Imatges de pàgina
PDF
EPUB

M. de Lally et M. de Gouy furent suivis par trois autres députés de l'ordre de la noblesse, M. de Virieu, le duc de La Rochefoucauld et le comte de Clermont-Tonnerre, qui proposèrent le maintien de tous les arrêtés de l'Assemblée, mais sans entendre cependant toucher au sceptre et empiéter sur le droit qu'avait le roi de choisir ses ministres. « Quant au » serment, dit M. de Clermont-Tonnerre, il est » inutile de le renouveler, la Constitution sera » faite ou nous ne serons plus. » Le curé Grégoire oublia qu'il était le ministre d'un Dieu de paix, et appela sur les crimes des ministres la recherche et la vengeance des lois , par le moyen d'un comité de l'Assemblée. L'archevêque de Vienne, Le Franc de Pompignan, vieillard modéré et sage, trouva que le curé s'emportait outre mesure, et que son patriotisme lui faisait oublier son caractère. A la voix du prélat, le zélé catéchumène se rétracta; nombre de députés parlèrent encore sur les dangers de la patrie : enfin arriva la relation des pillages et des excès qui avaient eu lieu à Paris dans la nuit du 12 et dans la matinée du 13. A ce récit, l'Assemblée arrêta : « Qu'il serait fait une députa» tion au roi pour lui représenter tous les dan»gers qui menaçaient la capitale et le royaume, » la nécessité de renvoyer les troupes dont la pré>> sence irritait le désespoir du peuple, et celle de >> confier la garde de la ville à la milice bourgeoise.

[ocr errors]

La députation revint dans la soirée avec la ré

ponse du roi, mais elle ne rapporta point le consentement de Sa Majesté à la formation de la garde citoyenné que le club électoral sollicitait depuis deux ou trois jours, et qu'il était déjà occupé à organiser pendant que le roi s'y refusait.

Lorsque l'Assemblée eut connaissance de la réponse du roi, M. de La Fayette, qui s'était fait remarquer à la séance du 11 en y énonçant cet axiome révolutionnaire dont on a tant parlé depuis (1): L'insurrection est le plus saint des devoirs; M. de La Fayette proposa de décréter la responsabilité des ministres. Sur sa proposition, un arrêté attentatoire au respect dû au roi et à la prérogative royale, signala la fin de cette journée. Il fut pris, sur les conclusions des discours qu'avaient prononcés, au commencement de la séance, MM. Mounier, Target et de Lally-Tollendal.

[ocr errors]
[ocr errors]

L'Assemblée nationale y déclarait : «< Que M. Nec>> ker, ainsi que les autres ministres qui venaient

(1) L'auteur confond ici les époques. Laphrase, répétée en effet, depuis, tant de fois, ne se trouve point dans la déclaration des droits présentée, par le général La Fayette, le 11 juillet 1789. On y proclame le droit de résistance à l'oppression. Ce ne fut qu'en 1790 que ce général, parlant à la tribune et provoquant des mesures répressives pour faire cesser les désordres dont plusieurs provinces étaient le théâtre, établit en principe que l'insurrection contre le despotisme était le plus saint des devoirs. Il est aisé de voir combien la suppression de trois mots altérait le principe et changeait şa nature. Nous ne voulons ici ni l'examiner ni le juger, mais nous rétablissons seulement les faits, parce que le devoir le plus rigoureux d'un historien est de dire la vérité.

(Note des nouv. edit.)

"

>> d'être éloignés (MM. de Montmorin, de La Lu>>zerne et de Saint-Priest), emportaient avec eux » son estime et ses regrets. Qu'effrayée des suites >> funestes que pouvait entraîner la réponse du >> roi, elle ne cesserait d'insister sur l'éloignement >> des troupes extraordinairement rassemblées près » de Paris et de Versailles, et sur l'établissement » des gardes-bourgeoises. Qu'il ne pourrait exis» ter d'intermédiaire entre le roi et l'Assemblée >> nationale. Que les ministres et les agens civils >>> et militaires de l'autorité royale étaient respon>> sables de toute entreprise contraire aux droits >> de la nation et aux décrets de l'Assemblée. Que >> les ministres actuels et les conseillers de Sa Ma» jesté, de quelque rang et état qu'ils pussent être >> ou quelques fonctions qu'ils pussent avoir,

[ocr errors]

étaient personnellement responsables des mal» heurs présens et de tous ceux qui pourraient >> suivre. Que la dette publique ayant été mise » sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté >> française, et la nation ne refusant pas d'en payer » les intérêts, nul pouvoir n'avait le droit de pro>> noncer l'infâme mot de banqueroute, nul pou» voir n'avait le droit de manquer à la foi >>blique, sous quelque forme et dénomination » que ce pût être. »

pu

Lorsque cet arrêté factieux eut été pris, l'Assemblée nationale nomma M. de La Fayette pour la présider pendant la nuit, en l'absence de M. l'archevêque de Vienne, dont le grand âge ne lui

permettait pas de supporter une fatigue semblable. Une centaine de députés étendus sur des tables et sur des siéges gardèrent la salle pendant la nuit. Le lendemain matin, l'archevêque de Vienne, retournant de chez le roi à qui il avait communiqué l'arrêté de la veille, dit que Sa Majesté s'était contentée de répondre qu'elle l'examinerait. On s'occupa alors froidement de la suite de la vérification des pouvoirs et de la formation d'un comité chargé de présenter les bases d'une constitution nouvelle. Ce comité fut composé de l'archevêque de Bordeaux (Champion de Cicé), de M. l'évêque d'Autun (Talleyrand - Périgord), de MM. de ClermontTonnerre et Lally - Tollendal, Mounier, Sieyes, Le Chapelier et Bergasse.

[ocr errors]

Le comte de Mirabeau, qui avait fait le premier la motion pour le renvoi des troupes, demanda que cette motion fût discutée à l'instant, et qu'on suspendît tous travaux jusqu'à ce que l'on eût satisfaction. Cette dernière partie de sa proposition fut rejetée, mais l'on envoya, pour la seconde fois, au château le président et les membres qui avaient formé la députation du matin. Le vicomte de Noailles, le baron de Wimpffen, et deux électeurs de l'Hôtel-de-Ville informèrent alors l'Assemblée du pillage de l'hôtel des Invalides et de la prise de la Bastille.

On lit, dans le journal imprimé sous le titre de Procès-verbal des électeurs (page 405), que M. de La Fayette recommanda aux électeurs qui

étaient venus à Versailles de se défier des officiersgénéraux que le gouvernement mettrait à la tête de la milice bourgeoise. Cette insurrection contre l'autorité royale était la conséquence du principe qu'il avait mis en avant la veille au milieu de l'effervescence où étaient les esprits. On voit également, dans cette recommandation séditieuse aux électeurs de Paris, l'ambition qu'il avait d'obtenir d'eux le commandement des milices armées de Paris, ce qui équivalait pour lui, vu l'influence que la capitale exerçait sur les provinces, au commandement général de toutes les milices bourgeoises du royaume. Les électeurs furent dociles à sa recommandation et exacts à remplir l'objet qu'il convoitait; car, par eux, il fut investi, dès le lendemain, du commandement de la garde nationale de Paris.

[ocr errors]

A dix heures du soir ón ignorait encore à Versailles les événemens de cette funeste journée. Ce fut M. le duc de Liancourt ( de la maison de La Rochefoucauld), qui le premier en informa le roi. Sa charge de grand-maître de la garde-robe lui donnait accès auprès de la personne du roi. Il le fit éveiller et lui apprit ces effrayantes nouvelles dont aucun des généraux et des officiers de l'état-major de l'armée de Paris n'avait osé informer ce prince ni les ministres. M. Berthier, intendant de Paris, était le seul qui, dans la soirée, eût donné avis de la prise d'armes aux Invalides, de l'attaque projetée de la Bastille et du tumulte populaire. On craignait à Versailles une insurrection nocturne de la

« AnteriorContinua »