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miers mobiles de ces tentatives intérieures qu'on faisait pour résister aux volontés impérieuses de M. Necker, tentatives que d'autres appelaient intrigues. Une telle insolence, de la part d'un ancien ministre envers les frères et l'épouse de son souverain, aurait droit d'exciter toute notre surprise et notre indignation, s'il ne s'y joignait, dans le cours du même chapitre, un langage qui porte l'empreinte de la déraison plus que de la forfanterie; telles sont ses expressions: « Je conseillais >> exactement ce qu'il fallait pour gagner l'opinion publique, et rien de plus. On devait s'en fier à » moi pour une telle appréciation; et certes je la >> connaissais mieux cette opinion publique, je lá >> connaissais mieux que des courtisans brouillés >> avec elle depuis si long-temps... On aurait >> aperçu, en y regardant bien, que je n'avais aucun >>> culte politique, et que je suivais la raison par»tout où je croyais distinguer sa lumière (1) »

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Ce qui paraît avoir le plus contrarié ce ministre, c'est le premier article de la déclaration par la

(1) On serait tenté de croire, en lisant cette phrase, que c'est elle qui a suggéré l'idée des fêtes de ces déesses de la Raison, que l'on célébra dans toute la France sous Robespierre *.

W.

* Dans un procés de cette espèce, on doit toujours entendre les deux parties en conséquence, sans nous arrêter à la remarque malveillante de Weber, nous invitons les lecteurs à suspendre leur jugement jusqu'à la publication des Mémoires de M. Necker. Assez d'événemens se sont

quelle le roi disait : « Le roi veut que l'ancienne distinction des trois ordres de l'État soit conser

» vée en son entier, comme essentiellement liée » à la constitution de son royaume ; que les dépu»tés librement élus par chacun des trois ordres, >> formant trois chambres, délibérant par ordre et »pouvant, avec l'approbation du souverain, déli>> bérer en commun, puissent seuls être considé» rés comme formant le corps de la nation. » Au lieu de cette disposition digne d'un roi qui veut maintenir les lois fondamentales en vertu desquelles ses ancêtres lui ont transmis le trône, M. Necker, fidèle à son système particulier, mais n'osant pas le développer encore, ou bien ne sachant comment s'y prendre pour le faire, désirait que Sa Majesté s'en chargeât, ou, comme il le dit lui-même, «< que >> le roi fit un pas vers une constitution semblable >> à la constitution d'Angleterre, en déclarant qu'il >> refusait son assentiment à toute espèce de cons>>titution qui ne serait pas composée au moins de >> deux chambres. » J'ai déjà indiqué toutes les raisons que le roi avait de se refuser à favoriser la désorganisation du trône.

Au milieu de l'effervescence qui agitait les esprits, ce plan n'aurait vraisemblablement pas eu

passés depuis cette époque, assez de Mémoires ont été mis au jour pour qu'on puisse se former une opinion motivée sur cet homme d'État, sans se laisser influencer, soit par ses partisans, soit par ses détracteurs, soit par l'admirable talent de sa fille qui lui voua un véritable culte. édit.)

(Note des nouv.

plus de succès que celui que le roi adopta; il est même assez naturel de croire qu'il aurait encore moins satisfait les factieux, et qu'il aurait indisposé les deux premiers ordres, qui voulaient conserver leur existence, en restant fidèles aux anciennes lois de la monarchie. Après la séance royale, les deux premiers ordres se retirèrent dans leurs chambres, et le tiers-état seul se mit en insurrection.

La principale cause de la résistance que cet ordre opposa ce jour-là à la déclaration et aux commandemens du roi, fut l'absence de M. Necker. le ministre tint en cette occasion une conduite que rien ne peut justifier. Il s'abstint de paraître. Il osa contester au roi le droit d'avoir une opinion dans son Conseil, aussi-bien que chacun de ses ministres, lorsqu'il s'agissait d'une disposition qui intéressait sa religion, son honneur, la foi due à ses sermens, le maintien de sa couronne, les droits de ses descendans et la tranquillité de toutes les classes de ses sujets. En adhérant ostensiblement à une démarche contraire à leurs conseils, MM. de Montmorin et de Saint-Priest ne perdirent point eux-mêmes dans l'opinion publique, comme M. Necker confesse avoir eu peur de le faire, s'il eût paru à la séance. Puisque celui-ci connaissait şi bien sa popularité, il ne devait pas ignorer que son absence des états-généraux, ce jour-là, augmenterait l'agitation populaire, et que cette seule circonstance pouvait mettre la personne du roi dans un danger imminent; mais, en cette occasion, deux

sentimens différens déterminèrent sa résolution de ne point paraître aux états-généraux et de donner sa démission: l'un était son orgueil blessé de voir que le roi résistât à ses vues impérieuses, et la certitude que la clameur populaire obligerait Sa Majesté à recourir, même involontairement, à lui; l'autre, je dois le dire, paraît avoir été l'inquiétude que lui faisait concevoir cet acte d'autorité, même tel qu'il l'avait conçu. Je ne balance pas à croire qu'après avoir tout disposé pour la séance royale, M. Necker fut effrayé de l'épreuve qu'il allait faire de sa faiblesse contre une assemblée bouillante d'impétuosité, et qu'au moment d'exécuter l'acte de vigueur qu'il avait projeté, il fut fort aise de trouver un prétexte spécieux pour s'en isoler et en rejeter l'exécution et les risques sur des individus qui ne s'étaient pas faits comme lui les serviteurs de la révolution.

J'ai vécu, pendant les trois années qui ont suivi cette époque, avec des personnes qui approchaient le roi tous les jours. Je leur ai constamment ouï dire que ce prince ne pouvait jamais parler des dispositions qu'il avait annoncées à cette séance, sans ressentir la plus vive émotion. « Ils y reviendront,

'disait-il: il faudra qu'ils en reviennent, malgré » eux, à ma déclaration du 23 juin. » Ce fut encore là le langage qu'il tint, lorsqu'il put s'exprimer librement, je veux dire dans la déclaration qu'il énvoya à l'Assemblée lors de sa fuite de Paris.

Je porte trop de respect à la mémoire de Marie

Antoinette, pour chercher à approfondir la vérité de ce que M. Necker a osé imprimer après la mort de cette princesse : « Qu'elle seule avait pu se per» mettre d'interrompre le Conseil d'État; que les » princes l'avaient apparemment circonvenue, et » que l'on voulait par sa médiation éloigner la dé»cision du roi. » Mais en admettant même que cette allégation fût vraie, la fille de Marie-Thérèsé n'aurait fait que remplir les devoirs que son rang et son caractère lui prescrivaient. Fille d'une des plus héroïques reines du monde, épouse d'un grand monarque, mère des héritiers présomptifs du trône, elle avait, certès, à tous égards, le "droit d'intérvenir dans tout ce qui pouvait porter atteinte à la couronne de son époux et aux droits de ses en fans. Les princes avaient un droit égal de surveil lér les conseils que donnaient au roi des hommes parmi lesquels ils savaient qu'il y avait des factieux, et si, parmi les conseillers particuliers de la reine et des princes, on trouvait dans ces circonstances les chefs de la magistrature, ceux du clergé, les prin→ cipaux membres de l'ordre de la noblesse, et cês mêmes magistrats qui, jadis si ardens à défendre les droits du peuple, ne l'étaient pas moins alors à défendre ceux de la couronne, Marie-Antoinette agissait comme elle devait le faire, en employant auprès de Louis XVI, pour neutraliser les conseils perfides, toute l'influence qu'elle avait acquise sur lui par son affection et son énergie.

Ceci m'oblige naturellement à tracer le portrait

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