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populace de Paris; on avait en conséquence garni Saint-Cloud de troupes; les postes du pont de Sèvres avaient été renforcés, et le parc de SaintCloud ainsi que les bords de la Seine étaient couverts de tentes.

Lorsque M. de Liancourt eut fait connaître au roi la défection totale de ses gardes, la prise de la Bastille, les massacres qui avaient eu lieu et le soulèvement de plus de deux cent mille hommes: « C'est donc une révolte, » dit le roi après quelques momens de silence. -« Non, Sire, lui ré>> pondit le duc, c'est une révolution. >>

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Le roi, voyant alors qu'on avait perdu le temps d'agir, et qu'il faudrait faire couler des flots de sang pour comprimer une sédition aussi vaste prit le parti de renoncer au projet qu'il avait conçu de maintenir son autorité et les lois de l'État contre les factieux par la force des armes. Il résolut de faire cesser les massacres qui ensanglantaient la capitale, et dont on ne pouvait prévoir la fin, en faisant retirer ses troupes et en s'abandonnant au torrent qui entraînait tout.

Tandis qu'il prenait cette résolution et qu'on expédiait les ordres en conséquence aux troupes, les mouvemens que firent quelques détachemens de cavalerie pour opérer leur déplacement causèrent dans Paris une nouvelle terreur panique. Un sieur Parimajou, membre du comité des électeurs, imitant l'action de Curtius, se dévoua pour aller à la découverte jusqu'aux barrières de Paris! On

dépava les rues on se barricada dans les faubourgs, on fit des tranchées dans les rues principales afin d'arrêter la marche de l'artillerie; on plaça des lampions et des fanaux pour éclairer la marche de l'ennemi, on sonna le tocsin et l'on battit la générale toute la nuit ; en un mot Versailles fit trembler Paris, tandis que Paris causait la même terreur à Versailles.

Enfin la journée du 15 juillet arriva, et l'on fut fort étonné à Paris en apprenant que le camp de l'École militaire avait replié ses tentes, et filait sur Versailles dans cette même matinée. Bientôt le régiment de Vintimille, infanterie, vint se réunir tout entier aux Parisiens en laissant ses officiers presque seuls. Les soldats savaient qu'il leur serait fourni non-seulement à boire et à manger abondamment, mais encore de l'argent autant qu'ils en demanderaient, et qu'ils jouiraient d'une liberté sans frein. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'avec des amorces aussi effrayantes, tous les régimens n'aient pas compté un plus grand nombre de soldats infidèles. Un seul régiment resta pur; pas un homme n'y abandonna son illustre colonel et son drapeau; pas un soldat ne se montra indigne du nom de son corps, ce fut le brave régiment de royal-allemand.

Le même jour, Louis XVI, accompagné des deux princes ses frères, parut dans la salle des états-généraux, obligé d'abaisser un front enorgueilli par treize siècles de puissance, devant une autorité

d'un jour, qui, formée d'abord par l'autorité du monarque, s'était constituée ensuite elle-même illégalement. Là debout, découvert, sans cérémonial, et sans même vouloir faire usage d'un fauteuil qui avait été élevé sur une estrade, il prononça, suivant Barrère lui-même, avec une dignité paternelle et du ton de bonté le plus attendrissant, le discours qui suit :

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« Messieurs, je vous ai assemblés pour vous >> consulter sur les affaires les plus importantes de » l'État : il n'en est pas de plus instante et qui af>>fecte le plus spécialement mon cœur que les dé>>sordres affreux qui règnent dans la capitale. Le » chef de la nation vient avec confiance au milieu » de ses représentans, leur témoigner sa peine et >> les inviter à trouver les moyens de ramener >> l'ordre et le calme. Je sais qu'on a donné » d'injustes préventions, je sais qu'on a osé publier que vos personnes n'étaient pas en sûreté : >> serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des >> bruits aussi coupables, démentis d'avance par >> mon caractère connu? Eh bien! c'est moi >> qui ne suis qu'un avec la nation, c'est moi qui » me fie à vous aidez-moi, dans cette circons»tance, à assurer le bien de l'État : je l'attends de » l'Assemblée nationale. Le zèle des représentans » de mon peuple, réunis pour le salut commun >> m'en est un sûr garant. Comptant sur l'amour » et la fidélité de mes sujets, j'ai donné ordre >> aux troupes de s'éloigner de Paris et de Ver

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>> sailles. Je vous autorise et invite même à faire >> connaître mes dispositions à la capitale. »

Ces paroles de paix furent suivies des applaudissemens et des acclamations de toute l'Assemblée. L'enthousiasme, le délire avaient pris la place de la crainte. L'Assemblée nationale était enfin solennellement reconnue par le roi : c'était un triomphe, c'était une première victoire remportée sur la monarchie. Ainsi, après que l'archevêque de Vienne eut adressé au roi une réponse pleine de clémence, l'Assemblée se précipita sur les pas de Sa Majesté pour la reconduire au château.

La nouvelle de l'apparition du roi à l'Assemblée nationale était arrivée promptement à Paris, et la sécurité venait d'y succéder aux justes alarmes qu'avait fait concevoir aux Parisiens l'état de rébellion où ils s'étaient mis contre l'autorité légitime. L'Assemblée nationale venait d'être reconnue par le roi elle se hâta d'envoyer reconnaître, sanctionner et complimenter la nouvelle autorité qui s'était formée d'elle-même à l'Hôtel-de-Ville, à l'instar de l'Assemblée nationale. La députation de Versailles, en arrivant à Paris, fut comblée de bénédictions, entourée d'hommages, accablée de témoignages de respect; et l'archevêque de Paris, qui en était membre, fit chanter un Te Deum en actions de grâces, pour l'heureux accord qui se rétablissait entre le chef de la nation et ses repré

sentans.

M. de La Fayette, qui était un des membres de

cette deputation, lut aux électeurs le discours que le roi avait prononcé le matin à l'Assemblée nationale; il fut récompensé sur-le-champ, et du zèle qu'il avait fait briller dans cette conjoncture, et des sentences insurrectionnelles qu'il avait débitées à la tribune, et des conseils factieux qu'il avait donnés aux électeurs. Ceux-ci le nommèrent par acclamation commandant-général de la milice parisienne. Alors ce général se trouva investi en un moment, par une vingtaine d'avocats et de marchands, du commandement d'une armée de quarante mille hommes (1). Le roi, à dater de ce jour, ne fut jamais aussi puissant que ce nouveau roi des Halles.

(1) L'auteur ayant rapporté que les électeurs avaient nommé par acclamation le général La Fayette, réduit à vingt avocats ou marchands le nombre de ces électeurs. Voici le fait : l'Hôtel-deVille était rempli de monde, et la place encombrée d'une foule immense. Moreau de Saint-Merry présidait cette assemblée. On demandait un commandant pour la garde bourgeoise ou milice parisienne. Les bustes de Washington et du général La Fayette étaient dans cette salle, et derrière la table où se tenait Moreau. Celui-ci se détourne et dirige ses regards vers ces bustes, sans dire un mot. Il fut compris, et le général nommé par acclamation. Bailly fut proclamé maire de la même manière. Il y avait soixante députés de l'Assemblée nationale. Sur la demande du maire et du commandant, leur nomination fut régulièrement renouvelée et confirmée à l'unanimité des districts de la capitale. Tels sont les faits. Dans ces temps de troubles, l'Hôtel-de-Ville ne désemplissait pas; et n'y mettre que vingt électeurs, comme le fait Weber, ce serait aller contre toute vraisemblance, quand on n'aurait pas la certitude du contraire.

(Note des nouv. édit.)

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