Imatges de pàgina
PDF
EPUB
[ocr errors]

alimenter cette aversion réciproque. Le duc d'Orléans avait conçu le projet d'une union entre un de ses fils et la fille de Louis XVI. Marie-Antoinette, qui dès lors voyait dans Mgr. le duc d'Angoulême l'époux futur de sa fille bien-aimée, de la princesse qui lui avait fait goûter la première le bonheur d'être mère, Marie-Antoinette s'opposa de la manière la plus ferme et la plus prononcée à une union qui lui répugnait sous tous les points de vue. Ce refus irrita encore des passions qu'il était si aisé d'enflammer.

Le duc d'Orléans avait fait de fréquens voyages en Angleterre ; et non-seulement il avait rapporté en France à son retour les modes, les usages, les jeux, les écarts mêmes de ce peuple voisin, nonseulement il s'était mis par ses jardins, son service domestique, ses chevaux, ses voitures, ses jockeis, ses courses, ses paris, à la tête de ceux qui propageaient alors en France ce qu'on appelait l'anglomanie (1), il en avait encore rapporté toutes les fausses notions de politique qui circulaient dans ce pays. En tête de ces fausses notions, on doit compter celle que, dans une monarchie mixte, le

(1) Nous avons remarqué plus haut avec quel engouement les jeunes seigneurs de Versailles avaient adopté la mise, les usages et les divertissemens des Anglais. Leurs principes et leurs opinions politiques s'introduisirent en France, si l'on veut parler ainsi, à la faveur de leurs modes et de leurs plaisirs, et, par cette raison même, nous insisterons sur tous les changemens qui, survenus dans les goûts, devaient aussi modifier les mœurs. Les détails sui

premier prince du sang doit nécessairement être le chef d'un parti de l'opposition. D'après ce principe, très-certainement inapplicable au gouvernement français, poussé en outre par le mécontentement qu'il avait déjà contre la cour, et voulant peut-être,

vans sur les courses de chevaux et de cabriolets sont extraits d'un ouvrage contemporain.

«Nos courses de chevaux ne finissent plus. Il y en a eu de trèsbrillantes la semaine dernière, et un pari de cabriolet entre le marquis de Fénélon et M. de Fontenille.

» Il s'agissait de savoir qui arriverait le plus vite à Versailles et reviendrait le plus tôt à Paris; les chevaux des parieurs ont un peu pâti de l'aventure : ils sont crevés l'un et l'autre, celui du premier à mi-course, celui du second en touchant au but : la gageure était de soixante louis et les chevaux en valaient cent. Cela s'appelle jouer à qui gagne perd. Dernièrement les chevaux de M. le comte d'Artois et de M. le duc de Chartres ont couru : le dernier a gagné. Le prince de Nassau a donné la revanche à M. de Fénélon; mais les coureurs étaient montés par les jokeis, c'est-à-dire leurs postillons; M. de Fénélon a encore perdu. On dit que M. de Polignac est allé en Angleterre acheter, pour le compte de M. le comte d'Artois, deux chevaux dont l'un coûtera 42,000 liv. et l'autre 32,000 liv. *. Il ne peut rien arriver de plus heureux aux Parisiens, que de voir se perpétuer ce genre d'amusement qui offre un spectacle superbe par l'affluence du monde qui se porte en voiture, à cheval, à pied, dans la plaine des Sablons, qui est devenue notre Newmarket. >>

M. le duc de Lauzun était cité à la cour parmi les plus ardens partisans des modes anglaises. Le même ouvrage lui en fait un reproche tout en lui rendant justice sous d'autres rapports.

<< M. le duc de Lauzun ne se conduit pas de manière à acquérir

* L'auteur de la Correspondance secrète paraît ici fort mal instruit des intentions du prince et de la valeur des chevaux. Il n'est point de cheval aussi cher, et M. le comte d'Artois n'aurait pas voulu sans doute se procurer le meilleur à pareil prix. (Note des nouv, édit. )

comme nous l'avons dit précédemment, imiter lé prince de Conti, le duc d'Orléans se crut obligé d'encourager tout ce qui présenta la moindre appatence d'opposition au gouvernement du roi. Lorsqué la cour des pairs était assemblée, lorsque le roi exerçait son autorité royale, toutes les fois que les notables furent convoqués, le duc d'Orléans sé montra toujours contraire aux vues bienfaisantes

la faveur du monarque. L'anglomanie le travaille; il a fait deux ou trois voyages à Londres, et en est revenu dénigrant les manières françaises et préconisant tout ce qui se fait en Angleterre. Le roi a marqué son mécontentement de la manière la plus visible, en disant : « que quand on aimait tant les Anglais, on devait » aller s'établir parmi eux, et les servir. » Suivant toutes les apparences, ses propos lui coûteront le régiment des gardes - françaises, auquel il paraissait destiné. On a de la peine à concevoir pourquoi tant de nos jeunes seigneurs ont la manie de vouloir ressembler aux Anglais; c'est, sans doute, parce qu'ils ont cessé d'être Français. Cependant il faut rendre à M. le duc de Lauzun la justice qu'il a les qualités du cœur. Ami de M. le duc de Choiseul, il ne l'a point abandonné depuis le moment de sa disgrâce, ou pour mieux dire de son triomphe. » Correspondance secrète de la cour de Louis XVI, tome III.

Ces détails auraient dû trouver place dans l'édition incomplète qu'on a donnée des Mémoires du duc de Lauzun. Quoi qu'il en soit, le goût passionné des usages et des jeux de nos voisins trouva moins de partisans dans le public qu'à la cour. Ce ridicule ou plutôt ce travers fut joué sur la scène, et l'on applaudit beaucoup ces vers de l'Anglomane de Saurin :

Tout peuple a ses défauts et tout peuple a son prix.
Mais à des préjugés s'il faut que l'on se livre,

Par préférence un citoyen doit suivre

Ceux qui lui font aimer son prince et son pays.

(Note des nouv. édit.)

res,

de la cour, et aux plans qui pouvaient maintenir la tranquillité de l'État. Il se ligua avec les magistrats turbulens; il appela auprès de lui ceux des hommes tarés et brouillons qui montraient quelques talens; il remplit de déclamateurs les clubs et les cafés de son palais; il fit, contre son usage et malgré ses goûts, donner au peuple des secours extraordinaiet distribuer des aumônes assez abondantes aux pauvres, à l'époque où les états-généraux allaient s'ouvrir; il supporta deux exils consécutifs avec la fermeté d'un homme qui veut prendre l'attitude d'une victime; il prit pour chancelier un homme perdu de dettes et de moeurs, il fit son secrétaire intime d'un officier d'artillerie dont le seul titre à sa confiance était la composition d'un roman scandaleux. Ce fut là l'homme qu'il chargea, de concert avec un niveleur atrabilaire, de rédiger, pour ses bailliages, des instructions où se trouvaient tous les germes d'une république. Lorsqu'il fut question de donner un gouverneur à ses enfans, il choisit par bizarrerie, pour une fonction qui n'aurait dû appartenir qu'à un homme, une femme d'une réputation plus qu'équivoque, et pour laquelle madame la duchesse d'Orléans éprouvait un éloignement naturel; cette comtesse de Genlis dont les inévitables et inépuisables écrits se sont répandus, et continuent de se répandre encore sur l'Europe, comme un torrent (1). Il appela et lcgea

(1) Je dois dire en passant que si madame de Genlis contribua aux premières impressions que les jeunes princes d'Orléans reçu

dans son palais ce Chamfort, qui avait été seerétaire de Mgr. le prince de Condé, et qui, en abandonnant le noble séjour de la loyauté pour entrer dans celui de la rébellion, proposa et mit à sa place ce malheureux régicide qui depuis osa lire la sentence de mort à Louis XVI (1). Enfin, lorsque la convocation des étals-généraux eut lieu, loin dẹ se ranger avec les autres princes du sang autour du trône, pour le protéger de toute son influence et de sa popularité, on le vit rechercher une place parmi les factieux dont la famille Necker protégeait particulièrement la nomination, et se coaliser avec le comte de Mirabeau, le duc d'Aiguillon, Camille-Desmoulins, Sieyes, le duc de Biron, La Touche, Marat, Pétion, le comte de La Mark, les Lameth, l'époux de la vicomtesse de Beauharnais, le marquis de Saint-Huruge, et nombre d'artisans de révolte de toutes les classes (2). Attaché alors à une femme qui déshono

rent dans les commencemens de la révolution, et aux fautes graves que deux d'entre eux commirent alors, cependant, par l'éducation qu'elle leur donna, par le goût qu'elle leur inspira de bonne heure pour l'étude, pour l'application à tous les exercices da corps et de l'esprit, et pour la réflexion sur les vicissitudes de la fortune, ils sont devenus des princes accomplis, de véritables hommes, qui déjà ont réparé les erreurs de leur jeunesse et feront oublier un jour les crimes de leur père. W.

(1) Grouvelle.

W.

(2) Parmi les noms que vient de citer Weber, il en est qui doivent être étonnés de se trouver ensemble. Il faut ranger au nombre des traits les plus distinctifs de l'esprit de parti, cet emportement avec lequel il rapproche et confond dans sa haine tout ce

« AnteriorContinua »