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térieures quantité de personnes avec lesquelles il entretint des pourparlers pendant plus de deux heures. Voyant ensuite la populace arriver de tous côtés sur le château dont la garde lui était confiée, il fit lever les premiers ponts-levis et tirer un coup de canon qui tua ou blessa quelques hommes du peuple dans la rue Saint-Antoine. M. de Launay

parla de se rendre. M. de Flue, commandant des trente-deux soldats de Salis, déclara qu'il préférait la mort. M. de Launay, voyant que la garnison était prête à l'abandonner, prit la mèche d'un des canons pour mettre le feu aux poudres; ce qui eût fait sauter une partie du faubourg Saint-Antoine. Deux sous-officiers l'en empêchèrent. Dans un conseil qu'il assembla sur-le-champ,. il proposa de faire sauter la forteresse plutôt que tomber entre les mains d'une populace furieuse qui égorgerait la garnison. Cette proposition fut rejetée. M. de Flue fit demander aux assiégeans une capitulation, promettant de baisser les ponts-levis et de déposer les armes si on accordait la vie aux assiégés. Elie, officier du régiment de la reine, l'un des commandans et des plus avancés près de la forteresse, promit sur son honneur. Les ponts furent aussitôt baissés, et le peuple entra sans difficulté. Son premier soin fut le rechercher le gouverneur. On s'empara de lui, et, au mépris de la capilation, depuis la Bastille jusqu'à l'ade SaintJean sous laquelle il massacré, cet infortuné fu 3ffccablé d'outrages et de mauvais traitemens. D'après cet exps véridique, M. de Launay ne mérite donc pas les reproches que lui lait ni. Weber. S'il n'avait pas voulu se défendre, il n' req mofit ircr le canon, ni comman lé une décharge après laquelle De devait attendre aucun ménagement. Ceux qui lui faisaient un crime de sa défense n'avaient aucune idée des devoirs d'un militaire charge le la ་ 20fvation d'une forteresse. Ceux qui l'ont, blâmé de re s'être pas assez défendu, ignoraient les détails que nous venons de s les yeux du lecteur. Il fera bien de les comparer à ceux que contient déjà le volume publié dans cette collection sur la prise de la Bastille. (Note des nouv. édit.)

n'avait avec lui que trente hommes du régiment de Salis-Samade et une centaine d'invalides qui composaient la garnison ordinaire de la Bastille. Quelque peu considérable que fût cette force, il aurait été possible de se défendre pendant plusieurs jours; mais, soit que le gouverneur ne fût pas sûr des dispositions de sa petite troupe, soit qu'il fût intimidé par les vociférations de cette multitude furieuse qui inondait toutes les rues et places adjacentes, soit qu'il espérât pouvoir se sauver par une capitulation, après avoir fait la faute de tirer un coup de canon, il fit la faute, plus grande encore, de donner ordre qu'on baissât le dernier pontlevis qui fermait l'entrée du château. La populace irritée s'y précipita alors, le saisit et le conduisit sur la place de l'Hôtel-de-Ville où elle le punit cruellement de son imprévoyance en lui tranchant la tête, après l'avoir accablé de coups et d'outrages. Sa tête, promenée au bout d'une pique, fut portée au Palais-Royal. Ce ne fut que par le plus grand bonheur qu'on arracha des mains de cette multitude sans frein un régisseur des poudres et salpêtres et les invalides qui avaient été pris à l'Arsenal et à la Bastille mais il fut impossible de sauver trois officiers d'invalides qui furent massacrés, et deux soldats qui furent pendus au réverbère de la place de Grève.

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Environ une heure après la mort de M. de Launay, M. de Flesselles, prévôt des marchands, périt d'une manière non moins tragique.

Ici je dois tracer rapidement ce qui se passa, pendant ces trois jours, à l'Assemblée nationale.

Le dimanche, 12 juillet, l'Assemblée nationale ne tenant pas de séance, ses membres étaient dispersés dans Paris, Versailles et les environs. Cependant, sur la nouvelle du renvoi de M. Necker, ceux des députés qui se trouvèrent à Versailles, se rassemblèrent spontanément,le soir, dans la salle de l'Assemblée; mais, comme la séance n'était point régulière, ce qui s'y passa ce soir-là dut plutôt être considéré comme conversation que comme délibération. La consternation était peinte sur tous les visages, disent les journalistes qui ont rendu compte de ce rassemblement. Le sort de la patrie, celui de l'Assemblée nationale, semblait lié à la destinée d'un seul homme, de M. Necker. Mirabeau lui-même, quoique l'ennemi personnel de ce ministre, disait, d'un ton lamentable, qu'on ne mesurait qu'avec terreur l'abîme de maux où le changement de ministère pouvait entraîner la patrie.

Le 13, l'Assemblée ouvrit une séance qui devait durer soixante heures consécutives. Elle commença par se mettre en permanence, mesure révolutionnaire qui fut employée en cette occasion pour la première fois, et qui depuis a été fidèlement imitée par toutes les autres assemblées, lorsqu'elles ont voulu opérer une nouvelle révolution. Les sections du peuple s'en emparèrent à leur tour, et bientôt il n'y eut pas de grand et de petit club en France

qui ne crût pouvoir sauver la patrie en se mettant

en permanence.

M. Mounier fut le premier qui prit la parole dans cette occasion critique. Ce fut lui qui porta les premiers coups à l'autorité royale (1), en dénonçant le changement opéré dans le ministère, le renvoi des anciens ministres qui avaient toujours eu la confiance de la nation, et leur remplacement par des hommes suspects qui n'obtiendraient jamais la

(1) L'auteur prononce légèrement que M. Mounier porta le premier coup à l'autorité royale. Il faut, pour voir combien cette accusation est dénuée de fondement et pour connaître la vérité, lire l'exposé de la conduite de ce député, ainsi que les comptes de la séance du 13 juillet rendus par M. de LallyTollendal. Mounier dans cette séance proposa de faire une adresse au roi pour demander le rappel des ministres ; il ne dénonça point leur renvoi, comme le dit Weber, mais les intrigues qui avaient forcé le roi à cette mesure. Lorsque, le lendemain, Barnave et Mirabeau prétendirent que l'Assemblée avait le droit d'exiger ce rappel, Mounier répliqua que « le roi était maître ab» solu du choix de ses ministres ; que des circonstances extraor» dinaires pouvaient seules autoriser l'Assemblée à former un vœu » à cet égard; mais que ce vœu, dans tous les temps, ne pouvait » se manifester que par la voie de la prière. » Quoique Mirabeau traitât ces principes de doctrine impie et détestable, ils triompherent encore, et la motion fut rédigée dans le sens indiqué par Mounier. La démission des nouveaux ministres empêcha de donner suite à cette motion, et laissa le champ libre à leur prédécesseur. La version de Weber prouve avec quelle facilité l'on dénaturait ce qui se passait à l'Assemblée dans les rapports faits à la cour. Mounier a prouvé son attachement à la monarchie comme à la personne du roi ; et c'est ce sentiment qui lui fit ouvrir l'avis que l'historien présente sous un faux jour.

(Note des nouv. édit

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confiance publique. M. Mounier, par une étrange pétition de principe, reconnaissait pourtant que le roi avait le droit de changer ses ministres. Pour rendre sa logique agréable aux Parisiens, il eut soin de mêler à sa diatribe quelques mots sur les finances: « Le crédit public et le salut du peuple, dit-il, » sont en danger on brave son désespoir, on le >> provoque par un appareil menaçant, on l'envi>> ronne; les routes sont fermées, les passages in>> terceptés. On apprend au roi à redouter son >> peuple; nous devons éclairer le roi et lui >> montrer les dangers de son royaume. » Il finit sa harangue par proposer qu'il fût envoyé une députation au roi pour lui demander le rappel des ministres disgraciés, et que l'Assemblée fît la déclaration solennelle de ne jamais consentir à une honteuse banqueroute. Deux députés, dont l'éloquence convulsive, a dit un écrivain célèbre, se disputa les commencemens de la révolution, M. Target et M. de Lally-Tollendal, appuyèrent, de concert, l'éloquence de M. Mounier. Le dernier surtout, qui était l'ami particulier du ministre, en fit un pompeux éloge historique, auquel on aurait cru qu'il n'était rien resté à ajouter, si M. Gouy d'Arcy ne se fût ressouvenu alors du mot célèbre de Tacite après la mort de Burrhus: « La mort d'un >> seul homme est une calamité publique (1). »

(..

(1) Civitati grande desiderium ejus mansit.

ANN. lib. 14. 51.

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