Imatges de pàgina
PDF
EPUB

puis de jour en jour se renfermer davantage dans les soins et les devoirs de mère; tantôt se promener solitairement avec ses enfans dans ses jardins dont les embellissemens étaient devenus des bienfaits (1), tantôt s'environnant, dans son intérieur, de leurs jeux innocens, s'adonner avec passion à tous les ouvrages d'aiguille. Je l'ai vue, à mesure

pas

plus élevé : c'étaient M. le comte d'Artois, M. le duc de Chartres, M. le duc de Lauzun et M. le marquis de Conflans. Le jockey du duc de Lauzun a gagné très-lestement le prix, ou, pour mieux dire, la poule qui n'était que de vingt-cinq louis pour chaque coureur. Le cheval vainqueur est bon normand. La course a commencé vers une heure; elle a été vive, et n'a duré plus de six minutes, quoique le terrain parcouru soit très-considérable, puisqu'il fallait faire trois fois le tour de la plaine des Sablons. On avait élevé dans le milieu un belvédère pour la reine qui était belle comme le jour, et le jour était charmant. Elle a pris le plus grand plaisir à ce spectacle, s'est fait présenter le petit Anglais qui montait le cheval victorieux, a félicité le duc de Lauzun, et consolé les vaincus avec une grâce infinie; en un mot elle n'a manqué à rien de ce qu'il faut faire pour être parfaitement aimable. » (Note des nouv. édit.)

(1) Témoins ces douze hameaux que la reine fit bâtir à Trianon, en 1785, et dans lesquels elle plaça douze familles pauvres, se chargeant pour toujours de leur entretien complet. Ils étaient donc l'asile de l'infortune et le temple de la charité, ces jardins qu'une basse et stupide calomnie présente aujourd'hui comme un théâtre de scènes licencieuses! scènes dont l'invention se trouve dans des romans infâmes, et dont l'indigne plagiat nous est donné pour une vérité historique! Ce serait offenser la mémoire de Marie-Antoinette, que de la défendre plus longuement contre des outrages de ce genre. Il ne peut y avoir de déshonoré par ces productions que l'auteur qui les écrit, le lecteur qui les croit, et l'administration qui les souffre.

W.

que Madame Royale croissait en âge, s'occuper sans distraction de semer et de faire croître, dans ce jeune cœur, toutes les grandes et bonnes qualités du sien, mais, avant tout, le respect des vertus (1), la reconnaissance des services, l'amour de l'humanité, la compassion pour l'infortune, la modération dans la grandeur, la charité, la bonté l'indulgence. Je ne dis pas un mot qui ne soit d'une exacte vérité; plus d'un témoin l'attestera; les fruits que nous voyons aujourd'hui suffiraient seuls pour déposer de la culture, et l'on croirait que dirigée, sans le savoir, par une impulsion providentielle, l'auguste et malheureuse mère de la duchesse d'Angoulême a rempli particulièrement le cœur de sa fille de toutes les vertus qui devaient un jour lui être le plus nécessaires.

C'était d'après les mêmes principes, hélas! et dans l'attente de plus heureuses destinées pour ses enfans, qu'elle les faisait appeler, lorsqu'on lui présentait le bailli de Suffren, au retour de sa glorieuse campagne dans les mers de l'Inde. « Mes en>> fans, disait-elle, et vous Monsieur, en s'adres» sant particulièrement au dauphin, voilà M. de » Suffren! Nous lui avons tous les plus grandes » obligations. Regardez-le bien, et retenez son

(1) Marie-Antoinette abhorrait les flatteurs. Deux femmes de la cour, croyant sans doute lui plaire, se permettaient quelques plaisanteries perfides sur le compte de madame de Brienne. La reine leur impose silence. « Paix, Mesdames, dit-elle, celle-là est aussi >> belle que sage; médire serait calomnier. »

W.

» nom. C'est un des premiers que tous mes enfans >> doivent apprendre à prononcer, et pour ne l'ou» blier jamais (1). »

L'amour maternel et l'amitié remplissaient le cœur de Marie-Antoinette. J'ai vu la reine confier ses enfans à son amie; goûter à la fois et avec abandon ces deux sentimens si purs, faire de l'un et de l'autre la plus douce habitude de sa vie. Je les ai vus avoir des jours et des heures fixes, où, dans une société choisie et bornée, ils disaient comme Henri IV : « Ce n'est plus le roi, ce n'est plus la >> reine, c'est nous. Voilà nos enfans, et voici nos >> amis. >>

Si, dans les tristes destinées de Marie-Antoinette, on passe en revue les personnes qui furent pour sa justice ou pour sa bonté un objet de préférence, on verra que son cœur n'a pas éprouvé une trahison. Des courtisans ont été ingrats, mais les amis ont été fidèles, et cette fidélité même est devenue l'éloge de celle qui l'inspirait. Madame la princesse de Lamballe, sortie de France, y a été ramenée par les dangers de la reine, et est revenue s'y faire égorger pour elle. La duchesse de Polignac, modèle de toutes les vertus douces et aimables, et que les méchans eux-mêmes n'auraient

(1) Le duc d'Angoulême, qui n'avait que neuf ans à cette époque, était occupé à lire dans son appartement, lorsqu'on lui annonça le bailli de Suffren. «< Monsieur, lui dit-il, je lisais la vie des » hommes illustres; je quitte mon livre avec plaisir pour en voir W.

» un. »

pas haïe, si elle n'eût pas été l'amie de la reine la duchesse de Polignac calomniée, dépouillée, bannie pour la reine, n'a porté dans son exil que le sentiment des dangers qu'elle ne pouvait partager avec la reine; n'a parlé, ne s'est inquiétée que d'elle, est morte enfin pour elle, succombant sous la douleur de l'avoir perdue, et ignorant encore par quel coup avait été tranchée cette vie de laquelle dépendait la sienne. J'aurai occasion de citer une circonstance relative au duc de Polignac : on jugera si son dévouement à toute la famille royale était moindre que celui de sa malheureuse épouse. Quant à ceux de leurs amis qui avaient été admis dans le cercle choisi, ils n'ont encore eu, depuis le commencement de la révolution jusqu'à ce jour, qu'un sentiment exclusif, celui de se jeter dans l'abîme, s'il le fallait, à côté des grands personnages qui, dans le temps de leur prospérité, les avaient fait participer à sa splendeur. La marquise d'Ossun, dame d'atours de la reine et sa dernière favorite, a péri sur l'échafaud. La princesse de Chimay, pendant dix-sept ans dame d'honneur, et pendant dix-sept ans honorant sa place par ses vertus, la duchesse de Fitz-James, la duchesse de Maillé, la princesse de Tarente, d'autres qu'il serait peut-être imprudent de nommer, vu leur séjour actuel, toutes honorées par la reine d'une affection particulière, n'ont échappé au supplice que par un véritable miracle, n'ont pu sortir de France qu'en se travestissant pour être méconnues.

Cette comtesse de Dillon qui, parmi tant de charmes, n'en avait pas de plus puissant que celui de la bonté; cette première amie de Marie Antoinette, et qui, enlevée par une mort prématurée, avait paru consolée de voir encore une fois la reine dans ses derniers momens, doutera-t-on que, si elle eût vécu jusqu'aux temps de la révolution, son cœur n'eût été aussi courageusement, aussi passionnément fidèle à son auguste amie devenue malheureuse? Non ; et je le dis par devoir et je trouve de la douceur à le dire, dans tout ce qui tenait de près à la reine, dans ce qui était la société ou le service intime, dans ce qu'on appelait le palais, ou la chambre, Marie-Antoinette n'a rencontré jusqu'au dernier moment que des cœurs fidèles, ce serait trop peu dire, mais dévoués, mais oubliant leur propre sûreté, toutes les fois qu'il s'agissait de la préserver d'un péril, d'exécuter un de ses ordres, de remplir un de ses vœux.

[ocr errors]

Je dirai enfin, qu'avant la révolution, jamais personne ne s'était permis, avec Louis XVI, l'apparence d'une familiarité qui compromît le respect profond toujours dû au roi. Il ne l'aurait pas soufferte, et tous ceux qui ont approché de lui savent combien le sentiment de sa dignité était fortement imprimé dans son esprit (1).

(1) Il est certain que Louis XVI et Marie-Antoinette aimaient également à se soustraire au joug de la grandeur. La princesse qui, dans les grandes solennités, faisait admirer dans ses manières autant de majesté que de grâces, ne pouvait s'empêcher de montrer habi

« AnteriorContinua »