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ques idées ingénieuses pour régulariser et contrôler les dépenses, et qui enfin s'est acquis an titre immortel par le rapport à la suite duquel fut décrété le grand livre de la dette publique. A peine rendu à l'assemblée législative (1791), Cambon y fut chargé d'un rapport sur une demande de fonds et sur l'état des caisses de l'extraordinaire et de la trésorerie. Les connaissances dont il fit parade à cette occasion, l'enthousiasme qu'il témoigna pour la cause de la révolution en rejetant sur la lenteur de la fabrication des assignats les lenteurs qu'éprouvaient les dépenses publiques, les détails qu'il donna sur l'insurrection arrivée à Montpellier à l'occasion du culte, et plus encore son vole pour faire payer une partie de l'arriéré par les anciens receveurs, altirèrent assez vite sur lui les regards de l'assemblée, où n'existaient pas de capacités financières. Il usa de cette influence pour faire décréter que la nouvelle émission de trois cents millions d'assignats ne s'opérerait que successive ment, à mesure des besoins, et pour empêcher que la caisse de l'extraordinaire, Sous quelque prétexte que ce fût, ne dérobat l'examen de ses comptes au contrôle de la représentation nationale. C'est dans le même but que quelque temps après il fit décréter que les ministres présenteraient l'aperçu de leurs dépenses pour 1792; puis, que tout secrétaire d'état en déposant le porte-feuille serait tenu de rendre compte au corps législatif. Cambon avait proposé de convoquer la haute-cour rationale par suite des troubles élevés à Caen; à propos du curé réfractaire Buel, il s'était plaint des avantages qu'il prétendait être accordés aux prêtres réfractaires sur le clergé constitutionel;

puis, revenant aux mesures financières, il présenta un projet sur la fabrication du papier nécessaire à une émission d'assignats, et se prononça pour que l'émission fût bornée à cent millions: ce qui fut décrété le 5 janvier 1792. Quelques jours auparavant, il s'était exprimé avec véhémence contre l'élévation de Luckner et de Rochambeau à la dignité de maréchal de France. Il se contenta de faire quelques observations sur le décret relatif aux propriétaires d'offices. Il fut ensuite chargé du rapport sur les créances particulières aux états de Languedoc et de Provence et, quelque temps après, il provoqua un décret en faveur de leurs créanciers. Le 28 janvier, la dénonciation de Ducos sur une pièce établissant un paiement fait à la trésorerie au colonel général des Suisses et Grisons (c'était le comte d'Artois, alors émigré) lui suggéra des observations très-acerbes; et, le 2 février, il vota des représentations au roi contre le ministre de la marine Bertrand-Molleville. Il fit mander aussi le ministre CahierGerville ponr rendre compte des troubles religieux. Bazire ayant demandé que tous les biens des émigrés fussent déclarés propriétés nationales, il le seconda de tout son pouvoir, et leurs efforts réunis emportèrent le décret gros d'une nouvelle et copieuse émission d'assignats. Cambon lut ensuite un rapport pour le renouvellement par quinzaine des commissaires de la trésorerie; il proposa et fit adopter un projet sur les saisies réelles, défendit les sociétés populaires attaquées par les partisans de la cour, développa des vues sur les contributions foncière et mobilière de 1791 et 92, provoqua un travail sur les secours à donner

aux pauvres, et fit proroger le paie ment des intérêts dus pour les emprunts des pays d'états. Rappelé, à l'occasion de l'assassinat du maire d'Etampes, à son antipathie contre les royalistes, il déblatéra contre l'attitude du pouvoir exécutif, avant, pendant et après ce mouvement, et l'accusa de faiblesse ou de connivence; il déclara que le ministre Bertrand-Molleville à qui Louis XVI conservait sa confiance avait perdu celle de la nation. Son opinion sur les troubles des colonies ne fut pas moins hostile. Cependant les finances ne tardèrent pas à captiver derechef toute son attention. Il se prononça formellement contre la caisse de Potin-Vauvineux, dans les billets de laquelle il voyait une concurrence fatale pour les valeurs nationales; et fit accorder des avances aux maisons de secours de Paris. L'optimisme financier de Cambon à cette époque était à toute épreuve. On lui demandait s'il y avait des fonds en caisse pour la défense des frontières : il répondait que oui. On le chargeait d'un tableau général de la dette: il établissait que la valeur des biens nationaux couvrait la masse des assignats en circulation et la dette exigible; il démontrait que les finances avaient éprouvé de l'amélioration; il regardait le remboursement de la dette non seulement comme possible, mais comme prochain, et appuyait ses assertions d'un état général comparatif de celle-ci d'une part, des ressources nationales de l'autre ; enfin il fermait la bouche aux amis de la paix en répétant qu'il y avait plus d'argent avait plus d'argent qu'il n'en fallait pour faire la guerre. Ces belles paroles n'empêchèrent pas que, peu de temps après, il ne proposât ou n'appuyat toutes les réductions imaginables. Il adopta la mesure

de la suppression du remboursement,
mais en demandant qu'on fît tomber
cette suppression uniquement sur les
gros créanciers. Il soutint très-for-
tement la suppression du traitement
accordé jadis aux frères de Louis
XVI, qui, dit-il, avaient, par le fait
de leur émigration, perdu leur titre
de princes français, et n'avaient au-
cun droit à recevoir un salaire de la
nation qu'ils voulaient combattre.
Le 14 juin, après avoir fait décréter
une émission de trente millions d'as-
signats, il obtint que les appointe-

ments des ministres seraient réduits
à la somme vraiment républicaine
de trente mille francs. En juillet, il
demanda l'examen des comptes des
ministres, et voulut que l'état des ar
mées, présenté par Aubert-Dubayet,
fùt signé par le ministre de la guerre.
Il s'éleva contre la conduite de Rode-
rer, procureur-syndic du départe-
ment de Paris. Pétion ayant été
suspendu de ses fonctions, il fit arrê
ter que le pouvoir exécutif statuerait
au plus tôt sur cette affaire, et au-
nonça que des mandats d'arrêt al-
laient être décernés contre trente
membres de la représentation nationa
le. C'est entre cette dénonciation
hostile à la cour et la demande que
le général Montesquiou s'expliquàt
sur son refus de renforcer l'armée
du Rhin, que tombe le vote de Cam-
bon en faveur des secours à don-
ner aux Cent-Suisses de la garde du
roi. A la fin de juillet il obtint des
mesures contre les administrations
négligentes, signala le mauvais état
des frontières, proposa de conver-
tir les statues des Tyrans en ca-
nons pour la défense de la patrie.
Cependant le 10 août approchait.
Dès le 4, une section de Paris vint
présenter à l'assemblée législative
une adresse dans laquelle elle décla-

rait qu'elle ne reconnaissait plus le roi. Soit hypocrisie, soit ignorance de ce qui se préparait pour ainsi dire hautement, Cambon resta long-temps à la tribune pour prouver syllogistiquement quelle impolitique il y aurait à recevoir une pareille adresse, et il demanda que la commission des douze rédigeât une proclamation du corps législatif au peuple, afin de l'éclairer sur les vrais principes, et sur les intrigues qui le poussaient à sa ruine. De même, lorsque, cédant aux menaces des sections armées qui allaient envahir les Tuileries et briser la royauté, Louis XVI se réfugia dans l'assemblée, Cambon prit toutes les précautions que commandait l'humanité pour préserver des insultes populaires la vie du roi et de sa famille. Est-ce pour demander en quelque sorte pardon de cette pitié si juste pour le malheur et de l'hommage que quelques jours plus tôt il avait rendu à la nécessité de l'ordre, qu'il fit priver de leurs traitements les ecclésiastiques qui ne prêteraient point serment de fidélité à la nation, et les religieux des deux sexes qui refuseraient de se marier? Ces actes furent le prélude d'un grand nombre d'autres qui contribuerent plus encore à montrer que Cambon partageait ou feignait de partager la déplorable effervescence des esprits. Toutefois il ne fut ni le complice ni l'apologiste des affreuses journées de septembre. Le 15 août, il vint annoncer que les pièces par lui saisies aux Tuileries prouvaient les intelligences de Louis XVI avec l'armée prussienne, avec le parti contrerévolutionnaire; et, sur ses assertions, un décret ordonna qu'il serait fait à l'assemblée un rapport sur touLes ces pièces. Cambon provoqua ensaite le décret concernant la vente

des diamants et bijoux de la couronne; il fut chargé de vérifier l'état des caisses d'Amelot et Lecoulteux - Lanoraye; il proposa la Guiane comme lieu de déportation pour les ecclésiastiques insermentés; et fit décréter d'accusation les ex-ministres Lajard, De Grave, Narbonne; enfin il présenta de très-vives. observations contre un compte, rendu. par Clavière, de l'emploi de deux millions en secours. Au milieu de toutes les passions haineuses, Cambon se montra moins âpre que d'autres en proposant de passer à l'ordre du jour sur la proposition d'interdire les communications entre les membres de la famille royale; et plus ami d'un gouvernement régulier en réclamant, bien vainement il est vrai, contre l'arbitraire et l'illégalité de la commune de Paris, en faisant mander à la barre le commissaire Delaunay et les autorités municipales de Paris. Ainsi finirent ses travaux à l'assemblée législative. Il la présida le jour où elle devait se dissoudre, puis prit rang dans la Convention où l'envoyait sa réélection par le département de l'Hérault. Le 23 septembre, il présenta un rapport sur les finances; déclara qu'il fallait de nouvelles ressources, vu que presque tous les produits des contributions étaient retenus. dans les départements pour faire face à des dépenses urgentes, et il ne balança pas à proposer de nouvelles émissions d'assignats, puisque l'émigration augmentait continuellement la masse des gages offerts aux créanciers de l'état. Sentant que ce gage devenait illusoire si les biens des émigrés ne se vendaient pas, il fit rendre un décret ordonnant d'en accélérer la vente. Il réussit moins lorsqu'il se remit à dénoncer les excès et

les usurpations de la commune, et à signaler des placards incendiaires sigués Marat comme subversifs de tout ordre et funestes à la cause publique. Ayant ensuite rapporté des traits de corruption relatifs à quelques députés de l'assemblée législative, il fit admettre que l'on conserverait les pièces comptables même après liquidation, et il fut enjoint aux ministres de rendre compte de leurs dépenses secrètes. Il fit ensuite supprimer les assignats à l'effigie du roi, décréter que tout dépositaire de biens ou effets appartenant à des émigrés serait tenu de les remettre à la nation, sous peine de mort, et adopter un impôt extraordinaire sur les riches; la création de petits assignats suivit de près. Un autre moyen de finances que la victoire seule pouvait encore mettre à exécution, ce fut celui d'assimiler aux biens nationaux et d'affecter en conséquence au paiement de la dette, les biens des princes, des nobles et des prêtres dans les pays ennemis. Les exactions dont chaque jour voyait s'augmenter le scandale, dans l'administration des vivres, eurent aussi en lui un antagoniste formidable. Fournisseurs, commissaires, généraux, ministres, il attaqua tout ce qu'il regardait comme dilapidateur des deniers publics avec la fougue méridionale de son caractère. Ainsi, tandis qu'il faisait accueillir les traites tirées par l'ordonnateur de St-Domingue sur la trésorerie, destiner des fonds à l'achat de blés chez l'étranger, et remplacer le déficit des contributions par un versement d'assignats il dénonçait, à chaque instant des déprédations et en sollicitait la répression; il faisait interdire aux administrations la faculté de diriger des fonds publics, demandait que l'on

arrêtât Vincent et Benjamin-Jacob, remplaçait Dufresne - Saint-Léon, accusait de marchés frauduleux Maréchal, Malus, d'Espagnac et Servan, obtenait des commissaires pour vérifier le service et la comptabilité de Dumouriez, qui non seulement ne restait plus maître de passer des marchés à son gré, mais voyait annuler tous ceux qu'il venait de signer. Cambon décidait encore la Convention à étendre ses mesures de précautions aux autres armées, combattait le projet de subroger le ministre de l'intérieur aux marchés passés en Italie par la commune de Marseille, et appuyait de toutes ses forces le projet, enfin admis (15 décembre 1792), de charger un comité de tous les achats. On évitait ainsi d'avoir à traiter avec une multitude de fournisseurs isolés, chacun traitant à des prix différents et tous visant à des gains dont la somme devenait effrayante. Dumouriez qualifia ces mesures d'absurdes et impossibles, et par ses lettres au ministre Pache refusa d'obéir. Il s'ensuivit à la Convention des sorties très-vives contre Dumouriez. Cambon réfuta les impérieuses objections du général, et fut également applaudi des Girondins et de la montagne. Il s'en fallait pourtant qu'il eût péremptoirement répondu à l'objection principale de Dumouriez, la difficulté d'intéresser le peuple belge au système des assignats, si les fournitures, en traitant sur les lieux, ne donnaient occasion à des transactions avec des fournisseurs belges. Aux yeux de Cambon il n'était nullement besoin d'user d'adresse et de subterfuge pour introduire en Belgique la nouvelle monnaie de la république française'; il fallait la faire accepter d'autorité. Les Belges devaient avoir de

la révolution les charges en même temps que les bénéfices, les assignats en même temps que la liberté. Au milieu de cette lutte à mort contre les coucussionnaires, Cambon avait trouvé le temps de faire ordonner par une commission l'examen des papiers trouvés dans l'armoire de fer aux Tuileries, et de conseiller l'ostracisme contre tout citoyen qui deviendrait suspect à la république. Deux autres décrets, l'un qui centralisait la recette des douanes, l'autre qui réunissait la caisse de l'extraordinaire à la trésorerie, furent encore votés sous l'influence et à la demande de Cambon. Dans le procès de Louis XVI, il vota la mort sans appel, sans sursis, et quelques jours après il requit la comparution du démissionnaire Kersaint à la barre de l'assemblée, pour qu'il eût à faire connaître les auteurs des massacres de septembre qui siégeaient, avait-il dit, dans la Convention. Les 3 et 4 février, à la suite d'un rapport sur la situation générale des finances, il demanda la création de quatre-vingt millions d'assignats. Il est vrai qu'il venait de provoquer la réunion du comté de Nice, que déjà il comptait sur celle de la Belgique, et que, non sans quelque raison, il en attendait de grands produits. Quoique démagogue exalté, Cambon s'éleva contre l'organisation du tribunal révolutionnaire, qu'il dépeignit comme despotique et dangereuse, et il réclama l'intervention des jurés; puis, comme pour faire amende honorable aux plus exaltés des montagnards en imitant leur exagération, il demanda que toute espèce de correspondance fût interdite avec les puissances qui faisaient la guerre à la république. Cependant le décret du 25 décembre

avait porté ses fruits: Dumouriez gêné de plus en plus par les limites apposées a son pouvoir et aux gaspillages de ses fournisseurs, attribua les dispositions peu favorables des Belges aux mesures que Cambon avait fait prendre relativement aux pays conquis, et quelques jours après, lors de sa défection, il accusa nominativement le financier de la Convention. Ce dernier n'eut point de peine à se disculper, et à démontrer que depuis long-temps Dumouriez méditait le plan qu'il venait de réaliser. Deux jours auparavant, il avait eu à s'expliquer sur une interpellation de Danton relative à 300,000 francs dont le compte n'était pas rendu et il avait déclaré, sans autres détails, que l'emploi de cette somme avait été nécessaire pour l'exécution du décret concernant la Belgique. Préoccupé de tous les dangers de ce moment de crise, il fit encore autoriser les commissaires en Corse à s'assurer de la personne de Paoli. La récompense de tant d'énergie et d'activité fut sa nomination au comité de salut public. Cambon était à l'apogée de son crédit et de sa gloire : il en usa pour faire donner le porte-feuille de la marine à Dalbarède en remplacement de Monge. Il requit ensuite la recherche des auteurs de l'incendie du port de Lorient, tonna contre l'incursion faite sur le territoire français par des bandits échappés des prisons d'Espagne joints à des émigrés, et communiqua les mesures arrêtées contre les rebelles à Thouars et à Poitiers. C'est ainsi qu'en février il avait dénoncé l'administration du Var comme disposant des fonds publics pour armer un bataillon contre Paris. Il adopta très-chaudement, mais en vain, la proposition d'astreindre tous les dé

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