Imatges de pàgina
PDF
EPUB

les

Cependant Paris continuait à être agité par des agens secrets qui cherchaient à répandre des doutes sur les intentions du roi. Ces agens accréditaient les soupçons, et répandaient la défiance dans les districts; ils feignaient d'être étonnés de ce que troupes n'étaient pas déjà à vingt lieues de la capitale, le lendemain même du jour où le roi était venu capituler. La tournure que les choses avaient prise subitement par le défaut de résistance de la part de la cour, avait dérangé beaucoup d'ambitions, et il avait été décidé de faire demander au roi de venir à Paris. Une députation de soixante électeurs avait déjà été nommée à cet effet.

M. Bailly, qui venait de recevoir cette nouvelle de Paris, reçut une visite de M. Vicq-d'Azyr, premier médecin de la reine, et membre de l'Académie française. Après s'être entretenus quelque temps de la situation des affaires, ils tombèrent d'accord sur l'utilité d'un voyage du roi à Paris dans cette circonstance; et M. Vicq-d'Azyr se chargea d'en parler à la reine. Comme ce voyage fut déterminé pour le lendemain, il paraît que MarieAntoinette ne contribua pas peu à y engager le roi. M. Bailly fut mandé au château sur les huit heures du soir. Le roi lui fit part de l'intention où il était d'aller à Paris le lendemain, sans gardes et sans escorte, afin d'essayer, au péril même de sa vie, de faire cesser, par sa présence, les troubles et le désordre qui régnaient dans la capitale. Le roi était extrêmement affecté des meurtres qui avaient

été commis. On lui proposa, s'il avait quelque répugnance à aller à l'Hôtel-de-Ville, de venir aux Tuileries; il s'y refusa en disant avec fermeté qu'il irait à l'Hôtel-de-Ville.

Dans cet intervalle, il avait été arrêté par l'Assemblée nationale que l'adresse pour demander le renvoi des nouveaux ministres et le rappel de M. Necker serait portée au roi.

Il arriva ce même jour, à l'Assemblée nationale, un message assez extraordinaire : ce fut une lettre du premier président du parlement de Paris, Bochard de Saron, au président de l'Assemblée nationale, par laquelle il lui communiquait un arrêté que le parlement venait de prendre. Cet arrêté portait que la Cour, instruite de l'ordre donné aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles, avait arrêté que M. le premier président se retirerait à l'instant par-devant ledit seigneur roi, à l'effet de le remercier des preuves qu'il venait de donner de son amour pour son peuple et de sa confiance dans ses représentans, dont le zèle et le patriotisme avaient contribué à ramener la tranquillité publique, et que le premier président ferait seulement part de cet arrêté à l'Assemblée nationale. Or le premier président avait déjà porté cet arrêté au roi. Aussi, lorsqu'on eut remarqué la différence que le parlement mettait entre le monarque et l'Assemblée nationale, celle-ci se trouva extrêmement choquée ; et telle est la force de l'esprit de corps, que l'on vit en cette occasion les ducs

d'Aiguillon, de Luynes, de Praslin et de La Rochefoucauld, MM. Dionis Du Séjour, Duport, Freteau et M. d'Éprémesnil lui-même, tous membres du parlement, s'élever contre cette inconvenance et ce manque absolu de respect à la nation. Le président de l'Assemblée nationale fut chargé de faire connaître ce mécontentement à M. Bochard de Saron.

Ainsi, ce grand corps qui, depuis plusieurs années, était l'ame de tous les mouvemens qui avaient lieu, se trouva tout d'un coup réduit au silence et à la nullité, par cette même réunion d'hommes dont il avait demandé lui-même la convocation avec tant d'acharnement. Peu de mois après cette dernière démarche, il ne subsistait plus même de nom; il disparut sans résistance, et il ne laissa plus de traces de son existence (1).

(1) L'observation de l'auteur sur la conduite des membres du parlement est fondée en raison. On ne devait pas voir sans étonnement le duc d'Aiguillon, et principalement d'Éprémesnil que la cour avait fait enlever de force le 5 mai 1788, dans la grand'chambre, blâmant tous les deux le premier président de ce qu'il avait cu plus de déférence pour le roi que pour l'Assemblée. Mais il ne serait pas exact de dire que les parlemens disparurent sans résistance. Le 7 septembre 1790, le décret sur l'organisation nouvelle de l'ordre judiciaire ordonna que ces Cours souveraines cesseraient leurs fonctions. Celle de Toulouse ayant protesté contre ce décret, les membres qui le composaient furent traduits, le 8 octobre suivant, devant un tribunal qui devait juger les crimes de lèse-nation. Avant la suppression des parlemens, il avait été rendu, le 3 septembre 1789, un décret qui leur ordonnait de rester en vacance.

Après la retraite des ministres, il était dangereux, pour les personnes qui étaient connues pour jouir de la confiance intime de Leurs Majestés, de rester non-seulement à Versailles, mais en France. M. le comte d'Artois, qui s'était dévoué aux fureurs populaires, en se déclarant le défenseur des anciennes lois de l'État, et des prérogatives de la noblesse, offrit à Sa Majesté d'aller, à sa place affronter une ville furieuse, ou au moins de l'accompagner dans la visite qu'elle se proposait de faire le lendemain à l'Hôtel-de-Ville. Le roi, qui n'ignorait pas que, dans les journées qui avaient précédé, la tête de son frère avait été mise à prix, fut le premier à lui conseiller, à lui ordonner même de quitter momentanément la France, et d'aller attendre dans l'étranger que des circonstances plus heureuses et plus tranquilles lui permissent de retourner jouir de l'amour que les Français avaient

Plusieurs avaient protesté contre cette mesure. Les parlemens de Rouen, de Metz, de Rennes et de Bordeaux se distinguèrent par leur opposition, et plus particulièrement les deux derniers dont les membres furent mandés à la barre de l'Assemblée. Ceux du parlement de Bretagne furent privés des droits de citoyens actifs. Les premiers magistrats de celui de Paris s'assemblèrent le 25 mai 1790, sous la présidence de M. Champion de Cicé, garde-dessceaux. Mais ils ne prirent aucune délibération, et l'auteur des Mémoires a raison de faire observer que de tous les parlemens, celui qui prit le plus de part à la convocation des états - généraux est du nombre des parlemens qui ne protestèrent point contre leur suppression.

(Note des nouv. édit.)

toujours, avant ces temps désastreux, montré pour le sang de leurs rois. En conséquence, dans la soirée du 16, M. le comte d'Artois, M. le duc d'Angoulême et M. le duc de Berry, ses deux fils, les trois princes de la maison Condé, M. le prince de Condé, M. le duc de Bourbon et M. le duc d'Enghien, et enfin M. le prince de Conti, prirent congé de Sa Majesté pour sortir du royaume. Ils furent suivis des gentilshommes et autres personnes de leurs maisons qui leur étaient particulièrement attachés. Trois fils de France et quatre princes du sang de saint Louis ne pouvaient humilier plus efficacement les bourgeois de Paris, qu'en paraissant dérober leur vie à leur fureur.

Le même soir partirent aussi pour se rendre à l'étranger la plupart des ministres nouveaux dont l'Assemblée venait de demander le renvoi. Dans le nombre fut le vénérable maréchal de Broglie, qu'on vit, à soixante-dix ans, réduit à porter en proscrit, à Luxembourg, une tête chargée de lauriers acquis en combattant les ennemis de la France.

Tous ces départs n'eurent pas lieu sans risques pour les illustres fugitifs. Il fallut prendre les précautions les plus minutieuses pour que M. le comte d'Artois pût sortir de chez lui sans être aperçu. On craignait qu'il ne fût assassiné. Il ne partit qu'à la pointe du jour, lorsque les habitans de Versailles, non moins agités que ceux de Paris, étaient encore plongés dans le sommeil. Un régiment dont

« AnteriorContinua »