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puissent du moins ces vœux vous être transportés un jour! Puisse le désir ardent du peuple français n'avoir pas été trompé pour jamais! Puissent les bénédictions du Seigneur sur la race des Bourbons renaître, au moins pour vous et pour le jeune prince qui ne vous tient pas plus étroitement par les nœuds de l'hymen, que par le lien d'une sagesse, d'une modération et d'une bonté commune entre vous!

Il semblait que le ciel eût accordé à la reine de devenir mère, pour lui ménager une consolation dans le malheur qui menaçait sa tendresse filiale. La vie était à peine commencée pour la fille de Marie-Antoinette, lorsque le tombeau s'ouvrit pour Marie-Thérèse.

Elle mourut comme elle avait vécu, grande, sensible, mère de ses peuples non moins que de ses enfans, supérieure non pas seulement à son sexe, mais à l'humanité, enfin pleine de mérites devant Dieu et devant les hommes.

Le jour de sa mort elle dicta trois lettres pour ses trois filles, la duchesse de Parme, la reine de Naples et la reine de France. Elle exhorta cette dernière à favoriser le retour de la paix de tout son pouvoir, et à épier toutes les circonstances qui donneraient l'espoir de la ramener. Deux heures avant d'expirer, elle dit à l'empereur: «< Mon fils, » les vertus qui vous accompagnent environnent » mon lit dans ce moment, et adoucissent ma der» nière heure. Je ne vois plus rien que j'aie à vous

>> recommander... si ce n'est le goût de la paix (1).» Marie-Antoinette éprouva une telle révolution en apprenant la mort de sa mère, qu'elle fut attaquée d'un crachement de sang qui inquiéta pendant quelques jours. Renfermée dans son intérieur, pour y donner un libre cours à ses larmes, elle fut inaccessible, même pour les princes du sang royal. Son maintien, sa douleur, sa noblesse, sa beauté, lorsqu'en grands habits de deuil, assise sous un dais lugubre, elle reçut les tristes hommages de la cour, sont restés profondément gravés dans la mémoire de tous ceux qui ont vu cette imposante cérémonie. On a dit alors qu'elle s'était montrée digne d'avoir une telle mère, par la manière seule dont elle avait senti le malheur de la perdre.

Ce fut l'époque où la reine, pour la première fois, parut acquérir un degré d'influence dans les

(1) Les belles actions de Marie-Thérèse sont trop connues pour qu'il soit besoin d'en parler; mais ce qui l'est moins, c'est le courage qu'elle montra dans les derniers momens de sa vie. Voici ce que raconte sir Williams Wraxal dans ses Mémoires historiques : « Peu d'instans avant que cette princesse ne rendît le dernier soupir, elle parut tomber dans une sorte d'insensibilité, et ses yeux se fermèrent. Une des dames qui étaient auprès d'elle répondit à une demande qu'on lui adressait sur l'état de l'impératrice, que Sa Majesté paraissait endormie : Non, dit Marie-Thérèse, je ne dors pas. Je dormirais bien si je voulais me livrer au repos; mais je sens que la mort s'approche de moi je ne veux pas qu'elle me surprenne endormie ; je veux mourir éveillée. Ni Auguste, ni Vespasien, ni Adrien, quoique ces empereurs paraissent avoir contemplé la mort d'un oeil ferme et presque en souriant, n'ont paru plus maîtres d'eux-mêmes que Marie-Thérèse dans le

affaires politiques. Jusque-là aucune de ses idées ne l'y avait portée, et la vieille routine des ministres d'alors avait été sans cesse préoccupée de mettre le roi en garde contre ce qu'ils appelaient l'ascendant autrichien. Une fois devenue mère, nourrissant dans son cœur l'espérance qu'elle donnait à tous les cœurs français de voir naître un dauphin, Marie-Antoinette se sentit elle-même encore plus Française qu'auparavant, et elle fut jugée ainsi. Mais sœur de l'empereur-roi, elle employa le charme et l'empire de son amour fraternel, pour retenir dans la neutralité le souverain sur lequel les ennemis de la France comptaient déjà comme sur un puissant auxiliaire.

dernier acte de sa vie. » ( Mémoires historiques de mon temps, t. 1, p. 368.)

Elle cessa de vivre le 29 novembre 1780, à l'âge de 63 ans. << Elle descendit au tombeau, dit la Biographie Universelle, avec le titre glorieux de mère de la patrie, qui lui fut décerné par la reconnaissance des peuples. J'ai donné des larmes bien sincères à sa mort, écrivait le roi de Prusse à D'Alembert; elle a fait honneur à son sexe et au tróne. Je lui ai fait la guerre et je n'ai jamais été son ennemi. Sa bienfaisance était inépuisable; son extrême sensibilité lui en faisait un besoin. Ayant aperçu un jour, dans les environs de son palais, une femme et deux enfans exténués de besoin, elle s'écria avec l'accent de la plus vive douleur : Qu'ai-je donc fait à la Providence, pour qu'un tel spectacle afflige mes regards et déshonore mon règne? et aussitôt elle ordonna que l'on servît à cette mère infortunée des mets de sa table, la fit venir en sa présence, l'interrogea, et lui assigna une pension sur sa cassette. On l'a entendue dire : « Je me reproche le temps que je donne au sommeil, c'est autant de dérobé à mes peuples. >> (Note des nouv. édit.)

Enfin il naquit ce dauphin tant désiré. Il naquit au milieu des triomphes de son père, au milieu des bienfaits publics, des lois sages et humaines, des établissemens glorieux et charitables dont Louis XVI n'avait cessé de remplir son royaume, pendant qu'il soutenait une guerre immense au bout du monde. Le roi, transporté de joie, la témoignait naïvement à sa cour et à son peuple. Il allait, comme Henri IV, à ses fenêtres, tenant son fils dans ses bras, le montrait à la foule qui se renouvelait sans cesse pour bénir le père et l'enfant. Il recevait les députations des cours souveraines, des municipaux, des corps de métiers (1). Grands et petits, riches et pauvres, étaient également admis à le féliciter. Son bonheur était le bonheur de tous, et la joie de tous ajoutait encore à la sienne.

La reine avait déjà rempli ce qu'on peut appeler sa dévotion favorite, elle avait envoyé délivrer cent femmes prisonnières pour la nourriture de leurs enfans; et elle savait seulement qu'elle était mère : elle ignorait encore si c'était d'un prince ou

(1) Le roi aimait beaucoup la mécanique, et son ouvrage de récréation était la serrurerie. Le corps des serruriers de Versailles vint, dans cette occasion, lui faire hommage de ce qu'on appelle un chef-d'œuvre. C'était une serrure à secret. Le roi voulut qu'on le laissât trouver le secret à lui seul. Il le trouva en effet ; mais dans l'instant où il fit jouer le ressort, il s'élança du milieu de la serrure un dauphin d'acier admirablement travaillé. Le roi fut enchanté. Il disait, en riant et en pleurant tout à la fois, que le cadeau de ces bonnes gens lui faisait un plaisir extréme, et il leur donna lui-même une large gratification.

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d'une princesse. Le roi, dans sa tendre sollicitude, l'avait fait consentir à n'être instruite du sexe de son enfant que le second jour, dans la crainte que la joie ou le mécontentement ne lui causât une révolution également funeste. Mais la prolongation de l'inquiétude avait aussi son danger. Le roi, à qui le silence avait bien coûté pendant quelques heures, se trouva tout-à-coup sans résistance contre les prières d'une épouse si chérie. Il était assis près du lit de la reine : elle lui exprimait avec tant de charmes et de douceur, que, si son vœu avait toujours été pour un fils, le bien du royaume et le contentement du roi avaient pu seuls le lui inspirer; elle se montrait si résignée à recevoir sans murmure ce que le ciel lui avait donné; elle paraissait déjà si persuadée que c'était une fille, d'après le mystère qu'on lui faisait!..... Le roi n'y peut pas tenir; il se lève et dit à haute voix : « Qu'on » apporte M. le dauphin à la reine. » A ces mots la sensible, oserai-je dire l'heureuse?... oui, elle l'était dans ce moment; l'heureuse Marie-Antoinette se soulève sur son lit, tend les bras au roi, et ces augustes époux, étroitement embrassés, confondent des larmes si délicieuses, que le dauphin était à côté d'eux depuis quelques minutes, sans qu'ils s'en fussent encore aperçus.

Cette naissance d'un dauphin qui rendit alors tous les Français si heureux, me parut aussi faire mon bonheur, en devenant l'occasion d'abord de mon voyage, et ensuite de mon séjour en France.

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