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» M. Léon. Il est ici. Vous connaissez sûrement »sa personne et ses titres. Il y a plusieurs places » actuellement vacantes dans cette partie. Je le » nomme à une qui lui rapporte au moins autant » que celle qu'il a perdue. Souvenez-vous de m'en >> rendre compte, et au roi aussi, ajouta-t-elle avec » un sourire plus marqué, car il s'y attend. » L'abbé Terray lui-même sourit, s'incline, se retire, et revient le lendemain rendre compte à la dauphine de la nomination de M. Léon à une place meilleure que celle qui lui a été enlevée. « Cette nomination, ́» dit le contrôleur-général, n'est encore sue que >> du roi, de madame la dauphine, et de moi. C'est » à l'auguste protectrice de M. Léon à ordonner >> par qui elle veut qu'il en soit instruit. Par » moi,» répond la dauphine, qui remercie alors le ministre avec toute l'effusion de sa bienfaisance; et elle fait venir le père, la mère, les seize enfans, pour leur annoncer leur bonheur qu'elle appelle le sien.

La crainte que j'ai d'offenser la mémoire de Louis XV, la douleur que j'aurai bientôt de ne pouvoir lui sacrifier la vérité, enfin le désir de voiler avec respect les faiblesses des rois, dans des temps où leurs vertus sont calomniées avec acharnement, ne me permettront pas d'insister ici sur un mérite particulier et difficile que la dauphine eut trop souvent l'occasion de manifester vers la fin de ce règne. La personne qui s'était emparée alors de l'affection intime du monarque, ne sentit pas assez

que, pour pouvoir prétendre à un peu d'indulgence, elle devait au moins respecter en lui le père de famille; et que, satisfaite de posséder la personne du roi, elle devait laisser inviolable la dignité royale et la pureté domestique. Elle exigea des rencontres, insoutenables pour une vertu aussi sévère, pour une ame aussi élevée que l'étaient celles du dauphin et de la dauphine (1). Elle alla jusqu'à vouloir ap

(1) « On se rappelle que madame du Barry avait eu l'honneur » de se mettre à table à côté de la fille de Marie-Thérèse, et » qu'elle lui avait été solennellement présentée. Les mœurs de » la cour de Louis XV étaient peu faites pour ces jeunes époux : > ils avaient l'un pour l'autre un véritable attachement; et, re>> doutant la contagion, ils restaient presque toujours dans leur » appartement. Se montrant rarement en public, ils semblaient » se refuser aux acclamations qui ne manquaient jamais de les » accueillir. » Les lignes qu'on vient de lire sont extraites de l'article que M. Michaud jeune a consacré à la mémoire de MarieAntoinette, dans la Biographie universelle.

Les désordres qui régnaient alors à la cour de Louis XV devaient naturellement exciter dans le cœur du dauphin et de sa jeune épouse les sentimens d'une indignation vertueuse. En retraçant, avec la sévérité qui sied à l'histoire, des jours marqués par un si grand scandale, M. Lacretelle jeune peint en ces mots celle qui en était l'objet :

<< Cette courtisane, qu'on appelait alors mademoiselle Lange, vivait avec un des hommes les plus corrompus de la capitale, le vicomte du Barry. On le désignait par cet infâme titre de roué, que le régent avait imaginé pour ses compagnons de débauche, et que la corruption du langage et des mœurs avait maintenu dans quelques sociétés, pendant que le bon sens et l'honneur le proscrivaient dans d'autres. Sa dernière ressource était de tenir une maison de jeu. Pour en augmenter la célébrité, il y produisait mademoiselle Lange, dont la beauté avait le plus grand éclat, malgré une prostitution précoce. Le valet de chambre, à qui le roi avait long

procher de leurs personnes un de ses parens, en lui faisant donner une des plus grandes places de la cour. Louis XV, qui avait toujours le sentiment du vrai, résista long-temps, céda enfin, en disant peu près ce que Louis XIV avait dit sur son

à

temps confié la direction d'un harem trop peu clandestin, communiqua, dit-on, à du Barry, l'embarras où il était de satisfaire un maître que l'âge et la satiété rendaient difficile sur ses plaisirs. Du Barry vit dans cette confidence le présage de la plus haute fortune. Il vanta les charmes de mademoiselle Lange. Le valet de chambre fut enchanté en la voyant; et, quoique sa mission lui prescrivit plus de réserve dans ses choix, il hasarda celui-ci pour vaincre la langueur du monarque. Mais lui-même fut étonné, et en quelque sorte confus, de l'ivresse que le roi montra en sortant des bras d'une femme qui n'empruntait rien de la pudeur pour embellir la volupté. Louis n'est contenu dans l'avilissante fureur de son nouveau goût ni par les conjectures qu'il doit former, ni par les révélations qu'on lui fait. A tous les momens il veut voir celle qui rajeunit ses sens et dégrade son ame. Il produit sa honteuse extase à tous ses familiers. Aucun d'eux cependant ne peut croire à la durée de ce caprice, et les plus complaisans n'osent encore feindre du respect pour une femme long-temps exposée au mépris. Quelques-uns d'entre eux, tels que le spirituel duc d'Agen, tâchent de rompre, par des plaisanteries, l'enchantement de leur maître. Le maréchal de Richelieu seul montre pour elle une admiration sans réserve, et paraît convaincu que nul genre d'honneur n'est au-dessus de tous les charmes. Bientôt la nouvelle favorite change de nom. Un pacte infâme lui a donné le titre de comtesse du Barry. Le vicomte de ce nom a trouvé dans son frère un homme assez vil pour épouser une telle femme à de telles conditions. La cour se peuple de nouveaux hôtes qu'on est étonné d'y voir : tous les lieux où s'entretient la corruption d'une grande capitale les envoient. Dans un séjour où la licence et la débauche même se voilent sous des expressions qui ne blessent point la pudeur, on entend un langage plus cynique même que celui du temps de la régence, et qui suppose un commerce plus habituel avec des êtres

testament : « Je le veux bien, mais vous ver» rez que d'autres ne le voudront pas. Vous ferez >> bien de savoir à quoi vous en tenir avant la no»mination. » En effet, le dauphin et la dauphine ne voulurent pas. Le premier annonça qu'il ferait un acte de justice sévère, le jour où le candidat s'approcherait de lui pour remplir les fonctions de sa place. La favorite se plaignit au roi de la menace de M. le dauphin; elle était en pleurs, et elle reçut pour toute réponse : « Il le ferait comme il » le dit, je vous en avertis. » Il fallut essuyer ses larmes et renoncer à la place. Il n'y a pas de doute que le monarque, dans le fond de l'ame, n'estimat la rigoureuse honnêteté de son petit-fils, et ne sût bon gré à celle qu'il lui avait choisie pour épouse,

dégradés. Louis, jusque-là de tous les monarques le plus fidèle à la décence extérieure, applaudit aux obscenes saillies de sa maîtresse, à des apostrophes qui seraient un crime dans tou .:é༄ auue bouche; enfin, beaucoup de courtisans vicieux sont étonnés de voir le vice dans une telle nudité. Ceux qui ont fléchi vingt ans devant madame de Pompadour, résistent à ce nouvel avilissement; le peuple insulte à la faiblesse du souverain ; tous les refrains qu'il chante sont une allusion à ces amours scandaleux. Louis peut apprendre par vingt libelles les noms de ceux qui ont souillé cette conquête à laquelle il attache un si grand prix. Ces libelles sont forgés dans son palais. La police est même soupçonnée de propager les écrits, les chansons qui avilissent le souverain. »

Le récit de pareils désordres se lie de bien près à l'histoire de la révolution. L'on trouvera plus bas, soit en note, soit dans les éclaircissemens, tout le reste de ce morceau qui fut tracé par M. Lacretelle, en 1810, avec une grande liberté, on peut dire même une grande hardiesse de pinceau.

(Note des nouv. édit.)

de sentir avec une fermeté noble mêlée d'une sage réserve, car elle y mettait toutes ces nuances, ce qu'elle devait à son sexe et à son rang, à sa naissance et à son époux (1).

Quand Louis XV fut attaqué de cette maladie. qui devait l'emporter, la dauphine partagea les seuls sentimens qui, dans cette crise terrible, agitaient le cœur de son époux, la douleur de perdre un père qui, au milieu de ses plus grandes faiblesses,

+

(1) Madame la dauphine sentait pourtant parfaitement qu'il était pour tout autre des situations où l'on pouvait sans honte se rapprocher de la favorite. Un fils de madame Thibault, première femme de chambre de Marie-Antoinette, s'était battu en duel dans le parc de Compiègne, et avait eu le malheur de tuer son adversaire. La mère sollicita aussitôt les bontés de madame la dauphine en faveur de son fils, et, par cette puissante intercession, parvint à le soustraire à la sévérité des lois. Une personne de la cour s'étant permis de aire à la princesse que madame Thibault n'avait imploré sa protection qu'après avoir essuyé un refus de madame du Barry, madame la dauphine s'écria : Si j'étais mère, pour sauver mon fils je me jetterais aux genoux de Zamore. C'était le nom du petit nègre de madame du Barry. Parole touchante, bien digne de la mère qui, dans la plus solennelle circonstance, fit entendre un mot si sublime *.

W.

* Parmi plusieurs traits qui peignent la bassesse du chancelier Maupeon auprès de madame du Barry, M. Lacretelle en cite un bien remarquable. « On prétend, dit-il, que ce magistrat jouait en simarre » avec Zamore, et qu'il supportait les plus impudentes espiègleries » de cet enfant qui avait acquis de l'influence à la cour.

» Ce même nègre, Zamore, continue-t-il, fut, pendant la révolution, le dénonciateur de sa bienfaitrice, et la fit conduire à l'échafaud par » ses dépositions. »

(Note des nouv. edit.)

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