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au moins ils seraient réduits à racheter leurs jours par le salut et la délivrance des augustes victimes qu'ils tenaient encore vivantes entre leurs mains.

Au lieu de cela, les vainqueurs se sont arrêtés, divisés, anéantis eux-mêmes. L'auguste neveu de Marie-Antoinette n'a pu obtenir des alliés de marcher en commun vers le but où son cœur voulait les conduire. La séparation des armées royales a rendu décidément la victoire aux troupes républicaines. Il n'y a plus eu aucun obstacle à une mesure qui ne laissait aucun espoir, à cette levée en masse, qu'un enfant eût prévue, et qu'un homme eût empêchée, était-il dit dans un Mémoire adressé au comte de Mercy. La Vendée a été enfermée dans le cercle où elle devait se consumer. Lyon a causé autant de douleur qu'il avait donné d'espérance et inspiré d'admiration. La veuve de Louis XVI s'est vue livrée à une horde d'assassins aussi féroces et encore plus ignobles que ceux de son malheureux époux. La journée du 16 octobre 1793 a surpassé en horreur celle du 21 janvier. L'Allemagne a été plongée dans le deuil, et toute la terre s'est sentie émue de pitié, saisie d'étonnement et brûlante d'indignation.

C'est au milieu de tous ces tableaux que j'ai pris la plume sans en avoir formé le projet; ne songeant à autre chose qu'à fixer, pour moi et pour ma famille, les motifs de notre culte envers celle que nous appellions du nom de martyre. J'ai écrit sans liaison, sans ordre, suivant que le souvenir, l'en

tretien, l'hommage du jour me ramenaient à un trait de bienfaisance ou à un acte de courage, à une fête ou à une catastrophe, à un moment d'espoir ou à quelque nouvelle destruction. C'était tantôt ce que j'avais vu et entendu moi-même, tantôt ce que j'avais su par des témoins que j'en croyais autant que moi; quelquefois le résultat d'une lecture qui m'avait présenté un fait à recueillir, une méprise à corriger, hélas! ou une calomnie à confondre : car où trouver le caractère, si céleste qu'il soit, que la calomnie n'ose attaquer, même dans les temps ordinaires? Et au milieu du débordement. de toutes les passions criminelles, comment cellelà eût-elle conservé plus de freins qu'une autre?

Cependant ces récits, ces fragmens, car je n'ose dire ces mémoires, ne sont pas restés aussi strictement renfermés dans l'intérieur de ma famille, que je m'y étais attendu. D'abord des amis, puis des compagnons de malheur, enfin des personnes éminemment distinguées par tout ce qui, dans la société, donne droit aux respects et aux hommages, par le rang, la science, l'esprit, surtout par la vertu, ont désiré de connaître mes manuscrits.

Non seulement je me suis vu de toutes parts sollicité, pressé de publier ce que j'avais écrit; mais les mains les plus pures.... les plus augustes même, ont voulu, ont daigné déposer dans les miennes des pièces, désormais les plus précieuses de mon recueil. Ainsi j'ai possédé le récit le plus circonstancié qu'on ait encore connu de l'évasion

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de Louis XVI et de Marie-Antoinette en 1791, de: leur funeste arrestation à Varennes, en un mot de cet événement tout entier, depuis le jour où le projet en avait été conçu, jusqu'à la dernière minute de cette captivité qui en a été le triste résultat et je pourrais dire que ce récit a été écrit sous la dictée de la reine. Ainsi, sur cette même catastrophe qui a décidé du sort de l'empire français, il m'a été donné la Providence de recueillir une autre par pièce, sur laquelle je n'ai pas encore pu porter mes regards, depuis sept ans que je la possède, sans éprouver, comme au premier instant où je l'ai re-; çue, un saisissement de douleur, de respect et d'attendrissement. Ce ne sont que quelques pages;! mais ces pages m'ont été données, mais elles ont été écrites par celle de toutes les créatures humaines qui, dans l'univers entier, inspire aujourd'hui le, plus d'intérêt et commande le plus de vénération (1).

J'ai cru seulement qu'il fallait encore attendre. Je me suis dit que ce qui était encore un temps d'action et d'espérance, ne devait pas être consumé en regrets et en souvenirs. En profitant du délai pour rendre ces fragmens le moins imparfaits pos sible; en les classant, sinon avec la liaison qui n'est nécessaire qu'à un corps d'histoire, du moins avec cet ordre chronologique non moins indispensable. dans des récits détachés que dans une narration suivie, je me suis flatté de pouvoir clore tant d'é

() MADAME, duchesse d'Angoulême. ; ;.

poques douloureuses par une qui serait plus onsolante.

La Providence en a décidé autrement. L'instant qu'elle a marqué pour rendre au sang de Louis XVI un héritage de neuf siècles, ne peut plus être déterminé par les calculs de la sagesse humaine. Les efforts les plus généreux n'ont abouti qu'à conserver l'honneur et à immortaliser la vertu de ceux

qui les ont faits. Les vicissitudes de la guerre ont rendu stériles les plus brillans exploits. On a dit quelquefois que la prudence avait manqué au cou, rage, la justesse au génie, l'exactitude aux promesses, mais c'est surtout l'union qui a manqué aux alliances. Un jour fatal est venu où la victoire a encore été arrachée aux vainqueurs (1). Les pasteurs des peuples ont dû songer chacun au troupeau dont ils doivent répondre à la Providence. La guerre a fini: l'histoire va commencer sa tàche, et entreprendre de raconter cette époque à jamais prodigieuse dans les annales de l'espèce humaine. Parmi les matériaux qu'elle va recueillir, je dépose humblement les miens. J'apporte à son tribunal un témoignage modeste, mais pur, mais intègre; et quelle que soit l'ardente sensibilité du témoin, la vérité n'a rien à craindre de l'enthousiasme qu'inspire la vertu.

(1) Les Mémoires de Weber parurent pour la première fois à Londres, en 1806, quelques mois après la bataille d'Austerlitz, à laquelle, sans doute, l'auteur a voulu faire allusion dans ce pas(Note des nouv. édit.)

sage.

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