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de ce prince, tel qu'il m'a paru pendant la révolution.

Le roi était un modèle de raison et de droiture. Quoiqu'impétueux dans certains momens, la généreuse facilité qui formait le fond de son caractère, lui faisait presque toujours prêter l'oreille aux avis qui semblaient dictés par la crainte. Ce ne fut jamais que lorsque le danger exista réellement pour lui, qu'il se montra ce qu'il devait être, résigné, ferme, magnanime, grand comme ce que l'antiquité nous vante dans ses héros. Mais lorsqu'il fallait agir pour prévenir le danger, la crainte de faire couler une seule goutte de sang pour ce qu'il appelait sa querelle, lui faisait adopter de confiance les conseils que lui suggéraient des amis pusillanimes, qui souvent étaient les amis de ses ennemis. Cette condescendance de sa part lui fut d'autant plus funeste, que souvent il ne cédait qu'après avoir employé un certain appareil des forces qui lui restaient pour défendre son trône, et que la facilité avec laquelle on vit qu'il renonçait à en faire l'épreuve, non-seulement enhardit toujours ses ennemis, qu'irritaient ces mesures, à lui préparer de nouvelles attaques, mais contribua encore à diminuer le zèle et l'ardeur d'une multitude de braves, qui, ne demandant qu'à répandre glorieusement leur sang pour la cause du roi, ne pouvaient supporter l'idée d'être massacrés par la populace, ou forcés à des retraites honteuses

Il n'est pas jusqu'aux partisans de la révolution à qui la condescendance de Louis XVI à suivre les conseils que la faiblesse lui donnait, n'ait paru un fléau public. Un d'eux, écrivant sous le règne du Directoire, s'écriait, « qu'il fut beau, qu'il fut >> grand ce mouvement de Louis XVI! Pourquoi » n'eut-il que la force de dire qu'il ferait seul le » bonheur des Français ? S'il avait eu le courage » de l'exécuter, nous n'aurions pas vu la tyrannie » de Robespierre et la sanglante fraternité des >> comités révolutionnaires. >>

Revenons à la suite des événemens. La séance royale devint le signal de l'insurrection. Pour la première fois les ordres du roi furent méprisés. Sa Majesté avait enjoint aux trois ordres de se diviser, et de se réunir séparément par ordre pour délibérer sur le plan qui venait d'être proposé. Les deux premiers sortirent et se rendirent dans leurs chambres respectives. Le tiers resta en séance comme Assemblée nationale. M. de Brezé, maître des cérémonies, se présenta, de la part du roi, et ordonna la levée de la séance. Mirabeau se levant, et arborant le premier l'étendard de la révolte, fit la fameuse réponse qui a obtenu depuis une si malheureuse célébrité : Dites à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple, et que nous n'en sortirons que par la puissance des baïonnettes.

L'abbé Sieyes, se résumant froidement au milieu du trouble général, dit avec audace à l'Assemblée :

« Messieurs, vous êtes aujourd'hui ce que vous » étiez hier. >>

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Enfin on se réunit pour aller en corps chez M. Necker, afin de l'engager à ne pas donner sa démission. La reine voyant ce mouvement insurrectionnel hors de l'Assemblée, aussi bien que dans la salle des séances, apprenant que les ordres du roi avaient été méconnus, et les nouvelles de Paris annonçant que le Palais-Royal retentissait des motions les plus atroces contre la famille royale ; la reine, dis-je, appela M. Necker, et elle lui demanda de la manière la plus pressante de renoncer au projet qu'il avait formé de donner sa démission. M. Necker le promit au roi et à la reine.

Cette nouvelle fut reçue avec acclamation par la multitude qui se portait tumultueusement au château. Elle reconduisit M. Necker en triomphe à sou logement.

La cour eut la douleur de voir ce triomphe sous ses yeux. L'intérêt que le peuple témoigna ce jourlà à M. Necker, en fit, en quelque sorte, le véritable roi de France. Je vis ce ministre traverser à pied les corridors et les galeries du château, suivi d'une foule immense qui l'applaudissait ; et rentré chez lui, paraître à sa fenêtre, et saluer le peuple, qui lui répondait par des Vivat.

M. Necker dominait alors véritablement. Il profita de l'effervescence qui régnait, pour conseiller au roi d'écrire aux membres de la noblesse et du clergé non réunis, qui venaient d'accepter pure

ment et simplement la déclaration du 23 juin, que « touché de la marque de fidélité qu'ils lui >> donnaient en acceptant sa déclaration, Sa Ma»jesté ne pouvait cependant se dispenser de les » inviter de se réunir avec ceux qui ne l'acceptaient

›› pas.. »

Dès que les députés des deux premiers ordres eurent reçu l'invitation du roi à se réunir, ce qui était pour eux un ordre, ils s'empressèrent d'obéir commé des victimes qui se dévouent volontairement pour la tranquillité publique. Cette réunion s'opéra le 27 juin. Ce fut un jour de triomphe pour le tiers. Paris et Versailles célébrèrent par des illuminations un événement qui ne présageait que de nouveaux outrages, car il précipitait les victimes dans la main de leurs bourreaux.

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La joie que cette réunion avait causée parmi la populace et les partisans de la révolution, n'empêcha pas la fermentation d'aller toujours en croissant. Les motions les plus horribles se succédaient au Palais-Royal, non-seulement contre les nobles auxquels on avait attaché la dénomination d'aristocrates, et contre le clergé que l'on cherchait à flétrir par l'injure grossière de calotins', mais encore contre les princes de la maison de Bourbon, à l'exception de la branche d'Orléans; contre l'amie de la reine, madame de Polignac; contre la reine ellemême. Les gardes-françaises, dont la fidélité était corrompue journellement, étaient dans un état d'insubordination complète, et tout prêts à se

joindre à la populace, quelque acte de rébellion qu'elle eût tenté : le peuple s'était déjà porté plusieurs fois aux barrières de la capitale, bureaux de la recette d'une des branches les plus productives du revenu public, les entrées de Paris (1). Il avait menacé de les incendier, et les commis du fisc ne percevaient plus qu'en tremblant les droits établis sur les consommations. La sûreté des députés marquans dans les deux premiers ordres était menacée; le roi se trouvait sur un volcan; le péril était imminent, et d'autant plus grand que la faction qui voulait le renversement de tout, savait qu'elle avait au Conseil du roi un soutien puissant dans un ministre disposé à ne voir dans les plus violens excès que l'opinion nationale, avec laquelle il conseillait perpétuellement au roi d'entrer en composition.

Le roi prit alors, sur l'avis de la majorité de son ministère, le parti de maintenir son autorité par la force, et de renvoyer de ses conseils ceux de ses ministres qui lui recommandaient de s'abandonner aux mouvemens de l'Assemblée nationale et de lui confier l'exercice de sa puissance souveraine. La distance des temps et des lieux à laquelle j'écris, me permet de dire aujourd'hui, à la gloire

(1) Les entrées de Paris rapportaient au Trésor royal, suivant le compte rendu de M. Necker, cinquante-huit millions tournois; sur quoi ce ministre observait que cette seule branche du revenu du roi de France surpassait tous ceux des rois de Suède, de Danemarck et de Sardaigne réunis. W..

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