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avait d'abord été placé à l'École militaire. Le régiment des chasseurs de Normandie arriva vers les dix heures du soir sur le boulevard du faubourg Saint-Antoine. Il avait fait neuf lieues pour arriver dans la journée à Paris, où il était mandé impérieusement. A son arrivée, on chercha en vain le général pour en avoir des ordres et pour savoir où trouver les fourrages et les vivres qui auraient dû être préparés pour la réception de ce régiment. On resta plus de deux heures sans pouvoir découvrir où M. de Besenval s'était réfugié. Ce ne fut que vers minuit qu'on sut le lieu où il avait cherché un asile, et la défense absolue qu'il avait faite qu'on le réveillât. Ce régiment, harassé de faim et de fatigue, fut réduit à bivouaquer sur le boulevard. On sent combien le mécontentement que ce défaut de précaution devait exciter, pouvait rendre ces militaires accessibles à la corruption.

La confusion qui régna dans les premiers rapports qui parvinrent à Versailles de ces mouvemens insurrectionnels, empêcha de prendre aucune mesure efficace pour les réprimer.

La populace, ivre du premier succès qu'elle avait obtenu, s'était portée dans toutes les rues auxquelles le chemin de Versailles aboutissait ; elle

ses campagnes, avait servi d'abord en Amérique sous les ordres du comte de Rochambeau. Il était, en 1814, prince de Neuchâtel et de Wagram, grand-veneur et vice-connétable. Il est mort à Bamberg en 1815. (Note des nouv. édit.)

faisait subir une nouvelle visite aux voitures qui en arrivaient, et forçait les passagers épouvantés de crier tantôt victoria, tantôt vive le tiers-état.

Pendant la nuit du dimanche 12 au lundi 13 juillet, cette même populace, composée de gens sans aveu et de brigands de toutes les nations, continua de piller les boutiques d'armuriers, et de faire des visites dans les maisons des particuliers qu'elle savait posséder des fusils de chasse, afin de s'en emparer. A la pointe du jour, elle incendia presque tous les bureaux où l'on percevait les droits d'entrée; elle alla de même piller le couvent des pères de Saint-Lazare, ancienne maison de correction dont on avait fait depuis peu un magasin pour l'approvisionnement de Paris, et les farines qui s'y trouvaient furent dispersées dans la rue. Elle se fit délivrer les canons des gardes-françaises et les drapeaux de la Ville. Le dépôt des meubles de la couronne, place Louis XV, fut violé, et on en arracha des armes qui ne pouvaient être d'aucune utilité, mais qui étaient extrêmement précieuses par leur antiquité, par le travail et la matière. On y remarquait entre autres deux petits canons argentés, présent du roi de Siam à Louis XIV. Heureusement cette populace ne se jeta ni sur le Trésor royal, ni sur la caisse d'escompte.

Une anecdote sur la vérité de laquelle on peut compter, c'est que les administrateurs de la caisse d'escompte, qui avaient toujours été les plus chauds admirateurs et les plus fermes soutiens de

M. Necker, envoyèrent en toute hâte une députation à M. le baron de Breteuil, afin de lui demander une sauvegarde et un lieu de dépôt sûr pour le numéraire qui était dans leur caisse où il servait de gage aux billets en émission. Cette députation arriva le dimanche au soir à Versailles, et elle s'en retourna le lundi matin à Paris, avec l'ordre de ce ministre pour recevoir le numéraire en question à la Bastille, comme l'endroit le plus sûr de Paris. La situation de la capitale ne permit pas que ce transport s'effectuât comme il avait été convenu, et ce fut un grand bonheur pour les actionnaires de cette banque.

Tandis que cette foule armée infestait les rues de la capitale, les habitans de Paris s'attendaient toujours à voir les troupes du roi s'avancer sur tous les points pour remettre l'ordre et dissiper cet amas de bandits. Quelques compagnies des gardes qui restaient encore fidèles dans leurs casernes, les régimens de dragons et de cavalerie qui entouraient Paris, les casernes des gardes-suisses, le camp de l'École militaire, pouvaient fournir des détachemens qui auraient maintenu facilement la police; mais rien ne s'ébranla, aucun corps armé ne parut; personne n'osa prendre sur soi de donner des ordres. M. le maréchal de Broglie comptait que M. de Besenval aurait pourvu immédiatement aux mesures urgentes. M. de Besenval, de son côté, se couchait honteusement pour ne pas donner d'ordres à sa troupe, craignant, à ce qu'on

a dit depuis, que, si l'émeute devenait trop considérable, le peuple ne pillât sa maison, où il avait fait faire depuis peu des embellissemens de la plus grande magnificence et construire une salle de bains charmante, qui était devenue une des curiosités de la capitale (1).

Aucun secours n'arrivant aux Parisiens consternés, ils firent sonner le tocsin dans tous les districts de la capitale. On sait que, pour procéder à l'élection des députés, Paris avait été partagé en soixante districts dont chacun avait nommé un certain nombre d'électeurs. Or, les électeurs du tiers-élat de Paris avaient continué de s'assembler de temps en temps, même depuis la convocation des étatsgénéraux, et ils avaient poussé l'audace jusqu'à faire des délibérations illégales, à voter des adresses, et aller offrir à l'ordre du tiers aux états-généraux leur adhésion à sa constitution en Assemblée nationale. Ce jour-là, ils usurpèrent les fonctions du corps municipal de Paris, et convoquèrent

(1) Ces reproches graves seront examinés et discutés lors de la publication des Mémoires de Rivarol qui parle des mêmes faits. Ce que nous pouvons dire ici, c'est que l'opinion de Weber est partagée par l'auteur de l'article inséré dans la Biographie universelle de M. Michaud. On y représente M. de Besenval «< comme » un courtisan heureux et adroit, se mêlant d'intrigues de femmes » et de renvois de ministres; ne prenant que des mesures timides, » ne donnant que des ordres vagues, finissant parfuir, et se vouant » enfin à une obscurité peu glorieuse pour obtenir le bonheur » qu'il avait toujours attaché lui-même au fatalisme de sa vie. » On verra, par les faits que nous publierons plus tard, si ces accusations sont fondées. (Note des nouv. édit.)

spontanément les habitans de la capitale, pour aviser aux moyens de sûreté que leur position nécessitait.

Enhardie par l'impunité, la populace parisienne se porta en foule, sur les deux heures après midi, à la Bastille où elle comptait trouver un nouvel approvisionnement d'armes et de poudre à canon. Le gouverneur, M. de Launay, perdit la tête en cette occasion (1). Il admit d'abord dans les cours in

(1) Suivant d'autres versions qu'il est juste de faire connaître, le gouverneur ne perdit point la tête. Voici quelques détails donnés par son gendre, M. d'Agay. Bernard-René Jourdan de Launay, né en 1740, succéda, en 1776, à son père qui était gouverneur de la Bastille. Lorsque cette forteresse fut menacée, au mois de juillet 1789, et quelques jours avant sa destruction, on avait sondé M. de Launay, à différentes reprises, pour savoir quelle conduite il tiendrait en cas d'attaque. Il avait déclaré formellement qu'il se défendrait jusqu'à la dernière extrémité. Dans la matinée du 14 juillet, il laissa entrer plusieurs députations qui vinrent pour examiner l'intérieur de la place et connaître la garnison. Elle n'était composée que de trente-deux soldats de Salis et de quatre-vingts invalides. Cela suffisait avec des munitions. La Bastille, *e par elle-même, en état de résister à toute attaque dans laque on ne voudrait pas, pour prendre, sacrifier tout un quarti de Paris, était dès lors à l'abri d'un coup de main. ouverneur ne courait aucun risque en laissant visiter l'integens qui n'étaient point militaires, et qui', quand ils aient été, ne pouvaient prendre aucune disposition efficabe pour enlever la place. Vers onze heures, l'attaque devint sérieuse et le peuple avait abattu le premier port. Alors M. de Launay donna l'ordre de tirer; il fut obéi, et cette déchage dispersa la multitude. Elle revint bientôt exaspérée et plus nothbrèuse. On tira sur elle un coup de canon à mitrailloigna de nouveau; mais l'arrivée d'un détachement des gardes-françaises, qui se mit au nombre des assaillans, ébranla le courage de la garnison qui

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