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l'aborda comme un prince souverain avec déférence, se donnant pour ambassadeur de Colomb et chargé de lui remettre un présent d'un prix inestimable. Caonabo témoin de la valeur d'Ojeda, enchanté de ses manières aisées et de sa force physique, lui fit un accueil chevaleresque. L'Es pagnol devenu favori du cacique mit tout en œuvre pour l'engager à le suivre, il alla même jusqu'à lui offrir la cloche de la chapelle d'Isabelle, qui, selon les Indiens, avait une origine céleste et un langage merveilleux auquel les blancs obéissaient. Caonabo consentit enfin à venir traiter avec les Européens; mais, toujours défiant, il se fit accompagner par de nombreux guerriers dont la présence aurait pu devenir dangereuse pour la petite colonie. Ojeda eut recours alors à un stratagème qui caractérise son audace aventureuse. Arrêté un jour sur les bords de la rivière d'Yegua, il montre à son nouvel ami des menottes d'acier extrêmement brillantes, et lui en fait cadeau comme d'ornements royaux que son souverain met dans les grandes solennités. Le caraïbe séduit par le vif éclat de cette parure souffrit qu'on l'en décorât, et consentit avec plaisir à monter en croupe sur le même cheval qu'Ojeda où il fut attaché avec des chaînes d'un poli éclatant; il était fier de paraître devant ses sujets avec les ornements d'un roi d'Espagne, sur un de ces animaux terribles. Après avoir passé plusieurs fois devant la petite armée, qui pénétrée d'admiration reculait à l'approche des coursiers fougueux, Ojeda fit quelques détours, puis s'éloignant derrière de grands arbres, il s'élança tout-à-coup dans la forêt, suivi de ses neuf cavaliers qui se pressèrent sur ses traces l'épée à la main pour intimider Caonabo qu'ils

finirent par garotter. Cinquante lieues furent parcourues à travers les montagnes et les forêts, évitant les villages ou les traversant au galop, et Ojeda entra triomphant à Isabelle ayant toujours en croupe le chef caraïbe. La fierté de Caonabo résista à son mauvais destin: il traita Colomb avec hauteur et dédain, et brava les Espagnols en se glorifiant du meurtre de leurs compatriotes. Quant à Ojeda, il ne lui montra aucune animosité, et parut même rempli d'admiration pour le stratageme dont il avait été victime. Malgré les tentatives de sa peuplade et de ses frères, l'Indien resta captif dans la maison de l'amiral. Le 10 mars 1496, il partit sur la flotte de ce dernier pour l'Espagne, avec la promesse d'être ramené dans son île et rétabli dans sa puissance ; mais il ne se laissa pas séduire par un vain espoir, et soutint toujours le même caractère. Arrivé à l'île de MarieGalante, il y inspira une violente passion à une amazone caraïbe, prisonnière des Espagnols, qui pénétrée d'admiration pour son courage et pour ses grands malheurs, préféra l'amour et l'esclavage à la liberté qu'on lui offrait. Le 11 juin, les navires arrivèrent à Cadix, mais Caonabo était mort dans la traversée. Ainsi périt sur le tillac d'une caravelle, pleuré par une seule femme, ce guerrier sauvage doué de qualités héroïques, qui, après avoir connu toutes les vicissitudes de la fortune, devint victime de la domination espagnole dont il avait seul prévu les funestes effets. B—v―E.

CAPEL-LOFFT, savant et poète anglais, naquit à Londres le 14 novembre 1751; et, après avoir étudié dix ans à Eton, un an à Cambridge, se mit sur les bancs de Lin

coln's Inn, avec le projet de continuer la carrière judiciaire que son père suivait avec honneur; ce qui ne l'empêchait pas de consacrer la plus grande partie de ses loisirs à des études différentes, le français, l'hébreu, l'ancien saxon. Il se lélassait aussi des lois de Wood et des commentaires de Blackstone par la poésie, faisait des odes, et essayait des tragédies. En 1775, deux ans après avoir perdu son père, le jeune Capel-Lofft, fut porté sur la liste des membres du barreau. Il y acquit de la considération plus comme légiste que comme orateur. Il maniait pourtant la parole avec facilité, et souvent il occupait la tribune à Westminster Forum ou à d'autres clubs. Champion décidé de la cause de l'indépendance, il se donna beaucoup de peines pour empêcher la guerre lors du soulèvement des anciennes colonies d'Amérique. Il courut quelques risques lors de l'émeute de 1780 en essayant pour sa part de calmer ou de prévenir le tumulte. Sur ces entrefaites, la mort d'un de ses oncles, en lui don nant l'expectative d'un accroissement de fortune, ai fit prendre la résolution de résider à Troston (comté de Suffolk). C'est dans ce manoir héréditaire la dès-lors il que passa meilleure partie de sa vie, partageant son temps entre ses études favorites et les fonctions de juge de paix qu'aiment tant à remplir les propriétaires d'Angleterre, et de temps à autre prenaut part aux discussions politiques. Il fut ainsi amené à proposer daus des assemblées de comté deux adresses anti-ministérielles, l'une qui sollicitait l'éloignement des conseillers qui avaient suggéré au roi l'idée de la guerre contre les Américains, l'autre qui

plaidait la cause de la réforme. Ces deux pétitions furent envoyées aux chambres. Peu de temps après, l'opinion sage et généreuse qu'il manifesta pour l'abolition de l'esclavage des nègres le fit recevoir membre de la société qui se formait à Philadelphie, dans le but d'accélérer l'instant de cette mesure si vivement réclamée. Il se déclara aussi contre la tyrannie avec laquelle on exigeait le serment du test, et contre les exagérations de Burke dans ses lettres sur la révolution de France. Ses principes dép'urent à l'autorité supérieure ; et il ne faut point chercher ailleurs la cause de la sévérité avec laquelle, en 1800, un ordre d'en haut biffa son nom de la liste des juges de paix. Une jeune femme sous le poids d'une senteuce de mort lui avait, par les circonstances extraordinaires de son crime et par sa conduite depuis qu'elle avait été jaridiquement convaincue, inspiré asset de pitié pour qu'il crût pouvoir, afin de demander et d'obtenir sa grâce, surseoir à l'exécution. Le résultat de cet effort inutile fut une injonction péremptoire de procéder au supplice, que la jeune condamnée subit avec un courage exemplaire; el, aux suivantes assises d'été (1800), la radiation dont nous avons parlé lui fut signifiée. Rendu dès-lors a la vie privée, Capel se remit à plaider; et le public par ses applaudissements sembla vouloir l'indemniser de ce qu'il perdait, et protester contre la décision brutale qui venait de le frapper. Il eut aussi plus de temps pour ses travaux littéraires ; et c'est à celta époque qu'il enrichit d'un plus grand nombre de morceaux plusieurs Revues et Magazines. L'établissement de l'income tax vint lui imposer un travail nouveau : nommé commis

saire du commerce pour surveiller l'exécution de cette mesure financière, il s'occupa principalement d'asseoir et de répartir l'impôt de manière à le rendre le moins onéreux, le moins injuste possible. En 1814, il fut nommé commissaire rapporteur du bourg d'Aldborough. Les facilités qu'il espérait trouver sur le continent, pour l'éducation de ses filles, l'engagèrent, en 1816, à y passer avec elles. Il se rendit d'abord à Bruxelles, de là dans le voisinage de Nanci, puis, après un long séjour dans cette partie de la France, il se retira à Lausanne, et ensuite aux bains d'Allier près de Vevai. Dans l'automne de 1823, il vint séjourner à Turin, et il n'en repartit qu'au printemps suivant. Déjà le germe de sa mort était dans son sein. Il expira le 26 mai 1824, à MontCalier. Capel-Lofft fut souvent une véritable providence pour les littérateurs. Il en aidait beaucoup de ses conseils, de ses démarches, de son argent. Bloomfield surtout lui fut redevable de sa fortune littéraire (Voy. BLOOMFIELD, LVIII, 369); et la pro ptitude avec laquelle le critique de Troston sut apprecier les beautés originales du Garçon de ferme, qui avaient échappé à des aristarques de Londres, ne fait pas moins d'honneur à son goût que la chaleur avec laquelle il s'occupa des intérêts matériels du jeune poète ne décèle en lui d'obligeance et de bonté. Cette bienveillance pour des hommes que d'autres eussent pu regarder comme des rivaux, ne fut pas le seul mérite de Capel-Lofft. Véritable ami des lettres, il réalisait dans toute la force du ter ne le mot du peintre : Nulla dies sine linea. Son instruction était variée : les mathématiques, la jurisprudence, la poésie, la philologie,

la critique, la musique, avaient chacune à son tour occupé l'activité de son esprit, et il pouvait parler de tout avec facilité. De la le charme des articles qu'il donna dans diverses publications périodiques, entre autres le Miroir mensuel. Il versifiait avec élégance, et alors, sans peut-être qu'il fût véritablement poète, son langage se distinguait de la prose par une abondance d'images assez vi

ves,

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et par ce style précis et ferme qui semble en quelque sorte encadrer la pensée dans les vers. Ce genre de talent devait en effet le rendre sensible aux beautés du poème de Bloomfield. Il aimait particulièrement le sonnet ; et son enthous asme pour cette menue variété du genre poétique lui mettait souvent à la bouche le vers connu de Boileau. Byron, avec son amertume ordinaire, caractérise ainsi qu'il suit le protecteur de Bloomfield « Capel-Lofft, esq., le Mécène des cordonniers, le grand faiseur de préfaces pour tous les faiseurs de vers dans le malheur; c'est une sorte d'accoucheur gratuit pour tous ceux qui désirent se délivrer d'une quantité quelconque de poésies, mais qui ne savent comment les mettre au jour. » Outre ses poésies, Capel-Lofft a publié plusieurs brochures de circonstance, et des ouvrages de droit dont quelques-uns ne sont que des réimpressions. Nous n'indiquons que les principaux : I. La Davidéide, poème épique en vers blaucs, dont il n'écrivit que quelques chants. II. Eudosie, poème sur l'univers, 1780 (en vers blancs). III. Traduction de l'Athalie de Racine. IV. Traduction des livres 1 et 2 des Georgiques de Virgile, 1784. V. Laure, ou Anthologie de sonnets sur le modèle de Pétrarque, en anglais,

italien, espagnol, portugais, français et allemand, avec traductions, préface, critique, etc., notes biographiques, et index. Une grande partie des traductions appartient à Capel-Lofft. Beaucoup de ces morceaux étaient jusque-là inédits. VI. Principia cum juris universalis tum præcipue anglicani, 1779 2 vol. (collection de maximes jurisprudentielles qu'il essaie, suivant sa propre expression, de réunir en un système de principes généraux et municipaux). VII. Eléments de la loi universelle. C'est une traduction fort libre de l'ouvrage latin qui précède. VIII. La loi de l'évidence, par Gilbert, avec des additions considérables, 1792, 2 vol. in-8°. IX. Cas judiciaires, principalement au banc du roi (recueil de causes, motifs et décisions de 1772 à 1774). X. Trois brochures sur la question anglo-américaine: 1° Tableau des plans principaux à l'égard de l'Amérique; 2° Dialogue sur les principes de la constitution; 3° Observations sur l'adresse de M. Wesley. XI. Essai sur la loi des pamphlets (1785). XII. Trois lettres au peuple d'Angleterre sur la question de la régence (1789). Il y soutient que dans le cas où le monarque devenu inhabile au gouvernement n'aura point d'avance pourvu à celte vacance en désignant un régent, c'est au parlement à le nommer. XIII. Remarques sur les lettres de M. Burke touchant la révolution de France, 1790 et Observations sur l'appel de M. Burke, 1791. XIV. Le 1er et le 2o livre du Paradis perdu, avec des notes qui portent principalement sur le rhythme. Cette édition se distingue par une ponctuation nouvelle qu'avait imaginée l'annotateur. XV.

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Aphorismes tirés de Shakspeare, 1812, 1 vol. P-OT. GAPELLEN de Marck (RoBERT - GASPARD BURNE de), l'un des chefs du parti patriote, qui se prononcérent avec le plus d'énergie pour le maintien de l'ancienne constitution hollandaise, était né le 30 avril 1743 à Zutphen dans le duché de Gueldre. Elevé dans l'amour des lois, pour lesquelles ses ancêtres avaient sacrifié leur repos et leur fortune, il soupirait après l'époque où, devenu membre d'une assemblée délibérante, il pourrait demander le redressement des abus qui s'étaient introduits par la négligence des citoyens dans les diverses branches de l'administration. Il n'avait pas encore complété ses études, et déjà la politique l'occupait entièrement. Lui-même nous apprend (Mémoires, 12) qu'à l'université d'Utrecht, s'étant lié d'une étroite amitié avec son parent Capellen de Poll, toutes leurs conversations roulaient sur les intérêts de la Hollande et sur les moyens d'assurer son indépendance. A la sortie de l'école, il obtint une compagnie de dragons; mais en 1769 ayant voulu donner sa démission, il éprouva, dit-il, un traitement qui lui fit connaître que l'on doit peu compter sur les promesses des princes (Ibid., 20). Il n'en conserva cependant aucun ressentiment contre le prince d'Orange, qui, dans cette circonstance, avait été trompé, puisqu'il avoua plus tard qu'on avait commis une injustice à l'égard de Capellen. Membre, par sa naissance, de l'ordre équestre de Zutphen, il fut admis en 1771 aux états de Gueldre; et dèslors, ainsi qu'il en avait pris l'engagement, il ne laissa occasion sans réclamer la suppression des abus et des mesures propres

passer aucune

à soulager les paysans. En 1778 il mit au jour les mémoires d'Alexandre de Capellen, son trisaïeul; et il y joignit une préface dans laquelle il développe le plan de gouvernement qu'il jugeait le plus favorable à la Hollande. Dès qu'il fut évident que le prince d'Orange songeait à s'emparer du pouvoir absolu, Capellen n'hésita pas à se mettre la tête de l'opposition, sacrifiant ainsi tous les avantages auxquels il pouvait prétendre en servant les projets de la cour. Egalement ennemi du despotisme et de l'anarchie, il n'avait pas, comme on le lui a reproché, l'intention de faire abolir le stathoudérat; au contraire, il jugeait essentiel au bonheur de la Hollande d'affermir celte autorité tutélaire, en réglant mieux ses attributions. Plusieurs fois il écrivit au prince d'Orange pour lui donner des conseils dictés par le désir d'épargner au pays les malheurs qai le menaçaient; mais toutes ses lettres restèrent sans réponse. Voyant que ce prince continuait de favoriser le commerce des Anglais, malgré toutes les représentations qui lui avaient été faites à cet égard, il décida les états-généraux à conclure avec la France un traité d'alliance défensive qui fut signé en 1783. Loin d'apaiser les partis, l'approche des Français suffit pour les enflammer davantage Dans plusieurs provinces les orangistes et les patriotes en vinrent aux mains. Quelque temps les avantages se balancerent de part et d'autre; mais les Français s'étant retirés au moment même où le roi de Prusse faisait entrer en Hollande une armée de trente mille hommes, il ue resta d'autre ressource aux patriotes que de chercher un asile dans les pays étrangers (Voy. ORANGE (Guillaume ), au Supp.).

Capellen, cité devant la cour de Gueldre, fut déclaré coupable des crimes de rébellion et de lèse-majesté, et condamné, pour servir d'exemple et porter l'effroi, à perdre la vie sur un échafaud par le glaive de l'exécuteur de la justice. Cet arrêt fut rendu le 8 août 1788; mais, heureusement pour lui, Capellen était en France. Il crut devoir à lui-même et à sa famille de réclamer contre cette sentence dans des mémoires écrits en langue néerlandaise, et qui furent traduits en français, Paris, 1791, in-8° de 528 pages. Cette traduction est de Capellen ; mais le style en a été retouché par Jean-Etienne Chappuy de Genève. Les pièces justificatives imprimées à la fin des mémoires forment un recueil de documents précieux pour l'histoire des derniers temps de la république de Hollande. Capellen ne prit aucune part à la révolution de France, dont avec tous les vrais patriotes il dut déplorer les excès; il partagea les débris de son immense fortune avec ses compagnons d'exil, réfugiés en France, et mourut aux environs de Paris vers 1798. W-s.

CAPELLEN (TH.-FRANÇOIS VAN), vice-amiral, de la même fa mille que le précédent, né vers 1750, entra au service de la marine en 1772, et y obtint, en 1778, le grade de lieutenant de vaisseau. S'étant signalé en 1782, dans un combat quieut pour résultat la prise d'une frégate anglaise, il fut nommé capitaine. C'est en cette qualité qu'il fut employé en 1793, dans la guerre contre la France, et qu'il commanda plusieurs croisières sur les côtes de Hollande, pour les garantir des entreprises des Français. Il eut encore dans cette guerre plus d'une occasion de se distinguer par son courage, et par

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