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de Marie-Antoinette, qu'elle fut du nombre de ceux qui donnèrent au roi ce généreux conseil. Elle savait, par l'histoire récente de son auguste mère, ce qu'un acte de vigueur peut opérer de changemens heureux dans des crises que le commun des hommes regardent comme désespérées.

Elle voyait déjà, dans la fermentation actuelle et dans l'insatiable avidité de ceux qui entretenaient cette agitation, le germe de tous les malheurs qui se succédèrent si rapidement dans l'espace de quatre ans ; et elle fut du petit nombre de ceux qui conseillèrent de réprimer cette rébellion dans le principe.

Malheureusement l'exécution de ces conseils énergiques fut entravée de plusieurs manières, soit par le défaut de talens ou de courage de ceux à qui les détails en furent confiés, soit par les obstacles qu'opposait la nature des choses.

Un camp de six mille hommes fut formé au Champ-de-Mars, sous les ordres du baron de Besenval, officier suisse, qui jouissait de la faveur particulière de la reine. Douze mille hommes de troupes, dont faisait partie le beau régiment de royal-allemand cavalerie, commandé par le prince de Lambesc, de l'illustre maison de Lorraine, furent cantonnés dans Versailles, dans les faubourgs et les environs de Paris. M. le maréchal de Broglie, qui à toutes les qualités guerrières joignait toutes les vertus chrétiennes, fut nommé commandant en chef de ces troupes, et ce choix aurait

suffi seul pour repousser tous les doutes injurieux aux intentions du roi, et prouver que le dessein de la cour n'était que d'assurer l'ordre et la tranquillité publique contre les entreprises des séditieux, par des moyens compatibles avec la dignité d'un grand monarque.

A la vue des troupes, des canons et des patrouilles nombreuses qui protégeaient le roi contre toute insulte, la terreur s'empara de l'esprit d'un grand nombre de députés.

Les agitateurs qui soufflaient le feu de l'insurrection disaient hautement,dans le sein de l'Assemblée et dans les groupes du Palais-Royal, que l'on avait placé sur les hauteurs de Montmartre des canons, des mortiers, des bombes, pour foudroyer Paris ; que la salle de l'Assemblée était minée et devait sauter en l'air. (1). L'imagination exaltée jusqu'au délire, ne voulait ou ne pouvait pas voir que cour et les ministres étaient plus intéressés que qui que ce pût être à ce qu'une ville qui renfermait ce qu'ils avaient de plus précieux et de plus cher ne fût pas saccagée.

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Ce fut dans ces circonstances périlleuses, le 11 juillet au soir, que M. Necker reçut ordre de sor

(1) Non-seulement quelques députés fanatisés assuraient que la salle de l'Assemblée était minée, mais même il y en eut un qui alla jusqu'à prétendre qu'il avait senti l'odeur de la poudre : à quoi un autre député, M. le comte de Virieu, répondit que la poudre n'avait d'odeur que lorsqu'elle était brûlée. '

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tir du royaume le plus secrètement possible. Le lendemain on sut de bonne heure le départ de ce ministre et la formation d'un nouveau ministère dans lequel entraient M. le maréchal de Broglie, M. le baron de Breteuil, MM. Foulon, de la Galaisière et de La Porte.

A cette nouvelle, Paris et l'Assemblée prirent l'alarme.

Quand la populace de Faris eut appris que sa principale idole avait été éloignée, et que le bruit se répandit également que le duc d'Orléans pourrait bien également être exilé, elle alla chercher leurs images en cire dans une maison d'exposition du Palais-Royal, et elle les porta en triomphe dans les rues. En passant sur la place Louis XV, elle y trouva un escadron de royal-allemand rangé en bataille, aux ordres de M. le prince de Lambesc. Elle lança des pierres sur cette troupe. M. le prince de Lambesc, indigné de voir son régiment insulté, et bien persuadé qu'une première impunité n'est jamais qu'un acheminement à de plus grands excès, résolut de disperser cette troupe. Il prit les ordres de M. le baron de Besenval qui se trouvait alors près de lui, et, suivi d'une partie de ses cavaliers, il charga cette horde séditieuse. Elle prit aussitôt la fuite vers le pont-tournant des Tuileries, et jeta dans les fossés les deux bustes de ses héros, présage du sort qu'elle devait faire subir par la suite aux originaux. Un homme saisit en ce moment la bride du cheval du prince de Lam

de

besc, qui lui fit aussitôt lâcher prise par un coup plat de sabre. Un vieillard nommé Chauvet, maître de pension, ne put s'esquiver aussi vite qu'il le désirait; il tomba devant le cheval du prince, et l'on s'écria aussitôt que celui-ci l'avait blessé d'un coup de sabre. Telle fut l'aventure qui se trouva bientôt trompettée par tous les échos de la faction, comme un acte d'inhumanité envers de malheureux vieillards, tandis que, dans le fait, ce n'était que l'acte d'un guerrier qui avait fait son devoir en maintenant l'ordre public et en faisant respecter son caractère. L'on dénatura par la suite la vérité de cette action innocente avec tant d'acharnement, que beaucoup de gens croient encore aujourd'hui que le peuple fut sabré, et qu'on réussirait mal à vouloir persuader le contraire. Cependant le fait est que M. le prince de Lambesc ne blessa personne. Il avait ce jour-là pour aide-decamp un jeune officier d'une des plus respectables famille de la robe, M. Félix Lepelletier, qu'on a vu ensuite jouer le rôle du démagogue le plus forcené (1).

(1) Les faits qu'on vient de lire demanderaient quelques notes; mais nous pensons qu'il vaut mieux confronter le récit de Weber avec celui que font, des événemens de cette époque, Ferrières, Bailly et Dusaulx, dont les Mémoires sont compris dans cette collection. C'est du rapprochement de ces divers témoignages que sortira la vérité. Nous sommes obligés de retrancher ici du récit de Weber beaucoup de détails qui se trouvent dans les autres Mémoires, afin d'éviter d'inutiles répétitions. (Note des nouv. édit.)

L'émeute de la place Louis XV ayant été dissipée par la fermeté de M. le prince de Lambesc son régiment retournait à la caserne vers les neuf heures du soir. En passant sur le boulevard dit de la Chaussée-d'Antin, vis-à-vis le dépôt des gardesfrançaises, une compagnie de ces soldats infidèles que les clameurs populaires avaient animés contre royal-allemand, sort de cette caserne, se met en bataille et fait feu, à quelques pas de distance, sur les cavaliers de royal-allemand. Cette décharge mit trois hommes sur le carreau et blessa plusieurs chevaux. Dans l'impossibilité de forcer cette compagnie dans sa caserne, et dans l'incertitude où l'on était des dispositions des autres compagnies de ce régiment, qui étaient casernées dans différens quartiers de Paris, M. le prince de Lambesc ne voulut pas exposer sa belle et fidèle troupe à être enveloppée par toute la populace de la capitale, soutenue de quatre mille hommes dont la rébellion était commencée ; il ordonna la retraite, et royal-allemand se replia sur Saint-Cloud.

Ce jour-là, M. de Besenval commandait en chef les troupes qui étaient rassemblées dans Paris. Son adjudant était alors ce même Alexandre Berthier qui, depuis, est devenu un des premiers personnages de l'ordre de choses qui a succédé en France à la monarchie (1). Le quartier-général

(1) Alexandre Berthier, qui depuis accompagna Napoléon en Italie, en Égypte, et fut son chef d'état-major dans presque toutes

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