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lant retenir Adonis partant pour la chasse. Rien de plus passionné, et en même temps de p'us noble que le maintien de Vénus. Le sentiment du regret ne pouvait se peindre avec plus de grâce, par un mol abandon, par la position de la tête doucemeut inclinée, par un regard languissant et à demi-élevé où brille l'espérance du retour. Adonis l'a souvent quittée, mais il est toujours revenu Dans l'Amouret Psyché couchés, Canova toucha, a-t-on dit, les confins de la vo'uplé, par l'expression difficile et tout-à-fait nouvelle d'un de ces mo

dire que l'artiste ait emprunté de quelque ancien marbre l'altitude de celte jeune déesse, descendant de l'Olympe avec une légèreté toute divine et prête à verser l'ambroisie qui désalière le maître des dieux, quoiqu'il soit singulier que cette idée ne se soit pas présentée à l'esprit des anciens. L'air qu'Hébé fend avec vitesse, tenant le corps penché en avant, repousse derrière elle, par un effet naturel, son léger vêtement, Sous lequel se dessine le nu; le bras qu'elle tient levé pour verser la liqueur, dep'oie avec tant de grâce les contours de la figure, que malgréments fugitifs qu'il n'est donné qu'au la décence qui règue dans les dispositions de la draperie, l'œil pénètre jusqu'au moindre détail des belles formes où respire toute la fraîcheur de la première jeunesse. Le changement le plus important qu'ait fait l'auteur dans la réplique de celle statue a été de sup. primer les vapeurs qui dans la précédente étaient sous les pieds. Hébé n'a de mission que quand le ciel est pur. Y at-il rien de plus délicieux que ces quatre vers de Pindemonte?

O Canova immortal, che indietro lassi L'italico scarpello, ed il greco arrivi : Sapea che i marmi tuoi son molli et vivi: Ma chi visto l'avea scolpire i passi? A l'occasion de celte statue, on se récria à Paris sur l'emploi que l'artiste avait fait de quelques dorures dans l'enjolivement de son Hébé, et sur ces petils vasos de métal doré que portent ses deux maius. M. Quatre ère justifia complètement Canova sur ce que l'on appelait un abus, en montrant l'universalité de cet usage chez les Grecs, usage dont il a développé plus tard les raisons dans son ouvrage du Jupiter olympien, où il réunit de nombreuses et imposantes autorités. Nous ne nous arrêterons pas au groupe de Vénus vou

génie de pouvoir saisir, au moment même de l'action. Canova aura vu folâtrer deux enfants, et il aura ainsi trouvé ce groupe enchanteur malgré quelques défauts sur lesquels nous reviendrons. L'artiste exécuta deux fois l'Amour et Psyché debout : le premier groupe fait en 1797 fut ensuite destiné a orner Compiegne, et le second exécuté en 1800 a été acheté par l'empereur de Russie. On remarque moins de variété dans ce dernier sujet qu'ont traité aussi les anciens, et dont ils nous ont laissé plusieurs groupes, notamment celui du Capitole. Il y a une grande différence entre celui-là et le groupe de Canova. Dans le marbre grec, l'artiste a exprimé l'instant du baiser amoureux; Tes bouches sont encore collées l'une sur l'autre : dans celui de Canova Psyché avec toute l'innocence d'une jolie enfant, ou avec la défiauce qu'on a d'un maladroit (cette supposition faisait beaucoup rue Canova), tient soulevée de sa main gauche la main gauche de l'amour sur laquelle eile pose, de la main droite, un papillon. L'Amour ayant le bras droit passé autour du corps de Psyché, avec une grâce

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inexprimable, appuie sa joue, rien que sa jone, sur une épaule de la jeune fille. Madame Lebrun, qui était à Rome quand le groupe obtenait tant de succès, écrivit à ce sujet une lettre charmante. On dit que cette dame va publier ses mémoires probablement elle y insérera cette lettre; n'en connaissant que la traduction italienne, je ne la rapporterai pas ici, craignant d'affaiblir la grâce française de l'original. Je ferai seulement observer, relativement à cette lettre, que madame Lebrun semble y douter quelque peu de l'innocence de la jeune fille, et pense qu'elle donne son cœur, tan is qu'elle ne fait qu'un jeu d'enfant. Ce jeu d'enfant est sans doute une pensée profonde pour les specta teurs, un sujet de méditation de la plus haute philosophie; mais encore une fois, pour Psyché, c'est un jeu tout au plus mêlé d'un peu de malice, s'il est vrai, comme Canova a permis de le répéter, qu'on peut supposer, dans la jeune fille, la crainte que l'étourdi ne laisse envoler le pipillon placé avec tant de précautions sur sa main. Pour le groupe de Psyché et l'Amourdebout, Canova acceptait les compliments. Quant à celui de Psyché et l'Amour couchés, il s'accusait franchement luimême, et il n'oubliait pas que M.Qua tremère lui avait écrit: «Ne vous rapprochez pas du goût de quel ques étrangers avec lesquels vous

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• êtes lié à Rome : souvenez-vous

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« d'Hamilton, évitez la prétention, « soyez toujours dans les idées simples et les grandes maximes d'un goût sévère; ne devenez pas un « Bernin antique. » Il n'était pas possible que Canova ne s'inspirât pas d'Homère; il le lisait dans la version que lui avait envoyée Cesarotti. Celui-ci répondait aux remercimens

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de Canova: « Votre lettre m'a fait plus de plaisir que si j'avais obte« nu des louanges d'une académie en«tière de savants; l'érudition sans « ame ne sert qu'à fomenter la méa diocrité et les règles pédantesques. « Il n'y a que les hommes inspirés « par la nature qui puissent juger « avec sagacité des imitations de « l'art. C'est à Phidias uni à Apelle, « par là j'entends Canova, qu'il ap

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partient de parler d'Homère : il « convient à celui qui a représenté

avec un talent sublime Pyrrhus « tuant Priam de montrer Achille «tuant Hector. Que je serais heu<«<reux si je pouvais me flatter d'en

tendre dire par mes contempo" rains que j'ai trad it l'Achille « d'Homère comme vous avez traduit «le Pyrrhus de Virgile! Quel bonheur et quelle consolation our moi, si je pouvais vivre plus voisin d'un génie de votre mérite, et « qui a tast de qualités!»-Nous n'avous pas parlé du monument él vé en l'honneur de l'amiral Emo. Les lois de la république de Venise défendaient d'ériger des statues aux patriciens, Canova imagina d'emprunter aux anciens l'usage et la forme du coppe (demi-colonne sans chapiteau); on n'ignore pas que ce fut autrelois un monument religieux et funéraire dont les superficies sont propres à recevoir des sujets de bas-reliefs proportionnes à leur étendue, soit en onements ou en symboles, soit en figures historiques ou allegoriques. Il donna donc à son cippe une hauteur de 12 pieds y compris

le socle et le couronnement, avec une largeur de neuf à dix pieds. La face antérieure présente le buste de l'amiral posé sur une colonne ros trale à sa gauche est figuré un génie tenant des deux mains une co

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ronne qu'il va poser sur la tête de l'amiral D'un autre côté, une Renommée écrit, sur le fût qui porte le buste, Angelo Emo. Ce monument de la reconnaissance vénitienne fut placé, par ordre du doge, dans l'arsenal On n'avait stipulé aucun prix pour cet ouvrage. Zulian ne disait pas assez toutes les précautions qu'il fallait prendre contre la générosité de Canova. Sous prétexte qu'il avait reçu des bienfaits de la république il ne voulut rien recevoir. Le sénat ne pouvait consentir à une telle libéralité le fils de Saint-Marc s'obstinait à refuser, la république céda à un de ses sujets, mais à condition qu'il accepterait une pension viagère de cent ducats. En outre, elle lui envoya une médaille d'or, de la valeur de cent sequins, sur laquelle étaient gravés ces mots : « A An« toine Canova,savant, admirable « dans les arts les plus élégants; en gratitude du monument ha a bilement élevé pour Angelo «Emo. Tant de travaux avaient fatigué Canova il tomba malade. Les médecins lui conseillèrent l'air de Crespano où sa mère l'attendait; après avoir donné les premiers moments à la tendresse maternelle, il revit Betta Biasi, toujours belle. La changeante Domenica Volpato ne méritait qu'un souvenir de générosité mais Betta Biasi était mariée et vivait he reuse. Son mari avait acquis de l'aisance. Canova les félicita de leur bonheur et s'en réjouit comme du sien propre. Qu'il y avait loin de ce qu'il eût été en épousant Betta Basi à ce qu'il était devenu en allant à Rome chercher la fortune et la gloire! Mais un homme comme Canova ne pouvait oublier l'humble pays où il avait pris naissance. Possagno voulait le revoir. Betta Biasi

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se mit à la tête d'un parti formidable. Il se forma en un instant un de ces complots dans lesquels toute une masse d'habitants de tout âge, de tout sexe, peut entrer sans que le secret cesse d'être gardé. Crespano appelé dans la confidence garda le silence le plus absolu. Canova se met en route, presque seul, les larmes dans les yeux, cherchant en quelque sorte les chemins détournés. A quel

que

distance du bourg, une foule de jeunes gens placés en embuscade fondent sur lui de toutes parts avec des cris de joie, d'admiration, et les Evviva italiens. Il s'arrête, il ne peut parler; on lui ordonne enfin, mais respectueusement, d'avancer. Par caractère, Canova éprouvait une sincère répugnance pour les honneurs et les acclamations. Quel n'est pas son trouble quand, à vingt pas plus loin, il aperçoit la route couverte d'immortelles, de branches de lauriers et de roses! A droite et à gauche du chemin triomphal, Possagno et les environs s'étaient rassemblés. Les femmes, les enfants ne pouvaient retenir leur émotion. Les cloches sonnaient dans tous les villages; le curé, les anciens du peuple marchaient au devant de lui: les boîtes, les mousquets, des hymnes chantés au son d'une musique villageoise le saluaient de toutes parts, et ce cortège le conduisit jusqu'à la mai son de Pasino destinée à le recevoir. On verra plus tard quelle impression cet accueil laissa dans l'esprit de Canova, et l'évènement merveilleux et grandiose qui dut en résulter. Sa santé commença à se rétablir, alors il pensa à Rome, à sa chère Rome, où son atelier était en deuil. De retour dans cette ville, il reprit ses compositions en bas-relief. Sur son bureau étaient amassées les let

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tres de ses amis M. Quatremère lui écrivait : « Ne travaillez pas tant, a écoutez les conseils de l'amitié, conservez votre santé à ceux qui « vous aiment, à la sculpture, aux beaux arts. Vous êtes arrivé dans le chemin de l'illustration, à tel point que vous n'avez plus à courir a ni à vous fatiguer.» Cette lettre, adressée par l'homme qui, en Europe, comprenait le mieux les arts, et qui avait droit de parler ainsi à Carová, nous a été conservée par M. Missirini qui a composé un ouvrage intitulé: Della vita di Antonio Canova, libri quattro, ouvrage que j'ai souvent consulté, et qui est écrit avec une fleur d'érudition, un accent d'amitié et d'intérêt, une abondance d'anecdotes inédites propres à en rendre la lecture aussi instructive qu'attachante. Dans son livre intitulé: Canova et ses ouvrages, M. Quatremère a inséré beaucoup de lettres de Canova M. Missirini, dans le sien, rapporté les lettres de M. Quatremère; on ne peut donc pas réunir, pour peindre l'artiste vénitien, plus de relations fidèles, plus de preuves authentiques. J'ai pris la liberté de joindre à cette riche moisson les faits particuliers que j'ai recueillis moi-même, dans des rapports assidus avec Canova pendant tant d'années, et c'est l'aide de tels secours que je continue la tâche qui m'a été confiée. En 1798, je venais d'arriver à Rome, et j'obtins dès les premiers jours l'amitié de Canova par des soins qui lui étaient agréables. Dans ses heures de loisir il apprenait la langue anglaise, se perfectionnait dans la langue italienne, parcourait les bons auteurs francais. Son frère du second lit, Jean-Baptiste Sartori-Canova, aujourd'hui évêque de Mindo, savant

,

helléniste, archéologue du premier rang, lui lisait Plutarque. A ce propos,

Canova disait que c'était Phocion qu'il trouvait l'homme le plus magnanime, le plus pénétrant, le plus sévère et le plus modeste. Je voyais souvent Canova; j'allais, au moins une fois par semaine, dans son atelier où l'on admirait depuis longtemps le plâtre de sa Madeleine et celui d'Hercule jetant Lycas à la mer. La statue de la Madeleine avait été commandée par monsignor Priuli. L'artiste prit son idée d'une femme ainsi assise, qu'il vit un jour dans une église de village. C'est en effet de cette manière que se tiennent les femmes, après avoir prié quelques heures à genoux. Comme il n'y a pas de bancs dans les temples, elles s'y placent dans cette attitude, relèvent quelquefois un de leurs vêtements sur leur tête, et restent immobiles pendant presque tout l'office. Pour une femme pénitente, Canova n'avait pas de prototype dans l'antiquité. La Madelei ne en bois de Donato ne pouvait pas servir de règle, quoique cette statue soit fort belle et savamment travaillée. La sainte y est tellement consumée par les jeunes et par l'abstinence, qu'elle semble plutôt une perfection d'étude anatomique. Monsignor Priuli ne fut pas assez heureux pour maintenir, le marché de sa statue : obligé par sou devoir et par sa piété de suivre Pie VI que le Directoire avait fait enlever, il accompagna son bienfaiteur dans l'exil; et le marbre resta à l'artiste qui le vendit à un commissaire français demeurant alors à Milan. Des mains de ce commissaire, il passa dans celles d'un artiste dont Canova m'a dit souvent le nomi, mais que je ne puis me rappeler. M. Missirini et M. Quatremère pa

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la

raissent l'avoir ignoré. Toutefois il est certain que cet artiste apporta le marbie à Paris, et qu'ensuite ayant fait de mauvaises affaires, il le cacha dans une cave pour le soustraire aux poursuites de ses créanciers. Le marbre enfoui ne se gâta pas. Après des circonstances plus heureuses, on le remit au jour, et enfin il arriva dans les mains de M. le comte de Sominariva dont le fils le possède aujourd'hui les étrangers ne manquent pas d'aller le voir dans l'hôtel de ce digne protecteur des beaux-arts. L'auteur fit une réplique de ce chefd'œuvre en 1809, pour le prince Eugène, et l'on voit ce marbre à Munich dans le palais de sa veuve, duchesse de Leuchtenberg. Une des plus grandes gloires que puisse ambitionner un artiste moderne, c'est d'avoir obtenu la récompense morale que l'on vient de décerner à Canova dans Paris même. Une grande église étant dédiée à la Madeleine; i fallait orner le fronton du temple; un des meilleurs artistes d France devant représenter la sainte n'a pas cru pouvoir mieux faire que de prendre le type inventé par Canova; désormais la Madeleine n'aura plus d'autres traits, une autre altitude, une antre douleur. Canova pendant sa vie a eu bien des détracteurs à Paris. mais jamais réparation fut-elle plus éclatante? L'imortalité de nos monuments vient consacrer celle de Canova. Je me souviens d'avoir dit un jour à notre célèbre et ingénieux sculpteur, M. Pierre-Jean David, que la statue de la Madeleine me paraissait la Statue-dogme du christianisme, c'est-à-dire de la religion de pardon et de clémence, et qu'1 me parut partager entièrement cette opinion. Depuis quelque temps Canova excitait encore au plus baut

degré l'intérêt public par l'exposition de son Hercule jetant Lycas à la mer. Ovide a peint l'action d'Hercule devenu furieux par l'effet du contact de la tunique trempée dans le sang de Nessus, et qui, après avoir saisi l'infortuné Lycas, le fit tourner plus d'une fois en l'a'r et le précipita dans les eaux de l'Eubée. Corr pit Alcides, et terque qualerque rotatum

Mittit in Euboicas tormento fortius undas.

Voilà une image qui ne peut appartenir qu'au langage de la poésie. Hercule enlève d'une main Lvcas par sa chevelure, de l'autre il le tient par un pied: le jeune homme se défend, en s'attachant d'une main au montant de l'autel sur lequel sacrifia t Hercule (M. Gaudefroy, poète français, qui était alors à Rome, a judicieusement appelé cet autel un tronc justifié): de l'autre main, le jeune homme, qui a perdu sa raison, se retient à la crinière de la peau de lion placée à terre et qui n'étant pas assujétie ne peut lui être d'aucun secours; tout le corps de Lycras est retourné d'une manière effrayante, mais vraie. Cette tête renversée qu'on aperçoit entre les jambes d'Hercule devient une étude almirable. Pouvais-je être un des derniers à complimenter Canova? Il m'était impossible de trouver un défaut dans ce groupe, qui présentait la colère dans l'héroïsme, qui frappait de terreur, de compassion, qui exprimait tant de sentiments divers mieux que ne le pourrait faire aucun langage.-La santé de Canova donnait de temps en temps des inquiétudes; madame Angela Sartori, sa mère, vint à Rome lui prodiguer des soins. C'était une femme d'un caractère doux et tranquille, pieuse et remerciant Dieu tous les jours de la grande illustration de son fils, le regardant

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