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Sieyes, il fut déclaré, à la suite de cette vérification, « que l'Assemblée était déjà composée des » quatre-vingt-seize centièmes de la nation; qu'une » telle masse de députés ne pouvait rester inactive, » par l'absence de quelques classes de citoyens; » qu'il n'appartenait qu'à elle d'interpréter et de >> représenter la volonté générale de la nation; » qu'il ne pouvait exister, entre le trône et une » telle Assemblée, aucun pouvoir négatif ; qu'en >> conséquence la dénomination de représentans » connus et vérifiés de la nation était la seule qui >> convint à l'Assemblée; et qu'il fallait commen>> cer sans retard l'oeuvre de la restauration, en >> conservant l'espoir de réunir les députés absens >> et de partager avec eux les travaux qui devaient >> procurer la régénération de la France. »

Après de longs et vifs débats, les communes, rejetant le titre de Représentans connus et vérifiés de la nation, adoptant d'ailleurs la motion dans son entier, se déclarèrent dans la nuit du 16 au 17 juin, Assemblée nationale.

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La cour prit ombrage avec juste raison, et elle arrêta des mesures pour prévenir les malheurs qu'elle redoutait. La cause de la noblesse et du clergé se trouvait naturellement liée à celle du gouvernement. La marche de ces deux ordres avait été si modérée, et celle du tiers-état, au contraire, était si vive, que ceux-là, disait-on, n'avaient cherché qu'à conserver, tandis que celui-ci ne voulait que détruire. La différence était, en quel

que sorte, de la défensive à l'offensive (1). Le roi craignit que l'Assemblée ne se mit entre lui et son peuple; c'est pourquoi il voulut intervenir luimême entre son peuple et l'Assemblée nationale. Il

(1) Voici une anecdote consignée dans les Mémoires du temps, qui prouve l'importance que l'amour-propre donnait aux plus petites choses. Elle est racontée par un témoin oculaire.

« Comment se défendre de parler d'une tracasserie qui a presque fait diversion, du moins pendant deux fois vingt-quatre heures, aux grandes querelles sur les priviléges, sur le tiers, sur le quart? Il y avait fort long-temps que madame la comtesse de Brionne n'avait été invitée par billet au Palais-Royal. Surprise de recevoir de madame de Reuilly, dame d'honneur de madame la duchesse d'Orléans, un billet écrit avec toute la sécheresse du protocole établi entre les princesses du sang et les femmes de qualité, elle crut apparemment pouvoir lui donner une leçon. Dans un moment d'humeur, elle dicta donc la réponse suivante, où l'on reconnaîtra, sans doute difficilement, la mesure et la grâce qui distinguent habituellement son esprit, mais où l'on crut reconnaître un dédain très-marqué pour le tiers-état, classe dans laquelle madame de Brionne semblait confondre madame de Brienne, en supposant une erreur de nom.

« J'ai l'honneur de vous envoyer, Madame, un billet dont la >> destination me paraît pour madame de Brienne; le style de cette » invitation semble, en effet, devoir la conduire vers le tiers; et » ce qu'il y a de certain, c'est que je ne suppose pas qu'il soit » dicté pour moi. Recevez, Madame, je vous prie, l'expression » de tous les sentimens avec lesquels j'ai l'honneur d'être très>> sincèrement votre très-humble et très-obéissante servante,

>> De Rohan, comtesse de Brionne. >>

» Madame de Reuilly n'a pas cru devoir se dispenser de montrer ce billet à madame la duchesse d'Orléans; on l'a trouvé trop curieux pour ne pas le publier, et le jour du souper, où il y avait cent cinquante personnes, M. le duc d'Orléans s'est diverti à le

fit annoncer que, le 25 juin, il tiendrait une séance 23 royale, et, en attendant, la salle des états-généraux fut fermée et entourée de gardes. Cette mesure fut annoncée aux représentans de la nation le 20 juin au matin. L'ordre du clergé et celui de la noblesse se soumirent de bonne grâce à rester inactifs jusqu'à ce que le roi leur eût fait connaître ses volontés. Mais l'ordre du tiers, qui s'était constitué depuis deux jours en Assemblée nationale, voulut faire un premier essai de ses forces, en désobéissant aux ordres du roi. Enflammée par ses propres fureurs et par celles des spectateurs que Paris vomissait tous les matins à ses séances, animée par la populace de Versailles, qui, nourrie par la cour, eut la folie et l'ingratitude de déchirer ses bienfaiteurs, l'Assemblée se réfugia dans un jeu de paume, et osa tenir en ce lieu une longue séance dont le résultat fut « que, dans les conjonctures >> alarmantes où se trouvaient les députés de la na» tion, il fallait se jurer qu'on se regardait comme » à jamais inséparables, jusqu'à ce que la France

faire coller sur la glace de la cheminée et à en laisser prendre copie à qui l'a voulu : tout Paris en a été inondé le lendemain. Nous n'avons pas cru qu'il nous fût permis de vous laisser ignorer une production qui a obtenu une si grande célébrité. Madame de Brionne ne pardonnera jamais à madame de Reuilly, et lui pardonnera d'autant moins qu'elle ne peut se consoler, et surtout dans la circonstance présente, d'avoir laissé échapper une phrase qui semble avoir une intention si désobligeante pour madame de Brienne. » Corresp. de Grimm, février 1789.

(Note des nouv. édit.)

» eût une constitution fixe et uniforme, et que l'on » se réunirait dans tous les lieux où l'on en aurait » la possibilité. >> Chacun prêta ce serment qui a eu depuis des conséquences si funestes. Cette conjuration (1) eut lieu sous la présidence de M. Bailly, député du tiers, de la ville de Paris, l'un des quarante de l'Académie française; la délibération fut rédigée par M. Mounier, député du Dauphiné, et signée par tous les membres, à l'exception d'un seul, M. Martin d'Auch (2), qui, au sortir de la séance, n'échappa aux fureurs de la populace que par le soin que l'on prit de dire qu'il était tombé en démence.

Dans l'intervalle du 20 au 25 juin, les partisans de l'autorité royale, la reine, les princes du sang, les magistrats dont l'opinion devait avoir le plus de poids, se réunirent pour représenter au monarque qu'il devait déclarer, dans la séance royale

(1) L'auteur a l'air de croire et de vouloir persuader que le serment du jeu de paume fut le résultat d'un complot, tandis qu'il fut spontané. Lorsque les députés du tiers se présentèrent, le 17 juin 1789, à la salle des états, ils la trouvèrent gardée par des Suisses. Après avoir verbalisé, les députés se retirèrent; Bailly, leur président, leur indiqua le jeu de paume de la rue SaintFrançois, comme un lieu propre à leur réunion. Ils s'y rendirent et prêtèrent le serment de ne jamais se séparer, et de continuer leurs assemblées jusqu'à ce que la constitution du royaume fût établie. Voyez les Mémoires de Ferrières, témoin oculaire, impartial et véridique, T. I, liv. I.

(Note des nouv. édit.)

(2) Il signa le procès-verbal, mais en ajoutant le mot opposant.

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projetée, qu'il voulait conserver la distinction des trois ordres comme essentiellement liée à la cause de la monarchie et à la constitution de l'État. Le roi se détermina à faire cette déclaration.

Enfin, le 23 juin, cette séance eut lieu. Les trois ordres se réunirent à l'heure indiquée par le roi pour l'ouverture de cette séance. Sa Majesté l'ouvrit par un discours où elle se plaignit de la division qui régnait parmi les ordres, division si funeste à l'ouvrage de la restauration, et si contraire aux vœux les plus chers de son cœur. Ce discours fut suivi d'une déclaration que lut M. le garde-dessceaux. Elle était précise et impérieuse sur l'ancienne distinction des trois ordres. Elle statuait sur le régime particulier, sur les formes des délibérations, et sur la nature des mandats; elle dérobait aux recherches de l'Assemblée les droits antiques, utiles ou honorifiques des ordres, et l'organisation à donner aux prochains états-généraux : enfin, elle cassait et annulait la fameuse délibération prise par le tiers le 17 du même mois, et toutes celles qui en avaient été la suite comme illégales et inconstitutionnelles. Par cette déclaration, la salle devait être fermée au public.

Après cette lecture le roi annonça une seconde déclaration qui contenait, en trente-cinq articles, tous les bienfaits que Sa Majesté accordait à ses peuples. « Je puis dire, sans me faire illusion, » ajouta Sa Majesté, que jamais roi n'en a autant >> fait pour aucune nation; mais quelle autre peut

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