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marchait plus mollement : il suspendait la vérification de ses pouvoirs, se regardant comme non constitué, et offrait sa médiation aux deux autres ordres.

Mais, tandis que les communes, retranchées dans leur force d'inertie, embarrassaient de leur contenance et de leur masse les députés de la noblesse et du clergé, l'opinion publique prenait une marche très-vive dans la capitale. La foule des curieux couvrait le chemin de Paris à Versailles. La noblesse et le clergé fermaient avec raison leur chambre à la curiosité du public. Le tiers-état, dont la salle était ouverte à tout le monde indistinctement, associait, pour ainsi dire, le peuple à ses travaux et à son esprit ; et l'on s'aperçut bientôt des effets de cette popularité : la capitale s'émut et fermenta; le Palais-Royal devint le foyer des flammes qui étaient allumées dans toutes les têtes; il s'y forma comme une autre assemblée du tiers-état qui, par la vivacité de ses délibérations, la continuité de ses séances, et le nombre de ses membres, l'emportait sur celle de Versailles. Ces nouvelles communes faisaient motions sur motions, arrétés sur arrétés: elles avaient leurs orateurs ; et non-seulement elles rivalisaient déjà, mais Dientôt elles fraternisèrent avec les véritables communes. On vit arriver à Versailles leurs députés, et ils furent reçus et entendus dans la salle. Dans peu, le clergé et la noblesse se ressentirent de la commotion générale. Un certain nombre de députés de l'une et l'autre

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chambre se préparèrent à venir faire la vérification de leurs pouvoirs dans la salle des communes. Une partie du clergé y passa d'abord, et bientôt elle fut suivie de la minorité de la noblesse.

Ce fut au milieu de ces débats, qui excitaient les plus grandes agitations dans la capitale et les plus vives inquiétudes de la cour, que Marie-Antoinette eut la douleur de perdre Mgr. le dauphin. Ce jeune prince était dans sa huitième année. II donnait déjà les plus brillantes espérances; mais il était tombé depuis quelque temps dans un dépérissement affreux, et il souffrait les douleurs les plus cruelles. Il rendit le derniersoupir le 4 juin 1789, entre les bras et couvert des larmes de cette excellente mère à qui il répondait souvent qu'il ne souffrait que quand il la voyait pleurer. Cette perte prématurée brisa le cœur de Marie-Antoinette. Le chagrin qu'elle en ressentit se joignant aux sollicitudes que lui causait la situation du roi, cette complication de peines fit entièrement blanchir ses cheveux, quoiqu'elle n'eût que trente-quatre ans : elle se fit peindre vers ce temps-là ; et donnant son portrait à son amie madame de Lamballe, elle écrivit au bas ces mots touchans: Ses malheurs l'ont blanchie (1).

(1) Le souvenir de l'enthousiasme qu'avait inspiré précédemment la reine, donne à ces paroles quelque chose de plus triste encore que leur signification naturelle. La mode avait plus d'une fois épié le goût de cette princesse, pour l'adopter dans les couleurs,

Le roi ne fut pas moins sensible à la perte d'un enfant aussi cher. Cette mort le plongea dans le désespoir. Il resta plusieurs jours sans vouloir communiquer avec qui que ce fût. Il avait recommandé qu'on le laissât seul, et qu'on ne vînt, sous aucun prétexte, le distraire de sa douleur. Renfermé dans ses appartemens, il se livrait aux réflexions les plus sinistres. La chambre du tiers avait arrêté qu'une députation, à la tête de laquelle serait son président, irait présenter à Sa Majesté les condoléances de ses fidèles communes sur cet événement déplorable. La députation se présenta au château; et sur le refus qui lui fut fait d'être admise devant le roi, conformément aux ordres qui avaient été donnés, le président insista avec tant de grossièreté, prétendant qu'il avait un arrêté de son ordre à communiquer, qu'on fut obligé d'en préve

dans les parures. Le public semblait prendre plaisir à célébrer ses charmes, et la beauté de sa chevelure avait été l'objet d'un singulier hommage. Nous citerons encore, à ce sujet, la Correspondance secrète de la cour.

«La reine a fait faire à Lyon, pour son usage, des étoffes de la couleur de ses cheveux qui sont, comme vous le savez, Monsieur, d'un très-beau blond: sur-le-champ la couleur puce, qui, cet automne, a fait tourner la tête à nos femmes, à nos élégans, aux marchands et aux teinturiers, s'est éclipsée, et tous les gens qui savent se mettre s'habillent de blond. On fait faire des habits blonds, des robes blondes; on se sert depuis quelques années de harnais blonds, et je ne doute pas qu'un de nos évêques élégans ne se montre dans peu avec un carrosse blond. >>

(Note des nouv. édit.)

nir Sa Majesté (1). Louis XVI demanda si l'on avait informé ce président du motif qui lui faisait désirer d'ètre seul: sur la réponse affirmative, il s'écria douloureusement : « Il n'y a donc point de » pères dans cette chambre du tiers! » Et il ordonna qu'on introduisit la députation qui venait rouvrir ses blessures en lui parlant de l'objet de ses regrets.

Ce jeune prince était né le 22 octobre 1781, et il mourut au château de Meudon le 4 juin 1789. Son corps fut déposé sans pompe à Saint-Denis. Ce fut le dernier des princes de son sang qui descendit dans le caveau de ses pères. Hélas! il n'y reposa pas long-temps en paix. Les Vandales qui ont déshonoré la France de toutes les manières, violèrent le cercueil de cet auguste enfant le jour même où d'autres barbares plongeaient sa mère dans la nuit du tombeau (2).

Le cœur de Marie-Antoinette avait été déjà mis à une épreuve semblable deux ans auparavant, lorsqu'elle perdit sa fille, âgée seulement de onze mois. En vain les personnes qui étaient admises dans son intimité lui représentaient-elles le bas âge de la

(1) Voyez, à ce sujet, les Mémoires de Bailly, tome Ier, pages 94 et 103. Il y démontre combien cette accusation était absurde, et dans quelle intention on l'avait dirigée contre le tiers-état. (Note des nouv. édit.)

(2) Le 16 octobre 1793. Voyez l'ouvrage intitulé: Musée des monumens français, par Alexandre Lenoir, tome II, page 94,'cha

princesse, comme un motif qui devait alléger l'amertume de ses regrets; elle leur répondait : Oubliez-vous que c'eût été une amie? et ses larmes continuaient de couler aux noms de fille et d'amie.

Vers le milieu du mois de juin, l'ordre du tiersétat, las d'adjurer et de conjurer de se réunir à lui les deux autres ordres, qui, dès le mois précé dent, avaient fait la renonciation solennelle de tous leurs priviléges pécuniaires, le tiers-état, dis-je, crut qu'il ne pouvait différer plus long-temps de se constituer sans se rendre coupable envers la nation. Il invita et somma pour la dernière fois les deux autres ordres de venir se vérifier en commun, et l'on procéda ensuite à la vérification des pouvoirs par l'appel des bailliages. Quelques nouveaux membres du clergé se joignirent aux communes dans cet intervalle, et l'on acheva la vérification des pouvoirs de tous les députés présens à l'Assemblée. Alors, d'après la célèbre motion de l'abbé

pitre des Notes historiques sur l'exhumation faite en 1793 dans l'abbaye de Saint-Denis.

Marie-Antoinette eut quatre enfans de son union avec Louis XVI: 1o. Marie-Thérèse-Charlotte, née le 19 décembre 1778, qui a épousé le duc d'Angoulême, son cousin ;

2o. Louis-Joseph-Xavier, dauphin, né le 25 octobre 1781, mort le 4 juin 1789;

3°. Charles-Louis, né le 4 mars 1785, duc de Normandie jusqu'à la mort de son frère aîné; puis dauphin; mort en 1794 au Temple;

4°. Sophie-Hélène de France, née le 9 juillet 1786; morte le 19. juin 1787, âgée de 11 mois.

W.

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