Imatges de pàgina
PDF
EPUB

grie, et que la reine de France n'eut à parler qu'à la bourgeoisie de Paris.

Lorsque le roi fut informé d'une manière positive que l'armée parisienne arrivait, il ordonna à la plus grande partie de ses gardes-du-corps de partir pour Rambouillet, sous la conduite du duc de Guiche, afin de les dérober à la fureur de ces hordes qui venaient pour les égorger. Il ne resta dans le château que la garde de service, et c'est elle qui, le lendemain, fut en partie massacrée, et en partie traînée à Paris, ainsi qu'on va le voir.

Le roi, n'ayant aucune force à opposer à cette armée, voulut au moins se couvrir de l'inviolabilité des représentans de la nation. Il fit savoir au président qu'il désirait le voir au château avec le plus grand nombre de députés qu'il pourrait amener. Mais la salle n'était plus remplie que de crocheteurs, de poissardes et de quelques députés et agens de la faction, qui allaient, venaient, et délibéraient sur les mesures à prendre pendant la nuit. Parmi ceuxci se faisait remarquer Mirabeau avec un sabre en bandoulière, par-dessus son habit; ce qui lui fit dire par M. de Valfond, qu'il ne ressemblait pas mal à Charles XII: Adrien Duport, Barnave, le marquis de Sillery, La Touche, le duc de Biron, Robespierre, Buzot, le duc d'Aiguillon, Péthion, et quelques autres."

M. Mounier fut réduit à convoquer au bruit du tambour, et de rue en rue, les députés qui déjà s'étaient retirés chez eux. Sur ces entrefaites, la

garde nationale de Paris arriva, composée de près de vingt mille hommes', suivis d'un attirail de guerre. M. de La Fayette, qui venait à Versailles pour exécuter les ordres de cette populace armée, la fit arrêter aux barrières de cette ville et lui fit prêter serment de respecter l'Assemblée nationale et la loi, et d'obéir au roi qu'elle venait arracher à coups de fusil de ses foyers pour le transférer à Paris. Il se présenta ensuite à l'Assemblée où il dit au président : « Qu'il devait se rassurer; que » la vue de son armée ne devait troubler personne; » qu'elle avait juré de ne faire et de ne souffrir >> aucune violence; qu'il fallait calmer le mécon» tentement du peuple, en priant le roi d'éloigner >> le régiment de Flandre, et dire quelques mots >> en faveur de la cocarde nationale. >>

Sortant de la salle d'Assemblée, ce général monta chez le roi, auquel il dit en entrant : « Que Paris était fort tranquille, et que sa troupe et lui n'étaient venus que pour veiller à la sûreté de la famille royale et de l'Assemblée. » Il eut ensuite avec Sa Majesté un entretien secret de quelques instans; après quoi le président de l'Assemblée arriva au château avec un cortége de députés. Le roi leur dit que l'arrivée de M. de La Fayette et les promesses qu'il venait de lui faire, le tranquillisaient dans les circonstances où il se trouvait; qu'il les remerciait de leur zèle, et qu'il les engageait à se retirer. M. de La Fayette plaça quelques soldats de sa milice en sentinelles, à divers postes

du château; puis, ayant répondu des intentions de sa troupe et du maintien du bon ordre, il se retira vers deux heures à l'hôtel de Noailles, afin de prendre quelque repos.

Ce sommeil de M. de La Fayette lui a été vivement reproché. Si la nature, épuisée chez lui, par les agitations et les fatigues de la journée qui venait de s'écouler, exigeait un repos momentané, c'était dans l'antichambre du roi qu'il aurait dû le prendre. En effet, pouvait-il se dissimuler que la même faction qui avait fait partir dès le matin toute la lie de la populace parisienne, chercherait à mettre ses desseins secrets à exécution dans les ombres de la nuit? Et s'il devait le craindre, comment pouvait-il s'éloigner des personnes sacrées du roi et de la reine.

Undes coryphées de cette faction, Adrien Duport, ex-conseiller au parlement, qui avait eu une si grande part à la révolution du 14 juillet, fut encore un des moteurs les plus actifs de cette seconde révolution. On le vit, pendant la nuit, haranguer les soldats du régiment de Flandre, et les engager à se réunir aux insurgés. Tous les roués du PalaisRoyal, tous les complices, ou, pour mieux dire, les instigateurs du duc d'Orléans, les Laclos, les Sillery, les La Touche, les d'Aiguillon, les d'Oraison, les Mirabeau, les Ducrest et plusieurs autres personnages subalternes, la Genlis, sœur de Ducrest, furent sur pied toute la nuit au milieu de toute cette canaille qu'ils enivraient de toutes

les manières. Les rapports publics représentèrent, par la suite, quelques-uns d'eux comme ayant pris les déguisemens les plus ignobles pour n'être pas reconnus. On vit, a-t-on dit dans la procédure du Châtelet, le duc d'Orléans courir lui-même toute la nuit, à cheval, au milieu de ces groupes dispersés dans les avenues de Versailles, et l'on y voit encore que ce prince avait fait une apparition momentanée au château vers les six heures du matin; mais ces faits n'ont jamais été prouvés clairement.

Je m'étais précipité de mon lit à cette heure. Je trouvai les cohortes parisiennes sur la place d'armes, située en face du château. Cette armée, qui avait l'air de délibérer, était pêle-mêle avec les poissardes et les gens à piques. L'on distinguait au milieu de tous un homme à grande barbe, connu de tout Paris, et qui fut surnommé ensuite le coupetéte. Tous ces gens paraissaient indécis, et occupés à consulter entre eux sur les propositions que leur faisaient des personnages travestis (1): au moment

(1)Je ne citerai point ici les nombreux témoignages que je pourrais fournir des atroces projets des conspirateurs. Je me contenterai d'extraire de la procédure du Châtelet, qui fut imprimée depuis en deux volumes, la déposition d'un homme qui, ccrtes, ne doit pas être suspect: c'est celle du fameux Paul Barras, qui, depuis, a été directeur. Voici ce qu'il répondit dans son interrogatoire, lors de l'instruction du Châtelet sur les forfaits des 5 et 6 octobre:

« Dépose que lundi 5 octobre, entre dix et onze heures du soir, » étant à l'entrée de la place d'armes, il entendit la conversation >> de trois hommes qui étaient ensemble. L'un des trois, âgé d'en

où l'on s'y attendait le moins, un de ces rassemblemens se porta à l'hôtel des gardes-du-corps du roi. Les brigands avaient voulu s'emparer des chevaux des gardes-du-corps. Un valet d'écurie, courageux jeune homme de quinze à seize ans, armé d'une fourche, les avait repoussés de toutes ses forces: pour le punir de cette résistance, on voulut le pendre. Déjà il était traîné dans la rue par une vingtaine de bandits, et il allait être suspendu à la fatale lanterne, lorsqu'un cri général s'éleva : Aux gardes-du-corps! aux gardes-du-corps! A ce cri, les bourreaux abandonnèrent leur victime et se réunirent à ceux qui prirent le chemin de la gauche du château par où l'on pouvait parvenir facilement aux appartemens de la cour, dont le plus près était celui de la reine.

>> viron trente ans, blond, figure ovale, taille d'environ 5 pieds » 4 pouces, vêtu d'un habit gris marbré, et que lui déposant re>> connut, par diverses indications, demeurer rue Saint-Honoré, » et être au-dessus du commun, disait aux deux autres avec » chaleur : Qu'on serait bientôt en force, que les milices allaient » arriver; qu'il fallait aller au château, se saisir des personnes du >> roi et de la reine, ainsi que de tous les coquins qui les entouraient; » qu'on n'avait pas besoin de tous ces gens; que, puisqu'ils ne » savaient pas gouverner, il fallait se débarrasser de ce fardeau ; » qu'au reste il arrivait un homme de la milice nationale dont ils » étaient sûrs, et qui seconderait bien leur dessein. Qu'alors, lui dé>>posant, leur dit : Quoi! Messieurs, il y a donc des complots; c'est >> une horreur ! le roi n'est pas cause si ses ministres ont préva» riqué. Qu'ils répondirent: Bah! bah! A quoi bon un roi! plus » de tout cela! etc. Enfin que, frémissant de leurs propos, il » s'éloigna avec horreur. »

W.

« AnteriorContinua »