorenzetto fit les deux belles figures de Jonas et d'Elie qui ornent ce tombeau, et que l'on prendrait pour deux productions du ciseau grec, si l'époque à laquelle elles furent exécutées et le nom de leur auteur n'étaient pas connus. Il attendait un juste salaire de ce bel ouvrage; mais, Raphaël et le cardinal Chigi étant morts avant qu'il fût terminé, Lorenzetto se vit forcé, par l'avarice des héritiers du prélat, à le garder dans son atelier, où il resta pendant plusieurs années. Ces deux figures ont reçu cependant plus tard la destination qu'elles devaient avoir. Comme architecte, cet artiste a construit à Rome plusieurs maisons particulières et le palais Cafarelli, ainsi que la façade intérieure et les jardins du palais du cardinal della Valle. Dans ce jardin il exécuta deux magnifiques bas-reliefs en marbre, tirés de l'histoire ancienne. Après le siège de Rome, le pape Clément VII ayant fait abattre deux petites chapelles de marbre, placées à l'entrée du pont Saint-Ange, les fit remplacer par deux statues de marbre, dont l'une représentant saint Paul fut confiée à Paul Romano, et l'autre, celle de saint Pierre, à Lorenzetto. Malgré tous ces travaux, cet artiste habile était sans fortune, et cinq fils en bas àge ajoutaient à ses besoins. C'est alors que San-Gallo, architecte de Saint

Pierre, lui confia une partie des constructions que le pape Paul III avait ordonnées pour l'achèvement de cet édifice. Ces travaux enrichirent l'artiste en peu de temps, et il eût fait une fortune considérable, si une mort prématurée ne l'eùt frappé ez 1541, à l'àge de 47 ans. P-s.

CAMPANI (NICOLAS), poète dramatique, surnommé il Strascino, mot dont la décence ne permet pas de donner ici l'équivalent en français, était né vers la fin du XVe siècle à Sienne. D'un caractère facétieux et d'une gaîté intarissable, il fit les délices de ses compatriotes qui se plaisent à des spectacles dont ne s'accommode pas aussi bien la délicatesse de leurs voisins: mais on ignore les particularités de la vie de ce personnage. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il était membre de l'académie des Rozzi, On connaît de lui quatre comédies rustiques ou églogues, car elles portent aussi ce dernier titre : il Coltellino, il Strascino, il Magrino, et enfin il Berna. Les trois premières sont citées dans la Dramaturgia de l'Allacci, dans l'Histoire du theatre italien de Riccoboni,etc.; mais la quatrième n'est indiquée que dans le Catalogue de Pinelli. Quoiqu'elles aient été réimprimées plusieurs fois à Venise et à Florence, séparément ou dans des recueils, les pièces de Campani sont très-rares, même en Italie. On ne les trouvait pas dans la bibliothèque de Floncel, la plus riche collection de livres italiens qu'on ait vue en France, et on les chercherait inutilement à la bibliothèque du roi. La plus connue des pièces de Campani, c'est le Strascino dont le nom lui est resté. On en compte au moins cinq éditions. La première est de Sienne, 1519, et la plus récente de Venise, 1592, in-8°.

On doit encore à cet écrivain facétieux un poème in ottava rima, dont le sujet n'est autre que la maladie à laquelle les Français ont donné le nom de mal de Naples ; il est intitulé: Lamento di quel tribulato di strascino sopra el male incognito, che tratta della patienza ed impatienza, Venise, 1523, in-8° de 28 feuillets. Les bibliographes en citent d'autres éditions de 1529, 1537 et 1621; mais les curieux recherchent surtout l'édition originale. On trouve de notre auteur des Capitoli dans le second livre des Rime de Berni, et dans d'autres recueils du même genre. W-s

CAMPBELL (sir NEIL), officier anglais, né vers 1770, servit trois ans, de 1797 à 1800, dans les Indes-Occidentales, sans obtenir un grade plus élevé que celui de lieutenant, retourna en Angleterre où il devint capitaine, resta dix-huit mois à l'école militaire, en sortit avec le titre de quartier-maître-général dans le district sud; puis, ayant été nommé major en 1805, il passa derechef en Amérique, d'où il fit de temps à autre quelques apparitions dans sa patrie. Il obtint successivement les grades d'adjudant-général des forces anglaises dans les îles du Vent et sous le Vent, et de lieutenant-colonel. Sa belle conduite dans l'expédition contre la Martinique et contre les Saintes, près de la Guadeloupe, l'avait fait remarquer, lorsque la conquête de ces deux îles et l'expulsion définitive des Français rendirent inutile un plus long séjour des forces britanniques dans ces parages. De retour à Londres, sir Neil Campbell n'y resta que peu de temps; et, passant dans la péninsule hispanique, il prit part à la guerre contre Napoléon comme colonel du 16° ré

giment d'infanterie portugais. La brigade de Pack, dont ce régiment faisait partie, n'appartenait spécialement à aucune division, et se transportait partout où le demandait le bien du service. Le régiment de Neil Campbell fut employé, en 1811 et 1812, au blocus d'Almeida, qui formait la gauche de la position durant la bataille de Fuentes de Onor, aux sièges de Ciudad-Rodrigo, de Badajoz, de Burgos, enfin à la bataille de Salamanque. Plusieurs fois le duc de Wellington mentionna son nom avec honneur dans ses rapports. Ramené en Angleterre au commencement de 1813 par le mauvais état de sa santé, le colonel Campbell passa bientôt en Suède, sans doute avec une mission pour Bernadotte qu'il fallait unir à la coalition, puis, franchissant la Baltique, il alla joindre le quartier-général de l'empereur Alexandre en Pologne, où il trouva l'ambassadeur anglais, lord Cathcart, qui l'employa concurremment avec le colonel Lowe et sir Robert Wilson pour se tenir au fait des forces et des opérations militaires des divers corps de l'armée russe. Le colonel Campbell prit même du service dans le corps de Wittgenstein, et il eut part aux deux campagnes de 1813 el 1814 jusqu'à l'entrée des alliés à Paris. En août 1813 il fut détaché au siège de Dantzig, et il y passa les deux mois suivants. En mars 1814, au combat de la Fère-Champenoise, il chargea impétueusement les Français à la tête de la cavalerie, et fut blessé en cette rencontre, mais de la main d'un Cosaque qui dans la mélée le prit pour un officier français. Après le triomphe des alliés, Campbell fut un des officiers désignés pour accompagner Bonaparte jusqu'à l'île d'Elbe. Les

trois autres commissaires étaient Koller, le comte Schouvalov et le comte Truchsess. Il obtint en même temps de son souverain le titre de chevalier et des armoiries, avec le brevet de colonel dans l'armée britannique, et de l'empereur de Russie la décoration de l'ordre de Sainte-Anne, avec les croix de Saint-George et de Saint-Vladimir. Sir Neil Campbell revint ensuite à l'île d'Elbe, sous le prétexte plausible de préserver, par sa présence, cette éphémère souveraineté de toute insulte extérieure, mais bien évidemment pour y surveiller les mouvements de Bonaparte. On publiait que l'ex-empereur lui-même avait sollicité cette prolongation de séjour. Cela veut dire tout au plus que parmi les commissaires étrangers que ses vainqueurs lui pouvaient imposer le colonel Campbell était le moins désagréable ou le moins redoutable à ses yeux. Le fait est qu'il parvint sans une peine extrême, sinon à l'endormir complètement, du moins à lui donner le change. Toute l'île et toute la côte italienne, voisine de PortoFerrajo, retentissaient des allées et venues des partisans de Bonaparte; et l'on s'attendait à tout instant à le voir débarquer sur Piombino ou Livourne, pour s'y indemniser un peu en pirate de la lenteur qu'on mettait à lui faire payer les arrérages de sa pension. Il y eut un art profond à répandre ainsi la croyance d'une équipée sans importance, équipée souhaitée des puissances puisqu'elle eût fourni un prétexte pour rompre le pacte signé à Fontainebleau avec Bonaparte, lui reprendre cette ile, d'où il menaçait encore l'Europe, et le reléguer au-delà des mers. Déjà cette décision avait été prise à Vienne; mais, quoique

sage, elle contrevenait si nettement aux traités, que l'on désirait un paillia tif ou un prétexte de tout rompre. La moindre excursion hors de l'île d'Elbe devait en être un excellent : dans cette hypothèse le manque de parole venait de Napoléon, et peutêtre, dans les escarmouches qui pourraient s'ensuivre, l'homme dont l'existence était si gênante périrait-il. C'est avec de telles pensées que le colonel Campbell, sans doute à demiinstruit du prochain départ de l'exempereur, se rendit sur le continent de l'Italie au milieu de février. II était à Florence le 23, lorsque l'évènement eut lieu. En revenant le 27 il aperçut du haut du vaisseau qu'il montait la petite flotille, qui allait débarquer à Cannes, mais, ajoute-t-il dans la justification qu'il adressa à son gouvernement, sans se douter de ce qu'elle portait. Cette espèce d'évasion, puisque enfin Bonaparte était aux yeux de l'Europe un prisonnier, donna lieu à des débats animés dans les deux chambres les ministres : prirent hautement la défense et de leur escadre dans la Méditerranée et de leur commissaire. En effet, il est palpable que sir Neil, en facilitant par son défaut de vigilance la sortie de Bonaparte, ne dut que suivre un plan tracé de haut. Les Anglais, quand une fois ils purent traiter en vrai prisonnier cet homme illustre, et qu'ils n'eurent plus envie qu'il échappât, surent bien trouver un geolier autrement rigide que le colonel Campbell. Au reste sir Neil n'en avait pas moins été dupe comme tant d'autres, en s'imaginant que Bonaparte rompant son ban allait jouer un jeu misérable el mesquin, et ne cinglerait pas droit sur la France. Malgré la tournure nouvelle que prirent dès-lors les évènements, le cabinet ne lui en donna

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