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dessécher toutes les sources de la loyauté et du bonheur. L'athéisme a engendré la rébellion, et la rébellion va produire le meurtre, le régicide, l'incendie, la dévastation. Des sujets dénaturés vont se souiller du sang du plus juste des rois, du meilleur des pères. La plus auguste souveraine de l'Europe subira les humiliations, les affronts, le supplice des plus vils criminels. La bonté, la majesté, la grandeur, l'innocence, la piété, la jeunesse, la beauté, tout sera précipité dans le même abîme. Cependant de grands traits de fermeté, de fidélité, de dévouement, brilleront de temps en temps au milieu de ces catastrophes terribles, comme ces lueurs passagères qui se font apercevoir quelquefois au milieu des plus violentes tempêtes. Je les recueillerai avec soin pour reposer l'imagination épouvantée des horreurs que je vais avoir à décrire : sans cette consolation, je ne me serais peut-être jamais livré à la tâche que j'ai entreprise ; je n'aurais peutêtre pas eu le courage de retracer tous les maux que Marie-Antoinette a eu la force de supporter....

Louis XVI venait d'ouvrir les états-généraux par un discours où respiraient sa bonté et son amour pour ses sujets. C'est par ses discours publics et par ses réponses improvisées et ses lettres confidentielles que l'on peut juger l'ame bienfaisante l'esprit droit et éclairé de cet infortuné monarque.

Ses premières paroles aux notables réunis avaient été : « Mon cœur attend avec impatience le mo»ment où, entouré des représentans de mes fidèles

» sujets, je pourrai concerter avec eux les moyens » de réparer les maux de l'État, et, en maintenant » l'autorité que j'ai reçue de mes ancêtres, assurer » pour jamais le bonheur de mes peuples, qui en est » inséparable et qui sera toujours mon unique but. »

Dès que les représentans de ses sujets furent assemblés, il leur dit entre autres : « Une inquié» tude générale, un désir exagéré d'innovation se » sont emparés des esprits et finiraient par égarer » totalement les opinions, si l'on ne se hâtait de » la fixer par une réunion d'avis sages et modérés... >> Tout ce qu'on peut attendre du plus tendre in» térêt au bonheur public, tout ce qu'on peut de» mander à un souverain, le premier ami de ses » peuples, vous pouvez, vous devez l'attendre de » mes sentimens. >>

Quelques jours après on l'entendit répondre à une députation des états-généraux : « En vous ap >> pelant auprès de moi pour m'aider de vos conseils, je vous ai choisis capables de me dire la » vérité, comme ma volonté était de l'entendre. »

Les députés du tiers-état sentaient la force que leur donnait leur nombre égal à celui des deux autres ordres, ainsi que celui des partisans qu'ils avaient dans ces mêmes ordres ; aussi oublièrent; ils promptement qu'ils étaient les sujets du roi et même qu'ils n'étaient les délégués que d'une portion de la nation, c'est-à-dire de vingt-deux millions contre trois millions environ. Dès la première séance, un grand nombre d'entre eux ayant

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vu le roi se couvrir après avoir prononcé son discours, se couvrirent pareillement ; ce qui détermina le roi à ôter son chapeau et à avoir la tête découverte pendant tout le reste de la séance.

Les idées de la souveraineté du peuple avaient fermenté dans les têtes avant d'être mises en discussion; et comme les représentans du prétendu souverain présumaient qu'ils étaient les représentans de sa souveraineté, il croyaient dès lors pouvoir traiter au moins d'égal à égal avec le monarque qui les avait convoqués. Cette première démarche, à l'ouverture même des états-généraux, indiquait assez qu'ils ne tarderaient pas à regarder le véritable souverain comme un délégué salarié et responsable. Avant le 5 mai, ils avaient manifesté un grand mécontentement du costume qui leur avait été fixé pour les jours de cérémonie conformément à celui qui avait été mis en usage aux derniers états-généraux. L'amour-propre des députés du tiers avait été offensé, non-seulement de la trop grande simplicité de leur costume, comparé au costume antique et élégant de l'ordre de la noblesse, mais encore de la dénomination d'une partie de leur habillement (les chapeaux à bords rabattus, autrement dit les chapeaux clabauds). (1)

(1) Ces chapeaux ressemblaient à ceux que portent les quakers. On jugera par le costume de la noblesse combien l'observation de l'auteur est fondée. Voici la description de ce costume :

« Les nobles étaient en manteau noir relevé d'un parement d'étoffe d'or, la veste analogue au parement, les bas blancs, la era

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A mesure que les députés de tous les ordres arrivaient à Versailles, ils étaient admis à l'honneur de présenter leurs hommages au roi et à la reine. Un jour, des députés des trois ordres, attachés à l'ancien gouvernement, crurent qu'il était de leur devoir de faire à la reine des offres de services et des protestations de zèle et d'attachement à sa personne ; Sa Majesté leur répondit que ce n'était point à elle qu'ils devaient penser; que tout ce qu'elle leur demandait, tout ce qu'elle les suppliait de lui, accorder, c'était de faire en sorte que le respect dû au roi ne fût point affaibli.

Elle sentait que les premiers efforts des partisans du duc d'Orléans seraient de faire perdre à la nation le respect dû à l'héritier de soixante-six rois, qui avaient placé la France au premier degré de gloire et de puissance parmi les royaumes du monde. Elle voyait que c'était le but où tendait ce fameux comte de Mirabeau qui s'était fait députer par le tiers-état, après avoir été rejeté par

vate de dentelle et le chapeau à plumes blanches retroussé à la Henri IV; les cardinaux en chape rouge, les archevêques et évêques, placés sur la première banquette du clergé, en rochet, camail, soutane violette et bonnet carré ; les députés du tiers-état en habit noir, manteau court, cravate de mousseline, chapeau retroussé de trois côtés, sans ganse ni bouton. Les ministres d'épée avaient le même habit que les députés de la noblesse, les ministres de robe leur costume ordinaire. M. Necker était le seul acteur de ce grand spectacle qui fût en habit de ville ordinaire, pluie d'or sur un fond canelle, avec une riche broderie en paillettes. » Corresp. de Grimm, mai 1789, tome V, page 126.

(Note des nouv, édit.)

l'ordre de la noblesse de sa province. Cet orateur éloquent afficha, dès son début, le projet qu'il avait formé d'être premier ministre, et de gouverner la France à son gré. Il détestait la cour; il détestait l'ordre auquel il appartenait par sa naissance; il se répandait en propos incendiaires contre le roi et surtout contre Marie-Antoinette; il faisait circuler avec rapidité ses opinions sur le gouvernement, et ses calomnies contre ses souverains, au moyen d'une feuille périodique qu'il venait d'établir sous le titre de Courrier de Provence, ou Lettres du comte de Mirabeau à ses commettans: Les courtisans l'appelaient le comte plébéien (1).

(1) Comte plébéien. Mirabeau n'ignorait point que la cour lui donnait cette dénomination. A cette occasion, M. Sallier, dans ses Annales françaises, page 310, s'exprime en ces termes :

meux,

« Ce qu'on appelait alors patriotisme était tout; c'est-à-dire que celui qui avait affecté avec le plus d'éclat l'esprit d'indépendance et de démocratie, était regardé comme le plus digne. Le plus faà cette époque, entre ces personnages, était Mirabeau. Repoussé par la noblesse de son pays, il s'était adressé au tiers-état pour devenir son représentant. Les journaux ont raconté que, pour s'associer à cet ordre et se concilier la faveur populaire, il avait ouvert une boutique à Aix, avec cette inscription: Le comte de Mirabeau, marchand de draps; fait que je me suis peu occupé de vérifier. » Voici des circonstances qui rendent ce fait douteux. Le nom de Mirabeau était porté à côté de celui de Raynal sur les listes des candidats populaires; ce qui n'empêcha point le comte de se présenter à l'assemblée de la noblesse. La raison pour laquelle il en fut écarté fut qu'il fallait être possesseur de fiefs pour siéger dans cette assemblée. Il protesta contre cette mesure qui n'était en effet qu'un prétexte d'exclusion, et s'écria que les nobles avaient toujours juré la perte de ceux qui, parmi eux, se décla~ raient les patrons du peuple. « Ainsi périt, ajouta-t-il, le dernier

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