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UNIVERSELLE.

SUPPLÉMENT.

CAMBACÉRES (JEAN-JACQUES-RÉGIS de), né à Montpellier le 18 octobre 1757, peut être regardé comme le type de ces hommes d'état qui prenant pour base de leur conduite politique le contre-pied de ce fameux adage:

Et mihi res, non me rebus, submittere conor,

admettent tous les faits accomplis, et soumettent au pouvoir dominant leurs opinions et leurs actes. On les voit d'ailleurs s'imposer la tâche d'introduire dans la conduite des affaires autant d'ordre et de justice qu'il en faut pour consolider le pouvoir existant et leur position acquise. Tel fut durant notre première révolution le rôle dont Cambacérès ne s'est jamais départi. Nul homme n'a été plus fidèle à cette direction qui consiste à louvoyer, à changer souvent de route, en tendant toujours au même but : nul ne s'en est mieux trouvé dans les intérêts de son ambition et de sa fortune; car le conseiller de la cour des aides, le jurisconsulte de l'Hérault, après avoir été, sous le titre de consul, le modérateur en second de la république française, s'est vu, sous l'empire de Napo

C

léon, surchargé de titres, de dignités et de hautes attributions. Assez longue en sera la liste: duc de Parme, prince, altesse sérénissime, archi-chancelier de l'empire; officier civil de la maison impériale, membre du conseil privé, membre et président du sénat, puis du conseil d'état, président de la haute-cour impériale, titulaire d'une sénatorerie, membre de l'Institut (académie française), grand-aigle de la Légiond'Honneur, grand-commandeur de la Couronne-de-fer, puis de l'ordre royal de Westphalie, grand'croix de l'ordre de Saint-Etienne de Hongrie, chevalier de l'Aigle-Noir de Prusse, etc. En un mot il était devenu, selon l'expression d'un biographe, l'un des plus grands seigneurs de l'Europe. Toutefois, parmi les parvenus de la révolution, Cambacérès est un de ceux dont l'origine fut le moins obscure. Sa famille, d'une noblesse ancienne, avait produit des magistrats et des ecclésiastiques distingués. Son oncle, archi-diacre de Montpellier, avait été un célèbre orateur de la chaire (Voy. CAMBACERES, tom. VI). Son

père, conseiller à la cour des aides de Montpellier, était en même temps maire de cette ville (1). Le jeune Cambacérès qui, simple avocat, avait refusé de plaider devant les tribunaux du chancelier Maupeou, succéda à son père en la cour de Montpellier. Il se fit remarquer par son assiduité à ses devoirs; et, comme il était sans fortune, il reçut, sans l'avoir sollicitée, une pension de douze cents livres. L'archevêque de Narbonne (Dillon), président des états de Languedoc, et l'intendant de la province, chargés par le roi Louis XVI de lui indiquer les hommes de mérite du pays qui avaient besoin d'être encouragés, s'accordèrent, sans s'être concertés, à désigner chacun de son côté le jeune conseiller. Lorsque la révolution éclata en 1789, Cambacérès en adopta les principes si favorables aux ambitions; il rédigea les cahiers

(1) A l'époque où la république et le directoire furent près de leur chute, le père de Cambacérès était juge de paix du canton de Bedarrides (département de Vaucluse). Il avait obtenu, en 1780, quand il céda sa charge de conseiller à son fils, une pension de 2000 livres, qui fut réduite par l'assemblée constituante à 500 fr., et le paiement en fut suspendu dans l'an 3 (1795). Lorsqu'il fut nommé juge de paix le 3 août 1799, il adressa une pétition au ministre des finances Robert Lindet, pour réclamer le paiement de quatre années d'arrérages, et il se plaignait d'avoir été forcé à emprunter à gros intérêts pour vivre. Il était alors plus qu'oc togénaire. Malgré la bonne volonté du ministère et les démarches que Cambacérès fit pour son père, la révolution du 18 brumaire arriva, et le juge de paix de Bedarrides n'avait rien obtenu.Le 30 brumaire (21 novembre), il adressa une longue pétition (6 pages in-folio) au ministre des finances qui l'apostilla ainsi : «< Examiner ce qu'il demande de nouveau.» C'étaient toujours les arrérages de sa pension réduite, et aussi plusieurs années de frais de bureau, par lui avancés et arriérés. Cambacérès père ( c'est ainsi qu'il signait) parlait beaucoup de sa situa tion facheuse, de ses besoins urgents, et il invoquait l'humanité du ministre autant que sa justice. Le 3 janvier 1800, dans une nouvelle pétition de trois pages in-folio, il remercie le ministre d'avoir joint de nouvelles invitations aux ordres réitérés, sévères et précis qui ont été envoyés par son prédécesseur et d'autres ministres à l'adutinistration centrale de Vaucluse, pour qu'elle eùt à payer le traitement annuel et les frais de bureau arriérés; mais ces ordres

de la noblesse de la sénéchaussée de Montpellier, et fut nommé par elle son second député aux Etats-Généraux. Comme il fut décidé que la noblesse de cette localité n'aurait qu'un représentant, l'élection de Cambacérès fut annulée. Ses concitoyens le dédommagèrent en dédommagèrent en l'appelant à diverses fonctions administratives. Bientôt après ils le nommèrent président du tribunal criminel de l'Hérault; enfin, au mois de sept. 1792, député à la Convention nationale. Dans cette assemblée orageuse, où l'empire des circonstances commandait à tous ses membres l'exaltation du patriotisme sous les formes les plus prononcées, Cambacérès, plus habile qu'enthousiaste, se tint éloigné des luttes politiques autant qu'il le put sans se rendre suspect, resta caché en quelque sorte dans les comités, et glissa adroitement entre

ont été méprisés par le secrétaire - greffier Pons, despote, tyran et voleur, lequel s'entend avec le percepteur Granget, dit La Rose ; et celui-ci répond depuis un an: Je ne vous dois rien, je m'en moque; ce qui a forcé le réclamant « d'em« prunter à gros intérêts, à court jour, pour « vivre, dit-il, avec ma famille ou fournir aux << avances nécessaires de mon bureau. N'ayant « plus rien pour vivre, pour aider mon fils. « au service de la république depuis près de << huit années, officier dans le 8e régiment des «< chasseurs à cheval..., je me trouve chargé << de beaucoup de dettes, sans ressources, ayant « dépassé de plusieurs années l'âge de 80 ans, « infirme, etc. L'humanité sollicite une décision << prompte ; quelle qu'elle soit, je la recevrai « avec autant de soumission que de respect; << mais elle m'est nécessaire pour prendre de << nouveaux arrangements avec mes créanciers.>> Ce qui est singulier et remarquable, c'est qu'à l'époque où le malheureux vieillard exposait si humblement sa misère, et les pénibles tracasseries de sa vie avancée, son fils était second consul depuis le 13 décembre 1799, c'est-à-dire depuis vingt jours. Il nomme deux fois son fils dans ses pétitions. Il écrivait le 11 sept. 1799 à Robert Lindet : « Mon fils, votre collègue, m'a communiqué la lettre que vous avez eu la bonté de lui écrire, etc.; » et, le 3 janvier 1800, il mandait au ministre Gaudin : « Si mon fils ne fût venu à mon secours, etc. », Mais il paraît que ces secours étaient fort peu de chose, d'après le triste tableau que Cambacérès fait de ses emprunts à gros intérêts pour vivre, de ses dettes nombreuses et de son dénuement.

V-VE.

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les partis, saus éprouver le moindre « nous servir. Il y aurait de l'impru froissement. Toutefois le procès de Louis XVI fut l'écueil de sa circonspection. Il eut le malheur de se trouver en évidence dans cette circonstance, où sa conduite mêlée de bien et de mal, pour ne pas dire équivoque, devait plus tard devenir l'objet des plus facheuses interprétations. Il contesta d'abord à la Convention le droit de juger le monarque, et il le fit en ces termes: « Le peuple vous a créés législateurs, mais il ne vous a pas « créés juges. Il vous a chargés d'éta « blir sa félicité sur des bases immuables, mais il ne vous a pas chargés de << prononcer vous-mêmes la condam<< nation de l'auteur de ses infortuanes. » Nommé, le 12 nov. 1792, l'un des commissaires pour aller retirer du greffe criminel les pièces produites contre Louis XVI, et pour lui annoncer le décret qui lui accordait un conseil, Cambacérès demanda ouvertement que la plus grande latitude fût laissée à la défense et aux communications du roi avec ses conseils. Après s'être prononcé pour l'affirmative sur cette question: Louis est-il coupable? il vola sur la peine avec tant d'ambiguité, que l'opinion publique s'est obstinée à le considérer comme régicide, bien que dans le recensement des votes la Convention ait décidé le contraire. En effet elle ne compta que pour la détention perpétuelle le vote de Cambacérès et des trente-sept membres qui déclarèrent se réunir à son avis. Il se prononça ensuite avec la minorité pour le sursis à l'exécution; or, son précédent vote sur la peine impliquait même la pensée du sursis: «La mort de Louis ne nous «présenterait aucun de ces avanta«ges, avait-il dit; la prolongation « de son existence peut au contraire

dence à se dessaisir d'un olage qui « doit retenir les ennemis intérieurs « et extérieurs. D'après ces considé«rations, j'estime que la Convention « doit décréter que Louis a encouru a les peines établies contre les con<«<spirateurs par le code pénal; qu'elle doit suspendre l'exécution jusqu'à « la cessation des hostilités, etc. »> On voit par cette citation que Cambacérès, qui d'avance avait prévu l'issue du jugement, eut dès lors le mérite de jeler en avant cette idée du sursis, qui malheureusement n'emporta point la majorité. Il est vrai qu'après la proclamation du décret de condamnation sans sursis, le député de l'Hérault, en demandant à la Convention pour Louis XVI la liberté de voir sa famille et de se choisir un confesseur, avait, pour ne pas soulever une majorité féroce, cru devoir ajouter ce correctif en faveur de la chose jugée: << Sans toutefois que l'exécution puisse être retardée au-delà de « vingt-quatre heures. » Chargé de présider à l'enlèvement des restes de la royale victime, il rendit compte de sa mission avec un calme et une impassibilité faits pour détruire les impressions que les meneurs de la montagne avaient pa prendre contre lui; car déjà on l'accusait de modérantisme aussi fut-il élu secrétaire le 24 janvier 1793, trois jours après le supplice de Louis XVI. Trop souvent à cette époque il vota avec les factions tour-a-tour dominantes. Le 10 mars, il soutint que les pouvoirs législatif et exécutif ne devaient pas être séparés dans la situation des choses; ce vote donna au comité de salut public, qui fut bientôt formé, des armes dont il usa d'une manière terrible. Le 10 mars Cambacérès demanda la mise en liberté de l'anarchiste

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:

encore

Ducruy qui s'intitulait l'élève de Marat, et quelques jours après celle de Durand, maire de Montpellier, accusé par Jean-Bon Saint-André de fédéralisme, ce qui alors équivalait à une imputation de modérantisme. Le 26 mars, au nom du comité de salut public, Cambacérès dénonça la trahison de Dumouriez, donna connaissance des pièces qui la constataient, et annonça que le comité s'était assuré de ceux que leur naissance et leurs relations pouvaient faire soupçonner de participer aux complots de ce général (2). Il ne faut pas omettre que seize jours auparavant il s'était élevé chaudement contre les pétitionnaires de la section Poissonnière qui dénonçaient Dumouriez, et qu'il avait fait prononcer l'arrestation de l'orateur et du président de cette section. Mais ces contradictions étaient, pour sauver sa tête, des sacrifices nécessaires, et il n'en fut jamais avare. Dans la séance de nuit du 11 avril, il provoqua avec Danton le décret portant l'établissement à Paris d'un tribunal

(2) Dans ce rapport, qui forme un in-8° de 24 pages, Cambacérès, après avoir annoncé que les trames odieuses du général en chef et de ses complices tendaient à rétablir un trône sur les ruines de la république; qu'il avait eté pris des mesures pour s'assurer de la personne de Dumouriez; que Proly, Pereyra et Dubuisson avaient été mis en arrestation, Cambacérès ajoute: « Notre zèle ne s'est point ralenti, et les motifs que nous venons d'indiquer nous auraient portés à comprendre dans les mesures arrêtées les citoyens Philippe Egalité et Sillery, si notre respect pour la

représentation nationale n'eût enchaîné notre

liberté... Nous les avons appelés l'un et l'autre dans notre sein; le citoyen Egalité nous a ré pondu qu'il voyait avec plaisir les mesures qui ont été prises; qu'il demande lui-même que l'on adopte, à son égard, toutes celles que le comité aurait crues convenables, parce qu'il désire que sa conduite paraisse au plus grand jour, et que la vérité bien connue fasse taire enfin tous ses calomniateurs. Le citoyen Sillery s'est référé à la réponse du citoyen Egalité. Je termine, etc.; les traitres seront livrés à la sévérité des lois. Rallions-nous tous autour de l'arbre de la liberté; expirons, s'il le faut, sous son salutaire ombrage. » V-ve,

criminel extraordinaire pour juger les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Le 14 maril fit rejeter la proposition faite par Buzot d'ordonner que tout député présentât l'état et l'origine de sa fortune. Cambacérès, dans une discussion sur la Vendée, demanda que l'on fixât le sens du mot chef de brigands, et que l'on désignât les individus qui pourraient être considérés comme tels. A la journée du 31 mai comme à celle du 2 juin, qui furent marquées par le triomphe de la montagne ou du parti de Robespierre sur les girondins ou les modérés de la Convention, Cambacérès forcé dans ses limites de circonspection et de neutralité, proscrivit les vaincus avec la majorité. Il avait été chargé par les comités de gouvernement de revoir conjointement avec Merlin de Douai toutes les lois rendues depuis la révolution en matière de législation civile et de les réunir en un code. Cambacérès, à qui son collègue, occupé de missions plus actives, laissa la principale part dans ce travail, en présenta le résultat dans plusieurs séances des mois d'août et d'octobre (1793). Son rapport et les dispositions qu'il proposa se ressentaient beaucoup des idées révolutionnaires alors en vogue; et loutefois dans d'autres temps nul ne devait les combattre plus puissamment et avec plus de conviction que Cambacérès. Deux jours après les sanglants excès du 2 juin, on entendit ce froid jurisconsulte débiter une allocution des plus sentimentales

faire reconnaître des droits de pour successibilité aux enfants naturels. << Tout homme honnête, dit-il, tout «< homme délicat et sensible de« venu père, et ayant eu d'une fem« me libre un enfant naturel, n'at-il pas, dès-lors, contracté un en

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