Imatges de pàgina
PDF
EPUB

rait un des noms les plus célèbres dans les sciences, il établit à Viroflay, près Versailles, un lieu de réunion que je puis appeler le quartier - général de l'insurrection. Toutes les fois que le peuple s'attroupa, soit sur le Pont-Neuf, soit dans le faubourg Saint-Antoine, soit sur la place de l'Hôtelde-Ville, on ne manqua jamais d'y voir ou le duc d'Orléans, sa livrée, ses voitures, ou quelque individu de sa maison.

Ce fut sous ces déplorables auspices que commença la grande scène de la révolution française. L'insurrection fut constituée en quelque sorte dès cette époque. Le Palais-Royal et les halles de Paris d'une part, et de l'autre toute la France, reconnaissaient respectivement leur roi. La loyauté, le droit, l'amour du peuple, l'honneur, la religion, étaient d'un côté : de l'autre, la sédition, l'infidélité, l'athéïsme, tous les vices ensemble donnant la main à tous les crimes; et pour contre-poids ou régulateur dans cette balance, un ministre étranger à la France, un homme ulcéré, ambitieux et présomptueux, qui n'avait aucun plan de formé, si ce n'est celui de rester à la tête de l'administration malgré

qui contrarie ses vues et ses tentatives. L'histoire, plus équitable, condamne, absout chacun distinctement, suivant ses faits et ses intentions personnelles; elle fait également la part de l'éloge et du blâme; elle sépare les amis d'une sage liberté des misérables qui l'ont souillée par leurs excès, et ne prononce jamais de ces arrêts qui ressemblent moins à des jugemens qu'à des proscriptions.

(Nate des nouv. édit. }

le roi, en flattant les passions et les préjugés populaires.

Les états-généraux s'ouvrirent avec beaucoup de pompe le 5 mai 1789. Je fus encore témoin de celte funeste cérémonie. Je suivis la procession qui eut lieu avant le service divin; j'entendis le sermon touchant que prononça Mgr. l'évêque de Nancy; j'assistai le soir à la fameuse séance d'ouverture de cette assemblée. Le roi prononça, avec l'accent pénétrant que la nature lui avait donné, un discours où respirait toute la bonté de son coeur paternel, et son amour pour ses sujets. J'observai avec émotion que Marie-Antoinette, très-simplement vêtue ce jour-là, se tint debout avec respect, pendant tout le temps que son roi invita les membres des états-généraux à travailler avec lui au bien public (1). J'entendis M. le garde-des-sceaux, de Ba

(1) Aucun des Mémoires historiques ne donne la description des lieux où s'assemblèrent les états-généraux. Ces circonstances locales sont pourtant d'un grand intérêt. La Correspondance de Grimm supplée au silence de presque tous les historiens, par une description que le lecteur sera bien aise de trouver ici.

:

« Donnons, dit-il, une idée du local. C'est une grande et belle salle de vingt pieds de longueur sur cinquante-sept de largeur en dedans des colonnes ces colonnes sont cannelées, d'ordre ionique, sans piédestaux, à la manière grecque; l'entablement est enrichi d'oves et au-dessus s'élève un plafond percé en ovale dans le milieu. Le jour principal, qui vient par cet ovale, était adouci par une espèce de tente en taffetas blanc. Dans les deux extrémités de la salle on a ménagé deux jours pareils qui suivent la direction de l'entablement et la courbe du plafond : cette manière d'éclairer la salle y répandait partout une lumière douce et parfaitement

rentin, prononcer ensuite un discours sage et mesuré sur la circonstance qui rassemblait les représentans de la nation. Enfin, je fus condamné à prêter l'oreille pendant deux heures à un verbiage insignifiant du ministre des finances, qui, débité d'un ton

égale, qui faisait distinguer jusqu'aux moindres objets, en donnant aux yeux le moins de fatigue possible. Dans les bas-côtés on avait disposé pour les spectateurs des gradins, et à une certaine hauteur des travées ornées de balustrades. L'extrémité de la salle, destinée à former l'estrade pour le roi et pour la cour, était sur→ montée d'un magnifique dais, dont les retroussis étaient attachés aux colonnes. Cette enceinte, élevée de quelques pieds en forme de demi-cercle, était tapissée tout entière de velours violet semé de fleurs de lis d'or. Au fond, sous un superbe baldaquin, garni de longues franges d'or, était placé le trône. Au côté gauche du trône, un grand fauteuil pour la reine et des tabourets pour les princesses'; au côté droit, des plians pour les princes; au pied du trône, à gauche, une chaise à bras pour le garde-des-sceaux ; à droite, un pliant pour le grand-chambellan; au bas de l'estrade, était adossé un banc pour les secrétaires d'État, et devant eux une grande table couverte d'un tapis de velours violet; à droite et à gauche de cette table, il y avait des banquettes recouvertes de velours violet, semé de fleurs de lis d'or: celles de la droite étaient destinées aux quinze conseillers d'État et aux vingt maîtres des requêtes invités à la séance; celles de la gauche, aux gouverneurs et lieutenans-généraux des provinces. Dans la longueur de la salle, à droite, étaient d'autres banquettes pour les députés du clergé; à gauche, pour ceux de la noblesse, et dans le fond, en face du trône, pour ceux des communes. Tous les planchers de la salle étaient couverts des plus beaux tapis de la Savonnerie.

>> C'est dans cette salle qu'entre neuf et dix heures, M. le marquis de Brezé et deux maîtres des cérémonies commencèrent à placer les députations suivant l'ordre de leurs bailliages: chacun des membres fut conduit à sa place par un des officiers des cérémonies cet arrangemeut employa plus de deux heures. En attendant, les

sec, avec l'accent d'un pédagogue, et n'offrant aucun trait qui atteignît la sensibilité d'un royaliste loyal, ou qui offrit des espérances au républicain caché, ne satisfit personne.

Cette journée fut une des plus pénibles de ma vie. Je ne sais quel sentiment intérieur m'avertissait des orages qui allaient éclore. L'inquiétude dont je savais que Marie-Antoinette était dévorée, avait passé dans mon sein. Je savais qu'on se disposait à entamer les matières les plus ardues de la politique et de la législation. J'entendais parler en tous lieux de contrat social, de droits de l'homme, de constitution, de liberté, d'égalité, de souveraineté du peuple. Je ne voulus connaître de droits que ceux que mes souverains adoptifs avaient sur ma fidélité, et dès ce moment je me fis un devoir de ne plus les quitter un seul instant, et de leur consacrer mon épée, mon sang et ma vie.

conseillers d'État, les gouverneurs, les lieutenans - généraux des provinces, les ministres et secrétaires d'État vinrent prendre aussi leurs places au milieu de l'enceinte du parquet. Lorsque M. Necker parut, il fut vivement applaudi; M. le duc d'Orléans le fut deux fois, et lorsqu'on le vit arriver avec les députés de Crépi en Valois, et lorsqu'il insista pour faire passer devant lui le curé de la députation. On applaudit aussi d'une manière très-distinguée les députés du Dauphiné. Quelques mains se disposaient à rendre le même hommage à la députation de Provence; mais elles furent arrêtées par un murmure désapprobateur, dont l'application personnelle ne put échapper à la sagacité de M. le comte de Mirabeau. >> Corresp. de Grimm, mai 1789, tome V, p. 124.

(Note des nouv. édit.)

CHAPITRE IV.

La famille royale de France pendant la révolution.

[ocr errors]
[blocks in formation]

[blocks in formation]

Assemblée nationale dite constituante. — Ouverture
Débats sur la vérification des pouvoirs.

des états-généraux.

Mort de monseigneur le dauphin. — Séance royale. — Prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. — Débats sur la déclaration des droits de l'homme et sur le véto, le 5 octobre 1789. — La famille royale conduite à Paris. Dangers que court la reine: sa fermeté.

DANS les chapitres précédens j'ai peint Marie-Antoinette entourée de tout l'éclat de l'un des plus beaux trônes de l'univers, fixant l'admiration générale, faisant le bonheur de son époux et la félicité de tous ceux qui l'approchaient ; j'ai développé ce que j'ai cru être les causes éloignées et immédiates des troubles qui éclatèrent en France dès 1788. J'ai essayé de représenter les mouvemens qui précédèrent la convocation des états-généraux, de tracer les vices de la composition de cette assemblée et les auspices funestes sous lesquels elle se réunit le 5 mai. J'ai préparé mes lecteurs aux scènes déplorables dont il me reste à leur offrir le tableau. Ils vont maintenant voir la chute progressive d'un trône antique et d'une maison puissante engloutie dans la plus affreuse des catastrophes. Je n'ai plus à retracer que des outrages journaliers faits à Sa Majesté, qu'une suite non interrompue de conspirations contre tout ce que la France avait jusque-là chéri et vénéré. Le vent des factions a soufflé; il va

« AnteriorContinua »