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putés à faire imprimer l'état de leur fortune. Le lendemain, il vota un emprunt d'un milliard en assignals, et traça, ce dont alors on ne s'occupait plus que pour la forme, un plau de remboursement. La lutte des Girondins et de la montagne allait enfin se décider. Dans cette nouvelle phase de la révolution, Cambon montra de l'incertitude et des tergiversations. Lors de la séance du 9 mars 1793, où Louvet dénonça Robespierre comme aspirant à la dictature: « Misérables, s'écria Cambon en élevant le bras, voilà l'arrêt de mort des dictateurs! » mais l'attaque de Louvet ne porta coup qu'à son parti. Le 19 mai, Cambon avait rendu compte à la Convention de divers complots ourdis contre elle, et loué la conduite de Pache; lorsque ces mêmes projets vinrent à éclore il prit la défense de leurs auteurs. Dans la fameuse séance du 31 mai, il invita ses collègues au calme. Le 3 juillet, il réclama l'ajournement d'une pétition dans la quelle on demandait que vingt-sept députés fussent décrétés d'accusation, et déclara que la cause de l'insurrection qui se manifestait de nouveau venait sans doute de ce que l'on n'avait pas fait droit à la demande des sections. Après cette catastrophe, chaque jour augmentait les embarras et aussi la sévérité du gouverne. ment révolutionnaire. Sur l'avis de Cambon, la Convention rejeta la proposition d'exempter les indigents de contributions. Le 11 juillet, après avoir présenté dans un rapport la situation de l'état et les opérations du comité de salut public, il termina en indiquant des relations flagrantes entre les puissances étrangères et les conspirateurs de l'intérieur. Il fit décréter que les chevaux de luxe seraient requis pour les ca

valiers nationaux. Avec ces mesures, toutes de circonstance et de rigueur, contrastait la proposition qu'il fit, au nom du comité de salut public, pour la prompte rédaction d'un projet de Code civil uniforme. Cette proposition fut accueillie, et l'on décréta que cinq membres présenteraient le projet (Voy. CAMBACERES, ci-dessus). Il fut ensuite décrété, toujours d'après les demandes ou l'avis de Cambon, que le vérificateur en chef serait chargé de la poursuite des fabricateurs de faux assignats. Le 1er août, il fit fermer les barrières et décréter l'arrestation des gens suspects; il dénonça les jours suivants le département des Bouchesdu-Rhône qui avait arrêté les commissaires députés par l'Hérault pour l'engager à ne point rejeter la constitution; il justifia les arrestations des commissaires des assemblées primaires, obtint le rapport du décret exceptionnel stipulant que les troupes de la Corse recevraient leur paie en argent, et fit adopter en principe la démolition des forts et châteaux de l'intérieur en même temps on accordait à sa demande une indemnité aux habitants de Cholet, incendiés par les Vendéens. Ainsi Cambon réalisait pour sa part le mot fameux, guerre aux chateaux, paix aux chaumières ! L'an 1er de la république allait finir; il en consacra les trente-six derniers jours à une suite de mesures financières plus ou moins fructueuses pour le trésor: il rechercha dans un rapport les moyens de consolider la dette publique et de diminuer la circulation des assignats; et il fit supprimer la caisse d'escompte, la compagnie d'assurances à vie et toutes les associations dont le capital reposait sur des effets négociables, fit comprendre les four

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nisseurs dans l'emprunt forcé, fit décréter que les titres constatant des créauces non viagères sur l'état ne pourraient être négociés, vendus, cédés ou transportés, et que tout fonctionnaire qui ralentirait la vente des biens des émigrés serait passible de dix ans de fers; il proposa aussi des mesures contre l'agiotage. Président de la Convention au commencement de l'an II, après avoir emporté sans peine la loi pour l'arrestation des réquisitionnaires réfractaires, il fit retirer le délai accordé aux créanciers de l'état en retard pour le dépôt de leurs titres, et sus pendre le paiement de la pension de 36,000 liv. accordée à Luckner (qui peu de jours après périt sur l'échafaud), ainsi que celui de toutes les pensions au-dessus de 3,000 liv. et enfin des 300,000 liv. réclamées par la famille de Lowendal. Il fit statuer que les communes dresse raient l'inventaire des dépouilles du culte et que toutes les aliénations de domaines nationaux seraient révoquées ; il demanda l'ajournement du projet accordant des secours aux prêtres qui abjureraient leur état. Deux jours après pourtant, il fit décréter en faveur des citoyens dont la fortune n'excédait point 10,000 liv. une exception à la loi sur les donations et les testaments; et, un peu plus tard, le résultat de son rapport sur la démonétisation de l'or et de l'argent, fut de faire casser tous les arrêtés qui prescrivaient l'échange de ces matières. Suivirent encore nombre de décrets rendus sur ses rapports, et relatifs, les uns aux contrats dont les titres originaires avaient été annulés, d'autres à la suppression des pensions accordées aux ecclésiastiques âgés de moins de vingt-quatre ans, un autre à Ja comptabilité de l'em

pour une

prunt forcé, un autre enfin exception à l'égalité dans le partage des successions en faveur des sansculottes. Tandis que tous ces décrets se succédaient, que Cambon faisait en core prononcer l'arrestation du général Manuel, et la mise en liberté du banquier Perregaux. Il fit ensuite rentrer et détruisit les assignats démonétisés, attesta la falsification d'un décret de finances attribuée à Fabre d'Eglantine, provoqua la confiscation des marchandises envoyées à Lyon et à toute ville en état de rebellion. Il fit rendre encore des décrets pour l'indemnité due aux parents des défenseurs de la patrie; sur le paiement des rentes et pensions, sur les rentes viagères, sur les arrérages des pensionnaires de l'état. A cette occasion, i annonça que la trésorerie était en mesure de payer à dix mille per

sonnes par jour, et un peu plus tard il donna l'aperçu des comptes rendus par cette administration, dont il fit un éloge pompeux, ajoutant que bientôt on allait faire rendre compte à tous ceux qui avaient manié des deniers publics, niers publics, « sans en excepter, « disait-il, les bonnets rouges et les « longues moustaches qui ont levé « des taxes révolutionnaires, et « ceux qui se sont approprié les re-«liques du fanatisme. » C'est encore d'après les plans de Cambon que la Convention supprima la caisse des domaines et les payeurs de rentes de l'Hotel-de-Ville; qu'elle rendit un décret en faveur des Bernois porteurs de créances sur Lyon, réduisit les appointements des employés à la trésorerie, établit la comptabilité des commissions administratives, fit lever les scellés mis sur le diamant le Pitt, régla le droit d'enregistrement et, enfin, sur l'annonce que le grand-livre de la dette publique était

terminé, fixa le mode de délivrance des extraits d'inscription. Cambon fit ensuite connaître par quelles me sures on comptait empêcher la circulation des faux assignats. Daus la mémorable séance du 8 thermidor, Robespierre l'inculpa comme ayant creusé par ses mesures l'abîme financier ouvert sous les pas de la France: Cambon en se justifiant, lui et le comité de finances, accusa Maximilien d'avoir, en cette partie du moins, paralysé la volonté de la Convention et la sienne. Après ce grand évènement, on le vit encore régir les finances. Mais la chute de Robespierre devait amener une réaction plus complète que ne le voulaient les montagnards vainqueurs au 9 thermidor, et la puissance de Cambon ne devait y survivre que peu de temps. Il fut chargé de rendre compte des fonds considérables trouvés à la municipalité de Paris et fit décréter d'arrestation le banquier Haller; il provoqua un décret sur les sommes dues à des habitants des villes anséatiques, opina pour ouvrir un nouveau crédit aux commissions exécutives et vit son avis sanctionné par la majorité; il dénonça les gaspillages exercés dans la distribution des quarante sous accordés aux citoyens qui votaient dans les sections. Mais déjà la réaction commençait, Cambon avait à répondre à des inculpations directes (1). Il imputait aux nobles et aux agioteurs les dénonciations qui se multipliaient contre lui, et faisait déclarer calomnieuses les accusations de Lecointe contre les mem

(1) Plusieurs pamphlets furent publiés contre lui Méhée de La Touche, qui signait alors Felhemesi, fit imprimer dans l'Ami des citoyens, n° 6, et aussi separément, un Coup d'ail d'un aveugle sur l'administration du contrôleur général Cambon. Il l'accuse de présomp tion, d'ineptie; il parle des désordres de sa tete. Il y a tout confondu ( à la trésorerie natio

bres des anciens comités. Accusé par Tallien pour avoir proposé d'augmenter les traitements en raison de la valeur du blé, il récrimina en lui reprochant d'avoir trempé dans les égorgements de septembre. Il proclama que la cause de la rareté, de la cherté des denrées c'était l'émission de six milliards d'assignats. Ces luttes personnelles ne l'empêchaient pas de faire décréter différents projets de finance, entre autres celui qui portait qu'aucun culte ne serait à la charge de l'état. Le 12 vendémiaire an III, il annonça que vingt-neuf chariots, chargés d'or et d'argent, venaient de la Belgique; c'était bien peu, selon lui, après tant de déprédations, de dépenses et de malheurs; et, dans son regret à la vue de l'ordre de choses nouveau, il ne tarda point à blamer implicitement ces fréquentes émissions de papier-monnaie dans lesquelles il avait du moins cherché à mettre de l'ordre, et dont la nécessité ne provenait pas de lui. Au reste l'abus des assignats à cette époque était loin encore de ce qu'il fut plus tard, puisque la planche, qui fut brisée sous le Directoire, avait frappé, valeur nominale, quarante-cinq milliards de cette monnaie chaque jour plus trompeuse. Cependant on rendait malgré Cambon les biens aux parents des condamnés; malgré Cambon on levait le séquestre apposé sur les propriétés étrangères.

nale), il en a interverti l'ordre, brouillé chaque partie, desorganisé l'ensemble, vicié la comptabilité; le local mème n'a pu resister à sa manie de bouleverser.... Son intarissable loquacité, ses assourdissantes vocifératious; la brutalite de ses discours, la diffusion, le défaut de me. thode et l'obscurité de ses rapports, etc.» Un autre pamphlet avait pour titre: Terray-Cambon traité comme il le mérite on le fait complice de Robespierre; on le compare à Couthon qui avait sans cesse à la bouche les mots de vertu, de justice et de probité. Robespierre était dictateur; Cambon faussi était dictateur en finan

ces, etc.

Dans le même temps un décret constitua Duhem prisonnier, et c'est en vain que Cambon s'écria qu'il irait avec tous ses collègues à l'abbaye, si on ne le rapportait. Un instant, des amis communs ménagèrent un rapprochement entre Tallien et lui. Cette velléité de réconciliation fut signalée par l'aveu que fit Cambon de la multiplicité de mensonges dont étaient tissues les pièces envoyées du Luxembourg contre Tallien: il en prit occasion pour se plaindre des calomnies répandues contre lui-même. Mais au fond c'était un rêve que cette réunion entre les transfuges du jacobinisme et les jacobins fidèles à leur parti: Cambon était une des notabilités de ces derniers. Il démentit avec force la dénonciation portée par Louvet, tant contre Lindet que contre Lehodey, et il réclama encore pour les prévenus de l'ancien comité de salut public la plus grande latitude dans la défense. Ainsi Cambon accusa Ysabeau et Tallien d'avoir arbitrairement arrêté à Bordeaux quatre-vingt-six acteurs du grand théâtre, et incarcéré deux mille spectateurs comme suspects d'aristocratie. L'insurrection du 1er avril 1795 éclata: Cambon était un de ses promoteurs; Tallien demanda son arrestation; il ne l'obtint pas sur-le-champ, et Cambon en eût été quitte pour donner sa démission du comité des finances, s'il l'eût voulu: mais il s'y refusa et préféra en être exclu par un décret qu'il provoqua lui-même. Le lendemain, Tallien reprit ses invectives, et représenta Cambon comme ayant été en conspiration permanente contre la Convention depuis le 9 thermidor. Cette fois, on le décréta d'arrestation; il parvint à se soustraire aux recherches et fit quelques dispositions pour prendre sa revanche.

Mais déjà Rovère avait éventé ses desseins et l'avait dénoncé à la Convention comme se préparant à marcher à la tête des rassemblements, pour la réalisation des complots faisant suite au 1er avril. Il en résulta que la tentative du 20 mai ne fut comme la première qu'une échauffourée, et que Cambon proclamé maire de Paris par un rassemblement formé à l'Hotel-de-Ville, n'eut d’autre ressource que de se cacher dans le faubourg St-Antoine. Déjà, d'après les faits annoncés par Rovère, il lui avait été enjoint de se constituer prisonnier, sous peine de déportation. Après le 20 mai, on demanda sa mise hors la loi. Enfin l'amnistie du 4 brumaire lui permit de reparaître. Mais toute son importance politique était à jamais éclipsée. Prudeminent confiné à Montpellier, il se contenta d'y être officier municipal et commissaire du directoire. Toujours désolé des dilapidations sans fin auxquelles presque tous les hommes en haute position se livraient sans pudeur (1799), il demanda par une pétition aux conseils que tous les fonctionnaires publics depuis la révolution rendissent compte de leur fortune. On regarda la pétition comme une plaisanterie et le pétitionnaire comme un homme de l'autre siècle : on se hâta de passer à l'ordre du jour. Il paraît pourtant qu'au temps où le consulat fit place à l'empire, Bonaparte eut quelque envie d'employer Cambon, et que Cambon, alors à Paris, résista sérieusement à des ouvertures qui lui furent faites. Il revint encore dans cette capitale l'année suivante (1805), et peutêtre avec des vues un peu différentes de celles qu'il avait fastueusement émises. Il rendit visite à son compatriote et ancien collègue Cambacérès,

alors duc, prince, archi-chancelier; il en reçut un accueil assez favorable, mais sans voir s'ouvrir pour lui la carrière des emplois. Il passa les années suivantes, jusqu'en 1815, au sein de sa famille, dans une terre aux environs de Montpellier. Le retour de l'île d'Elbe le fit sortir de celte retraite. Bonaparte avait prononcé le mot de liberté. Nommé député par le département de l'Hérault, Cambon se rendit à Paris; et, après le dénouement si prompt de Waterloo, il ne désespéra point encore du salut de la patrie. Le 22 juin, lorsque la discussion s'engagea sur la nomination d'une commission de gouvernement, il opina pour que nul choix ne pût tomber sur un membre de la chambre ou du sénat. Le 24, il se plaignit de ce que le projet d'arrêté sur les réquisitions de guerre n'était contre-signé par aucun ministre; puis, lorsqu'on eut écarté cette difficulté préalable, il deman. da une seconde lecture du projet, afin que la discussion eût lieu sans délai. Le 25, il insista pour qu'on lût d'un bout à l'autre les adresses des fédérés parisiens. Le 26, il fit scinder le travail de la loi des finances alors soumise à la chambre, et décider que, vu l'urgence et pour établir le plus vite possible par des moyens extraordinaires le pair entre les dépenses et les recettes de l'exercice 1815, l'assemblée s'occuperait dans ses bureaux des titres V, VI et X du budget. Le même jour il fut nommé membre et rapporteur de la commission chargée du projet tendant à pourvoir sans délai au paiement des fournitures et de l'arriéré de la solde des troupes; il fit son rapport séance tenante, et le projet fut, sur ses conclusions, adop. té par la chambre. Le 27, il demanda

en vain que cinq membres allassent prendre connaissance de l'état du trésor pour en rendre compte à l'assemblée. Le 30, il fit des réclamations pour que l'on exprimât, daas l'adresse au peuple français, que jamais on ne voudrait des Bourbons; pour que les gardes nationales fussent appelées à combattre sur les hauteurs de Paris avec la ligne ; pour qu'il y eût sans cesse cinq commissaires de la chambre à chaque armée. Sa dernière demande le 5 juillet, lors de la discussion de l'acte constitutionnel, eut trait à l'art. 3 et à la liberté des cultes: il voulait qu'il fût dit catégoriquement de quels privilèges jouiraient certaines professions religieuses. Le retour de Louis XVIII coupa court à tous ces efforts pour une cause perdue; et Cambon, compris dans la disposition de la loi d'amnistie relalive aux régicides relaps, quitta sa patrie pour la Belgique. C'est là qu'il mourut dans un village près de Bruxelles, le 15 février 1820. Un très-grand nombre de ses rapports. sur toutes les parties des finances ont été imprimés: nous n'en donnerons point ici l'effroyable liste; il eu est un qui a 130 pages in-8°. Voici les titres de quelques-uns de ses écrits sur les matières politiques : I. Rapport et projet de décret sur la conduite des généraux français dans les pays occupés par les armées de la république (13 déc. 1792). II. Rapport et projet de décret sur la conduite à tenir et les pouvoirs à donner aux généraux français chargés de l'expédition de la Hollande (2 mars 1793). III. Rapport sur l'état de la république à l'époque de la création du comité de salut public (11 juillet 1793). IV. Opinion sur l'organisation des comi

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