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Quant à la reine, l'homme qui eût voulu peindre la majesté royale dans tout son éclat et la bonté souveraine avec tous ses charmes; l'homme qui eût désiré de bien concevoir, pour bien l'exprimer, la réunion de la noblesse et des grâces, le doux mais imposant mélange de ces deux pouvoirs appartenant l'un à la grandeur et l'autre à la beauté; je demande s'il eût eu autre chose à faire que de contempler Marie-Antoinette tenant sa cour, traversant la galerie avec tout son cortége pour aller à la chapelle, ou même se rendant seule chez ses enfans, et rassemblant toute sa dignité dans sa personne. Ah! maintenant que je suis prêt de la considérer en proie aux injustices, aux calomnies, aux outrages, aux tortures, je me rappelle le spectacle qu'elle m'offrit; l'émotion dont je fus saisi la première fois que je la vis à Versailles déployer le

tuellement son dédain pour un cérémonial de tous les momens. « Marie-Antoinette étant dauphine, dit M. Lacretelle, donnait à madame Mouchy, qui lui rappelait fréquemment les usages de la cour, le nom de madame l'Étiquette.

De la part du roi, chaque infraction aux règles du cérémonial semblait inspirée par le désir de goûter un moment les plaisirs attachés à la vie privée. Quelque chose de bon, de simple et de touchant se mêlait à cette familiarité dont on lui a fait un reproche. Nous en prendrons un exemple dans un Recueil instructif et piquant, intitulé Correspondance secrète de la cour pendant le règne de Louis XVI.

« La froide étiquette, 'dit ce Recueil, perd tous les jours de son » crédit à la cour : le roi entra dernièrement, sans être attendu ni >> annoncé, chez M. de Maurepas, où il y avait un cercle nom» breux; les dames lui proposèrent une partie : très-volontiers",

caractère de reine, et recevoir les hommages de la France. Mon esprit ne peut suffire à rendre tout ce qu'un tel contraste fait éprouver à mon cœur, et je me sens entraîné à transcrire ici ce que la même comparaison inspirait, il y a douze ans, à un homme dont le génie semblait avoir créé une langue faite pour lui seul, mais dont l'ame ne sentit pas alors un mouvement que je ne retrouve dans la mienne.

<< Il y a maintenant, » écrivait en 1790 l'immortel M. Burke, « seize ou dix-huit ans que j'ai » vu, à Versailles, la reine de France, alors dau>>phine. Jamais apparition plus céleste ne brilla

» répondit-il, pourvu que nous jouions petit jeu. On sait qu'il a » fait prier les princes du sang de ne plus permettre qu'on jouât >> chez eux aussi gros jeu que par le passé.»

Le même exemple de dérogation aux usages fut donné par la reine, également à l'occasion du jeu. Elle y avait pris goût pendant sa grossesse qui lui permettait peu d'exercice.

« Il y a régulièrement un pharaon établi chez Sa Majesté, di>> sent les Mémoires de Bachaumont ; c'est M. de Chalabre, le fils » du joueur si renommé, qui est son banquier. Dernièrement il » a représenté à la reine qu'il ne pouvait suffire à son emploi, et » avait besoin d'un second; Sa Majesté y a consenti et lui a dit » de choisir qui il voudrait. Il a jeté les yeux sur un M. Poinçot, » chevalier de Saint-Louis, qui, la première fois qu'il s'est rendu » au cercle de la reine, n'a pu, suivant l'étiquette, s'asseoir, » n'ayant pas le brevet de colonel, le dernier grade qui donne ce > droit. Il se trouvait ainsi debout seul lorsque Sa Majesté a » paru : elle s'en est aperçue, et, sans égard au cérémonial si » essentiel à Versailles, a ordonné qu'on donnât un siége à >> M. Poinçot. Ce qui fit gémir les courtisans rigides attachés aux » formes. » Mémoires de Bachaumont, tom. XII, pag. 135. (Note des nouv. édit.)

>> dans cet orbite qu'elle semblait à peine tou» cher. Je la vis, lorsqu'elle sortait de l'horizon, >> venant égayer et embellir la sphère sublime dans » laquelle elle commençait à se mouvoir. Elle » étincelait comme l'étoile du matin, toute pleine » de vie, d'éclat et de bonheur. Oh! quelle révo>>lution! et quel cœur serait donc le mien, si je >> pouvais contempler sans trouble, et cette éléva>>tion, et cette chute! Non, lorsque aux tributs de » la vénération se joignaient pour elle tous ceux » que lui adressait de loin l'amour enthousiaste, » réservé, respectueux, je n'imaginais pas que » dans ce sein elle dût cacher un jour, et porter >> partout avec elle un antidote aigu contre les ou» trages de la fortune. Je n'imaginais pas que je >>dusse vivre pour voir de pareilles calamités fon>>dre sur elle au milieu d'une nation d'hommes >> braves, d'hommes d'honneur, et de galans che>> valiers. J'aurais cru que dix mille épées se se>> raient élancées hors de leur fourreau, pour punir » un seul regard qui eût osé la menacer d'une in»sulte. Mais l'âge de la chevalerie est passé : celui >> des sophistes, des économistes, des calculateurs, >> lui a succédé, et la gloire de l'Europe s'est >> éteinte pour toujours. Jamais, jamais nous ne >> verrons plus cette loyauté généreuse envers le >> rang et le sexe, cette orgueilleuse soumission, >> cette noble obéissance, cette subordination du » cœur qui, même au sein de la servitude, fait » vivre l'esprit d'une liberté exaltée. Ces ornemens

» de la vie qui se méritaient et ne s'achetaient pas, >> ce rempart des nations qui les défendait sans » les appauvrir, ce germe des sentimens måles et >> des entreprises héroïques, rien de tout cela >> n'existe plus. C'en est fait, et de cette sensibilité >> de principes, et de cette chasteté de l'honneur, >> qui ressentaient une tache comme une blessure, » qui inspiraient le courage en adoucissant la fé» rocité, qui ennoblissaient tout ce qu'elles tou>> chaient, et sous l'influence desquelles le vice lui>> même perdait la moitié de son danger, en per>> dant toute sa grossièreté...... (1). »

(1) Voyez dans les pièces justificatives celles qui, sous la note B, sont relatives à la reine. (Note des nouv. édit.)

CHAPITRE II.

Des causes immédiates et des principes éloignés de la révolution française. Convocation des états-généraux de 1789.

La révolution française a été si vaste et si longue; elle a renfermé une telle complication d'événemens et de personnages; tant de passions dangereuses quoique nobles, ou terribles quoiqu'infàmes, y ont déployé leur enthousiasme ou leur frénésie, s'y sont tantôt combattues et tantôt entr'aidées qu'en s'abandonnant aux spéculations et à la métaphysique, trente écrivains différens peuvent assigner trente causes diverses à cette secousse qu'a éprouvée le monde, et chacun rendra son système plausible.

La vérité est qu'il y a beaucoup de ces causes dont on peut dire : Sans celle-là la révolution n'eût pas eu lieu mais il n'y en a pas une que l'on puisse soutenir avoir fait à elle seule la révolution.

:

J'ai observé les événemens avec toute l'attention dont mon esprit est susceptible; j'ai lu ce qui a été imprimé ; j'ai médité plusieurs mémoires manuscrits, où il m'a été permis de puiser des lumières; et, cherchant toujours à me fixer sur des idées simples, je me suis arrêté à reconnaître trois causes premières et immédiates de la révolution fran

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