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» l'avoir mieux mérité par ses sentimens que la >> nation française? >>

Cette déclaration si connue roulait sur tous les cahiers, sur tout ce qui formait depuis si longtemps les vœux de la nation: impôts, emprunts, publicité de l'état des finances, réduction des sommes attribuées aux divers départemens et à la maison du roi, consolidation de la dette publique, abolition des priviléges pécuniaires de la noblesse et du clergé, abolition de la taille et du franc-fief, respect pour les propriétés de tout genre et pour les prérogatives utiles et honorifiques des terres et des personnes, ennoblissemens, lettres-de-cachet, liberté de la presse, domaines, douanes, liberté du commerce, gabelles, code civil et criminel, corvée, droit de mainmorte, capitaineries, milice, surtout la liberté personnelle, l'égalité des contributions et l'établissement des états provinciaux. Sa Majesté expliquait sur tous ces points sa volonté et ses désirs. Elle termina la séance par ces paroles remarquables : « Si vous m'abandonnez >> dans une si belle entreprise, je ferai seul le bien >> de mes peuples.... Il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de » ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter >> ses bienfaits. » Le roi, en se retirant, enjoignit aux trois ordres de se séparer tout de suite, et de reprendre leurs séances le lendemain, chacun dans sa chambre respective.

>>

Cette déclaration aurait dû être reçue aux ac

clamations de la joie et de la reconnaissance publiques (1).

Cependant les effets de cette séance royale ne répondirent pas à ce qu'en attendaient ceux qui l'avaient conseillée. Ce mauvais succès fut dû à plusieurs causes. D'abord elle venait trop tard. Six mois plus tôt, elle eût fait perdre jusqu'à l'idée, jusqu'au désir des états-généraux; mais, à l'époque à laquelle on était parvenu, les états étaient déjà assemblés; le roi, venant au milieu d'eux achever leur ouvrage, faisait par-là même un affront sensible à une foule de personnes arrivées de tous les points du royaume pour faire des lois. Cette démarche du roi humiliait trop d'amours - propres, étouffait trop de prétentions à la gloire et à la fortune, pour être accueillie favorablement. En second lieu, un de ces événemens qu'on ne saurait prévoir et dont on ne saurait trop calculer les suites, influa sur le sort de la séance royale. M. Necker

(1) On peut lire, dans les Mémoires du marquis de Ferrières, les raisons pour lesquelles la déclaration ne fut pas reçue avec joie ou reconnaissance. D'abord, cette séance fameuse eut l'air d'un lit de justice; ensuite, le roi parla en maître absolu, et se servit, pour la première fois, de formes qui, dans la circonstance, auraient exigé des adoucissemens, supposé qu'on en eût fait précédemment usage. Enfin, Necker ne parut pas à cette séance ; ce qui donna lieu de croire qu'il désapprouvait la déclaration qu'y fit Louis XVI. Cependant c'était ce ministre, ainsi qu'il le dit luimême dans son ouvrage sur la révolution française, qui avait conseillé le roi. Dans une prochaine note, nous examinerons les reproches qu'on lui fit à ce sujet. (Note des nouv. édit.)

n'y assista pas; et telle était encore la popularité de ce ministre, que son absence parut une calamité générale. On dit que la raison pour laquelle il n'avait pas jugé à propos d'y assister, était qu'il ne l'approuvait pas. Ce désaveu présumé de sa part fut bientôt confirmé par la nouvelle qu'il avait donné sa démission (1).

il

(1) M. Necker donne d'autres motifs au refus qu'il fit d'assister à la séance. (Voyez ses Mémoires.) Voici les conjectures qu'on faisait et les reproches qui lui étaient adressés. On prétendait que la question se réduisait à savoir s'il était de son devoir de s'y trouver; s'il devait accompagner son maître, si, dans les circonstances critiques où l'on était, sa présence ou son absence étaient indifférentes. Quelque fondées, quelque plausibles qu'eussent été les raisons qu'avait ce ministre pour ne point paraître avec le roi, n'en devaitpas le sacrifice à ce prince? Ses intentions ne pouvaient guère être justifiées qu'aux dépens de ses lumières. Il fallait qu'il fût inhabile, ce qu'on ne pouvait croire aisément, ou qu'il fût mal intentionné, ce qui ne lui était pas plus favorable. Tels étaient les reproches dont M. Necker était l'objet. En attendant la publication de ses Mémoires, nous nous contenterons de rapporter ici ce qu'écrivit à ce sujet son illustre fille, dans ses Considérations sur la révolution française (tome III, page 218). « Un jour très-prochain, dit-elle, était choisi pour la séance royale, lorsque les ennemis secrets de M. Necker déterminèrent le roi à faire un voyage à Marly, séjour où l'opinion publique se faisait encore moins entendre qu'à Versailles. Les courtisans se placent d'ordinaire entre le prince et la nation, comme un écho trompeur qui altère ce qu'il répète. M. Necker raconte que le soir du Conseil d'État, dans lequel la séance royale devait être fixée pour le lendemain, un billet de la reine engagea le roi à sortir du Conseil, et la délibération fut renvoyée au jour suivant. Alors deux magistrats de plus furent admis à la discussion, ainsi que les deux princes frères du roi. Ces magistrats ne connaissaient que les anciennes formes, et les princes,

Les amis de ce ministre ont vainement tenté de justifier la conduite qu'il tint dans cette occasion. La manière dont il a lui-même essayé de rendre compte, dans son ouvrage sur la révolution, de tout ce qui précéda et suivit cette séance royale, n'est pas moins indécente que remplie de cette morgue qui le caractérisa dans tous les temps. Le roi fit un voyage à Marly à cette époque. Il était tout naturel que Sa Majesté, voulant examiner dans le calme et le recueillement une mesure d'où dépendait le maintien de son autorité et la tranquillité de ses États, s'éloignât du tumulte de Ver

jeunes alors, se confiaient trop dans l'armée. » Les discussions qui eurent lieu et dont le résultat fut d'apporter dans le plan du ministre des modifications importantes, durèrent près d'un mois. Pendant ce temps, le tiers grandit, suivant l'expression de madame de Staël. « M. Necker, ajoute-t-elle, lutta, contre les nouveaux adversaires qu'on lui opposait, avec une énergie étonnante dans un ministre qui désirait certainement de plaire au roi et à sa famille. Mais il était si convaincu de la vérité de ce qu'il affirmait, qu'il montra dans cette circonstance une décision imperturbable... On ne voulait pas condescendre à ses conseils, mais on aurait souhaité que sa présence à la séance royale fît croire aux députés du peuple qu'il approuvait la démarche adoptée par le conseil du roi. M. Necker s'y refusa en envoyant sa démission. » Cette démission et l'absence du ministre, pendant la séance royale, produisirent un tel effet, que Louis XVI et la reine le pressèrent de rester et de reprendre le portefeuille ce qu'il fit. Le triomphe qu'il obtint alors fit supposer qu'il était entré du calcul dans sa conduite. Peut-être les apparences y donnèrent-elles lieu, Mais comme l'histoire ne tient compte des intentions que quand elles sont connues, nous devons nous borner à rappeler ces faits.

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(Note de nouv. édit.)

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sailles et du spectacle de l'effervescence populaire qui régnait autour du château. M. Necker a osé dire « qu'on avait décidé ce voyage pour être plus » à portée d'environner le roi, et de combattre » dans son esprit les plans du ministère, » c'est-àdire les siens; puis il ajoute avec sardonisme, «< qu'il » se fiait à la force de la raison du soin de com>> battre et d'écarter toutes ces tentatives inté>> rieures que d'autres appelaient intrigues, en >> croyant bien connaître et leurs premières causes » et leurs premiers mobiles..... » Ailleurs il imprime «que l'affaire ayant été discutée chez le roi, » et qu'une approbation pleine et entière de la >> part du prince s'étant réunie à la volonté alors » unanime de ses ministres, le Conseil allait finir, » lorsqu'on vit entrer inopinément un officier de » service qui s'approcha du fauteuil du roi, lui » parla bas, et que sur-le-champ Sa Majesté se leva, >> en ordonnant à ses ministres de rester et d'at>> tendre son retour. Ce message, au moment où » le Conseil était près de sa fin, dut nous surprendre »tous. Un ministre assis près de moi, me dit sur»le-champ: Il n'y a rien de fait; la reine seule a » pu se permettre d'interrompre le Conseil d'État: » les princes apparemment l'ont circonvenue, et l'on veut, par sa médiation, éloigner la déci>>sion du roi. D

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Ainsi la conséquence naturelle de ces deux phrases, est que c'étaient la reine et les princes français qui étaient la première cause et les pre

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