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Le 15 décembre 1809, il reçut, en sa qualité d'officier de l'état civil de la famille impériale, le consentement mutuel de Napoléon et de Joséphine au divorce. Toute la famille de Napoléon était réunie dans la salle du trône aux Tuileries. Cette réunion solennelle se passa tout autrement que ne le porte le procès-verbal lu au sénat. Il y eut bien des pleurs : Joséphine se refusa d'abord à signer, et, lorsque enfin elle y consentit, elle eut besoin que l'archi-chancelier dirigeât sa main. Le sénat dut ensuite en séance extraordinaire prononcer le divorce sous les rapports civils. « Ce jour-là, est-il dit dans des mémoires du temps, le prince archi-chancelier jouit de toute la plénitude de sa gloire: car il se montra au-dessus des rois et des princes de la famille impériale qui siégeaient confondus parmi les simples sénateurs. » Il reçut d'abord le serment du prince Eugène, vice-roi d'Italie, qui entrait pour la première fois au sénat. Quelques jours après, Cambacérès se pourvut auprès de l'officialité diocésaine pour obtenir la dissolution du mariage religieux (Voy. BOISLÈVE, LVIII, 465). Le 10 février 1810, lorsqu'il fut question de choisir une nouvelle impératrice, Cambacérès se prononça de nouveau contre l'alliance autrichienne. Les cardinaux (Voy. l'art. qui suit) s'étant abstenus, par égard pour le pape, d'assister au mariage de l'empereur avec Marie-Louise, l'archi-chancelier combattit le désir que manifestait Napoléon de les mettre en prison, et obtint qu'ils seraient simplement exilés. Cependant Napoléon marchait à grands pas vers sa chute. En 1812, après la défection de la Prusse, Cambacérès lui conseilla vainement de faire la paix. Ce fut alors que le titre de régente fut

conféré à Marie-Louise, pendant l'absence de son époux; en même temps Cambacérès fut nommé prési dent du conseil de régence. En 1813, à l'époque de l'audacieuse tentative de Malet (Voy. ce nom, t. XXVI), il montra plus de calme et de fermeté que certains autres grands fonctionnaires. Bientôt après, quand Napoléon éprouva de la part du corps législatif une résistance inattendue, Cambacérès se prononça contre les mesures violentes. « J'ai, dit-il, manifesté depuis long-temps mon opinion sur les corps constitués: je persiste à croire qu'on aurait de la peine à s'en passer. On eût dù s'y prendre différemment pour éviter une mésintelligence qui ne peut qu'amener de grands malheurs. >> Cependant les étrangers cernaient la capitale. Le conseil de régence eut à discuter s'il convenait que l'impératrice et le roi de Rome s'éloignassent. Cambacérès exprima d'abord un avis contraire ; mais, Joseph Bonaparte ayant montré une lettre qui ordonnait à l'impératrice et au gouvernement central de se retirer au-delà de la Loire, il dut renoncer à son opinion. Après l'abdication de Napoléon, quand l'impératrice eut été remise entre les mains des commissaires autrichiens, Cambacérès envoya les 7 et 9 avril son adhésion aux actes du sénat qui rappelait les Bourbons. Il revint ensuite à Paris où il vécut trés-retiré. Mais s'il avait eu de grands torts envers les Bourbons, il se les était sans doute fait pardonner par de grands et secrets services. Il eut, en 1814, d'intimes et mystérieuses liaisons avec de puissants personnages fort avant dans la confiance de Louis

XVIII. On peut affirmer que, dans ces relations, les avances n'étaient nullement du côté de l'ex-archi-chance

lier. On eut, dit-on, un instant la pensée de l'appeler au ministère; on lui offrit ensuite la première présidence de la cour de cassation: il refusa, regardant ce titre comme trop au-dessous de ses précédentes fonctions. Mais on croit qu'il aurait accepté un ministère. Dans des Memoires où quelques vérités piquantes se trouvent mêlées à trop de détails romanesques, on a inséré un mémoire en forme de lettre adressé au roi, en 1814, par Cambacérès, pour dévoiler à ce prince que le plan de Bonaparte avait toujours été de se défaire de tous les Bourbons; et il rapportait à ce sujet une conversation qu'il avait eue avec l'empereur peu de jours après son sacre. Mais nous ne croyons pas à cet excès de bassesse (Voy. FOUCHE, au Suppl.). Cambacérès était alors en butte à ce déluge de libelles et de caricatures qui dans les premiers mois de la restauration déversèrent le ridicule et l'injure sur tous les hommes du gouvernement impérial; il eut le bon esprit de ne pas paraître faire attention à ces attaques. D'ailleurs il semblait s'accommoder volontiers de cette première restauration qui le laissait jouir en paix de sa fortune et de tous ceax de ses titres qui ne se rattachaient point à des fonctions politiques. Il avait conservé son entourage de vieux gourmands sybarites, et d'Aigrefeuille régnait encore dans la salle à manger de Monseigneur (9). Ajoutons à la louange de Cambacérès que presque tous ses amis lui restèrent fidèles, parce que luimême au temps de sa grandeur ne

(9) Le marquis d'Aigrefeuille, ancien procureur-général a la cour des aides et de la chambre des comptes de Montpellier, s'est fait un nom par ses goûts gastronomiques. Grimod de la Reynière lui a dédié la première année de son Almanach des gourmands. A.

les avait point négligés. I vit avec chagrin le retour de l'île d'Elbe; il n'en augurait rien de bon. Il eut même la franchise de le dire à Napoléon, lorsque celui-ci, à peine arrivé aux Tuileries, s'empressa de le faire appeler. Cambacérès ne vint que sur un ordre réitéré, et fit quelques efforts pour être dispensé de se lancer de nouveau dans les affaires. Cependant il reprit le titre d'archichancelier et accepta par intérim le porte-feuille de la justice; mais les fonctions ministérielles furent exercées par le conseiller d'état Boulay de la Meurthe, sous le titre de directeur de la correspondance et de la comptabilité. Cambacérès ne s'installa pas même à l'hôtel du ministère; il ne fit que prêter sa signalure: c'était beaucoup, si l'on en juge par le caractère violent de la première lettre ministérielle adressée sous son nom à tous les tribunaux de l'empire. Le 26 mars il présenta au nom du ministère une adresse à Na

poléon, où l'on remarque l'expression des principes libéraux qui devaient présider au nouveau gouvernement. Il est à noter que le même jour il envoya au congrès de Vienne sa renonciation au titre de duc de Parme. En qualité d'archi-chancelier, il fit le recensement général des votes sur l'acte additionnel aux constitutions de l'empire; puis il en proclama le résultat dans la pompeuse cérémonie du champ-de-mai (10). Enfin il présida la chambre des pairs avec aulant de sagesse que de gravité, sachant éluder à propos les discus

(10) On parodia le discours d'apparat que prononça à cette occasion Cambacérés. On le faisait parler sur l'air Que Pantin serait content, et terminer ainsi sa harangue :

Ceux qui seront mécontents
Ne seront pas à la noce ;
Ceux qui seront mécontents
Auront des désagréments,

sions incendiaires (V. LABEDOYÈRE, au Suppl.). Après la journée de Waterloo, quelques pairs impériaux, parmi lesquels était un ami intime de Cambacérés (Voy.FABRE de l'Aude, au Suppl.), entrèrent en pourparlers avec le baron de La Rochefoucauld, pour faciliter le rappel de Louis XVIII. Si, par position, Cambacérès ne put se prêter à ces ouvertures, il en était informé et ne les désapprouvait pas. Le second retour des Bourbons le fit rentrer dans la retraite. Sa conduite modérée dans les cent jours pouvait lui faire espérer que son repos serait respecté il avait rompu toute relation politique et renoncé à toute représentation extérieure. Il en fut autrement. Par une application inique de la loi d'amnistie, il fut banni comme régicide. Vainement il réclama: Louis XVIII n'osa, malgré ses dispositions secrè1es, s'opposer à cette fausse application de la loi. Cambacérès, hors de France, partagea sa résidence entre Bruxelles et Amsterdam, se conduisant avec beaucoup de circonspection, évitant même toute relation avec ses compagnons d'exil, ce qui a pu l'exposer au reproche d'égoïsme et de dureté. Cette conduite ne lui fut pas inutile: une décision royale du 23 mai 1818 le rappela en France et le rétablit, avec le titre de duc, dans tous ses droits civils et politiques. De retour à Paris il vécut dans la retraite, mais non dans l'abandon; il avait conservé des amis. Il prit part aux élections de 1820, et vota ouvertement pour les candidats ministériels. On lui a même prêté à cette occasion des paroles assez peu dignes de sa réserve ordinaire : « Je << viens joindre mon vote à celui des « fidèles amis de la monarchie.»> Déclaration au moins inutile, Quant

au vole ministériel, on doit dire que cette adhésion au gouvernement de 1820 n'a rien de surprenant de la part de celui qui avait adhéré à tant de régimes divers, et qui, après avoir vécu au milieu des agitations, ne demandait qu'à finir paisiblement sa carrière. Quelque temps auparavant les tribunaux avaient retenti d'une contestation entre les créanciers de la succession du feu duc d'Orléans et le duc Cambacérès, au sujet de cinquante actions sur les canaux que celui-ci avait obtenues à titre gratuit au temps de sa puissance, et dont il avait été dépossédé par l'ordonnance de 1816, qui prononçait son bannissement. Dans sa plaidoirie, M. Tripier, avocat des créanciers, annonçait qu'il écarterait du procès tous les souvenirs douloureux, relatifs aux évènements politiques, et qu'il en ferait le sacrifice, malgré l'utilité dont une partie de ces évènements pourrait être pour sa cause. « Nous ne devons pas d'ailleurs, dit-il, oublier que M. le a duc Cambacérès, ayant occupé pen<< dant beaucoup d'années la seconde

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place de l'état, a rendu de grands services, au moins particuliers, <«<qu'on ne saurait méconnaître. » Cambacérès gagna son procès. Il mourut d'apoplexie le 8 mars 1824. A peine eut-il fermé les yeux que des commissaires du gouvernement se présentèrent pour mettre la main sur ses papiers et recueillir ceux qu'ils jugeraient être la propriété de l'état. Cette prétention donna lieu à une contestation judiciaire dans laquelle le gouvernement triompha, malgré les efforts de M. Dupin l'aîné, qui a publié sur cette affaire un mémoire fort remarquable. Il est demeuré évident alors des que personnages très-élevés ne mirent en avant l'inté

rêt public et les droits de l'état que pour détruire la trace de certaines relations mystérieuses qu'ils avaient enes avec l'ancien membre du comité de salut public. Les obsèques de Cambacérès eurent lieu à Saint-Thomas d'Aquin le 12 mars, avec une pompe vraiment royale; les principaux personnages de l'état y assistèrent. Il laissait une fortune immense qu'il partagea entre deux neveux de son nom (11); sans compter une infinité de legs pieux et autres qui se montent à des sommes considérables (12). Il avait commencé des Mémoires dont les manuscrits auraient, dit-on, formé six volumes. On doit regretter que sa famille n'ait pas encore jugé à propos de publier ces souvenirs, qui, malgré la discrétion connue de leur auteur, renfermeraient sans doute plus d'une curieuse révélation. Les travaux de Cambacérès sur le Code civil sont imprimés sous ce titre : I. Projet du Code civil présenté au conseil des cinq-cents, et Discours préliminai-, re, (1796), in-8° et in-12. II. Rapport sur le Code civil, fait an nom du comité de législation, le 23 fructidor an II (9 sept. 1794), in-8° de 57 pag. III. Résultat des opinions sur l'institution des jurés en

(11) Ils sont fils du baron de Cambacérès, maréchal-de-camp, mort le 5 septembre 1826.

(12) L'aîné des neveux de Cambacérès a ea 250,000 fr. de rente sans compter un hôtel et

un mobilier évalués 800,000 francs; le second a eu 150,000 fr. de rente. Le capital des legs

se monte à plus d'un million. Parmi les léga

taires se trouvait M. le premier président Séguier pour 1000 fr. de rente. Cambacerès, qui avait fonde plusieurs lits à l'hospice de Marie-Thérèse, a laissé 250 fr. de rente a chaque paroisse de Paris, et à chaque succur sale 160 fr. de rente. La cathédrale de Montpel. lier, sa ville natale, a eu aussi un legs de 3,000

francs de rente. Son testament commençait par

ces mots: Au nom de la sainte Trinité; il declare vouloir mourir dans la communion de l'église

catholique, au sein de laquelle il est né; il y

demande pardon des fautes innombrables qu'il a commises, sans toutefois en specifier aucune.

matière civile, 1794, in-8°. IV. Rapport et projet de décret sur les enfants naturels, 1794, in-8°. Ersch dans la France littéraire lui attribue : Constitution de la république française, avec les lois y relatives, et suivies de tables chronologiques et alphabétiques, 1798, 5 vol. in-12 (avec Oudot, conventionnel). Il existe une Vie de Cambacérès, ex-archi-chancelier, par M. A. A*** (Aubriet), Paris, 1824, un vol. in-18, avec portrait.

D-R-R.

CAMBACÉRÈS (ETIENNEHUBERT de), frère du précédent, cardinal, archevêque de Rouen, né à Montpellier le 11 septembre 1756, était pourvu d'un canonicat dans cette ville, et du titre de vicaire-général d'Alais, lorsque la révolution éclata. Il ne prit aucune part aux dissensions publiques, et parvint à les traverser sans péril. L'élévation de son frère au second consulat, et bientôt après le concordat, furent pour l'abbé de Cambacérès une occasion de monter aux plus hauts degrés de la hiérarchie ecclésiastique. Nommé archevêque de Rouen, en 1802, il fut sacré par le cardinal légat Caprara, le 11 avril; puis, l'année suivante, décoré de la pourpre romaine, et nommé grandcordon de la Légion-d'Honneur. Enfin en 1805 il fut appelé au sénat. Tant d'honneurs n'altérèrent point sa modestie; il continua de vivre en bon prêtre, et administra son diocèse avec autant de zèle que de sagesse. Dans un mandement publié en 1806, il exprimait avec effusion sa reconnaissance et son amour pour l'heureux chef à qui lui et les siens devaient tant; mais il ne s'en conduisit pas moins en digne cardinal, lorsque Napoléon commença contre Pie VII une persécution aussi impolitique qu'elle

était injuste. Il refusa d'assister au
mariage de Marie-Louise. Il se con-
formait d'ailleurs exactement à l'obli-
gation de résider dans son diocèse,
ce qui semble indiquer qu'il était peu
courtisan. La restauration de 1814,
à laquelle il adhéra sans hésiter, lui
ôta son titre de sénateur. Pendant
les cent jours il fut nommé pair;
mais il s'abstint de siéger, et de pa-
raître au champ-de-mai. Il mourut
à Rouen le 25 octobre 1821. On lui
a reproché la somptuosité de sa ta-
ble; mais nous croyons charitable
ment que les anecdotes qu'on a fait
courir à ce sujet ne sont pas plus
authentiques que la plupart de
celles dont son frère aîné était l'ob-
jet.
D—r—B.

des moins recherchés de ces hochets de la vanité, et, peut-être aussi, celui du Faucon-Blanc. Ses vers insérés dans les Annales belgiques imprimées à Gand (1), et tirés à part, tantôt in-4°, tantôt in-8°, quelquefois avec des figures, ont été recueillis sous le titre de Miscellanea, Gand, 1828, in 8° de 251 pages. On y distingue les poèmes suivants qui du moins ont un intérêt historique: I. In cædem Egmondi. Le tombeau de cet homme célèbre ayant été découvert à Sotteghem, une société, présidée par le prince d'Orange, avait chargé le sculpteur Calloigne d'exécuter sa statue dont le modèle fut exposé au salon de Gand, en 1820, et gravé au trait par C. Normand, dans les Annales de ce salon, page 16, planche 5 (Voy. EGMONT, tom. XII). Depuis que cet article est écrit, l'auteur a consigné dans son Histoire de la Toison d'Or des particularités curieuses et inédites sur le procès des comtes d'Egmont et de Hornes, et il est parvenu à constater le lieu de naissance du premier. Les écrivains. le faisaient naître tantôt à Bruxelles, tantôt en Gueldre; son interrogatoire manuscrit,qui se trouvait entre les mains d'un bibliographe instruit, M. Leclercqz de Mons, établit démonstrativement qu'il vit le jour dans un sien chateau appelé Lameth, c'est-à-dire la Hamayde, dans le Hainaut. Nous relèverons encore, à cette occasion, une méprise considérable dans laquelle est tombé

CAMBERLYN (J.-B.-G.) naquit à Gand, vers 1760, et y mourut le 15 avril 1833. Il fit d'assez bounes études à l'université de Louvain, quoiqu'il ne figure pas dans la liste de Bax (accusé à tort d'omission propos de Beyts). Il était déjà d'un âge mûr lorsqu'il s'exerça pour la première fois dans la poésie latine, Le désir d'obtenir quelques-unes de ces décorations dont les princes sont rarement avares envers ceux qui les flattent, lui servit de muse. Après avoir obtenu, en 1815, le ruban de la Légion-d'Honneur du roi Louis XVIII, retiré à Gand, et auquel il avait offert une espèce de manifeste légitimiste en dactyles et spondées, il fut alléché par ce succès, et s'adressa tour à tour au roi et à la reine des Pays-Bas, au prince et à la princesse d'Orange, au roi de Prusse, au roi d'Angleterre, au pape Léon XII, aux princes de Saxe-Weimar, au prince de Hohenlohe et aux débris livraisons, celles d'octobre, novembre et décem

de l'ordre de Malte, mais de toute cette dépense d'hexamètres il ne recueillit que l'ordre du Phénix, un

(1) Ce recueil fut commencé sous la direction d'un réfugié portugais, le comite Candido d'Almeida, qui n'en publia que les trois premières

bre 1817. Les Annales passèrent ensuite en d'autres mains, et parureut de 18.8 à 1824 chez Houdin; elles forment 14 volumes complets, sauf le dernier dont la sixième livraison n'a pas vu le jour.

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