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Quelle était, je le répète encore, cette souveraine que les outrages et l'imposture allaient rechercher avec tant de violence dans sa vie publique et privée? C'était la princesse à qui le noble et bouillant Gustave III, dans les transports de l'admiration qu'elle lui causa, jura qu'elle était sa dame, et qu'il serait son chevalier pour la défendre contre tous les félons et déloyaux qui oseraient ouvrir la bouche contre elle; promesse qu'il allait effectuer, lorsque le poignard d'un assassin vint terminer sa vie, et fit avorter les projets qu'il avait conçus. C'était l'amie intime de cette princesse si vertueuse, si douce et si pure, qui semblait un› ange déposé par le ciel au milieu de la famille royale, pour la consoler dans les jours d'affliction; l'amie intime de madme Élizabeth, dont la figure réunissait à la beauté de la reine, les traits de bonté: qui caractérisaient son auguste frère. Cette princesse de mœurs irréprochables et d'une piété exemplaire, cette ame toute céleste, était liée par

terie française multiplia ces sortes d'allusións; une des plus ingénieuses est celle à laquelle avait donné lieu une démarche du chapitre noble de Notre-Dame de Bourboug, en Flandre, auprès, de Marie-Antoinette. En consentant à prendre le titre de première chanoinesse du chapitre, la reine décora les dames d'un cordon jaune liseré de noir, auquel était attachée une croix émaillée portant d'un côté l'image de la sainte Vierge, et de l'autre le portrait de Sa Majesté. M. le duc de Nivernais composa la légende. Autour de l'image de la sainte Vierge on lisait : Ave, Maria, et au¬ tour du portrait de la reine, gratiá plená.

(Note des nouv...édit.)

la plus tendre affection à Marie-Antoinette; croirat-on jamais dans l'avenir que cette femme, si digne d'être adorée, eût voué et conservé à la reine l'attachement inaltérable qu'elle lui témoigna, si la reine eût donné le plus léger fondement à la moindre des accusations que la faction de ses ennemis a pu insinuer ou avancer contre sa conduite? L'amitié constante de madame Élisabeth répondrait à toutes les calomnies, réfuterait tous les libelles, s'il était besoin de leur répondre et de les réfuter.

On attendra de moi sans doute que je dévoile ici quelle était cette cabale, cette faction qui poursuivait ainsi l'infortunée Marie-Antoinette. Je sens combien ma tâche devient pénible, et je puis assurer avec vérité qu'avant de prendre la plume, j'ai souvent formé des vœux sincères pour qu'il me fût permis de jeter un voile sur les auteurs et les fauteurs de cette malveillance qui a précipité ma protectrice dans l'abîme de malheurs où elle a été engloutie. Obligé de remonter, pour en trouver la source, au milieu d'une famille dont les chefs m'avaient accueilli et couvert de faveurs, ce n'est qu'avec une véritable douleur que je me vois obligé de placer le duc d'Orléans, le premier prince du sang, à la tête de cette faction.

Louis-Philippe d'Orléans avait reçu de la nature les dispositions les plus heureuses, et une beauté de formes peu commune. Ses premières années eurent un éclat extraordinaire. Malheureusement il

fut livré de bonne heure à la dissipation, et à la société d'une foule d'hommes perdus de réputation et de mœurs, qui lui persuadèrent que le grand principe de la vie devait être l'oubli de tous les principes et le mépris de l'opinion publique. Propriétaire d'un palais où la galanterie et la volupté semblaient, depuis le temps licencieux de la régence, avoir fixé leur séjour, il se plongea, peu de temps après son entrée dans le monde, dans la débauche et même dans la crapule. Époux de la vertueuse, de l'incomparable fille du duc de Penthièvre, il se dérobait à ses chastes embrassemens pour se livrer à des orgies dont la description étonnerait encore, si elle n'avait pas eu, dans toutes les classes de la société, d'aussi nombreux témoins qui en déposent encore aujourd'hui. Aux Arétins seuls appartient la tâche de dévoiler ces honteux mystères. Il me suffira de dire que bientôt la physionomie du duc d'Orléans s'altéra, et qu'elle se revêtit d'empreintes ineffaçables qui témoignaient à tous les yeux de ses excès dans tous les genres. Il séduisit et entraîna bientôt dans les mêmes excès un jeune prince, son beau-frère, qui était appelé à être un jour l'héritier du nom, des vertus, et de l'immense fortune du duc de Penthièvre (1). Le prince de Lamballe venait à peine de contracter, avec une princesse de la maison de Savoie, une

(1) Voyez les Mémoires du baron de Besenval, tome II, p. 125. (Note des nouv. édit.)

union qui s'annonçait sous les auspices les plus heureux, lorsqu'une maladie affreuse vint l'enlever à la fleur de l'âge, à une épouse charmante et au plus vertueux père. Comme cette mort prématurée assurait au duc d'Orléans un héritage considérable, il fut difficile de persuader au public qu'il ne l'avait pas au moins provoquée par ses conseils et son exemple; car de l'avoir causée sciemment et par cupidité, serait un crime si atroce et si peu familier à l'âge qu'avait alors atteint le duc d'Orléans, qu'il y aurait eu plus que de l'injustice à ajouter foi aux propos qui furent tenus à cette époque, et auxquels sa conduite subséquente a malheureusement donné trop de poids. Quoi qu'il en soit, l'immoralité dont il faisait parade ne permit jamais à Marie-Antoinette de l'admettre dans ces cercles privés qu'elle tenait à Versailles et à Trianon, cercles d'où j'ai déjà dit que la gaieté et l'enjouement qui y régnaient, n'excluaient point la décence et le respect des convenances. Ce fut d'abord sur ces réunions de ce que la cour avait de plus aimable, que les partisans et les compagnons de débauche du duc d'Orléans lancèrent leurs sarcasmes envenimés. Et cependant l'exclusion du duc d'Orléans et celle de ses amis prouvait précisément le contraire de ce que l'on cherchait à persuader au public par ces insinuations indirectes! A la vengeance que l'on voulait tirer au Palais-Royal de cet éloignement de la reine, se joignait encore le ressentiment des doutes que F'on exprimait à la cour sur la bravoure

que les amis du duc d'Orléans prétendaient qu'il avait montrée au combat naval d'Ouessant; doutes qui furent bientôt des certitudes aux yeux du public par la nomination de M. le duc d'Orléans à la place de colonel-général des hussards, nomination qui l'obligeait à renoncer pour toujours au service maritime, et lui ôtait l'espoir d'obtenir la place de grand-amiral de France qu'il convoitait (1). Ces. sarcasmes respectifs étaient répétés, colportés et empoisonnés par les désœuvrés et les factieux subalternes qui inondaient les portiques du PalaisRoyal, et qui partageaient les principes, la conduite, souvent les faveurs, et jusqu'à la familiarité intime de son propriétaire.

Plusieurs circonstances contribuèrent encore à

(1) Nous avons rapporté, page 126 de ce volume, plusieurs des plaisanteries auxquelles fut exposé M. le duc de Chartres, après le combat d'Ouessant. Nous citerons ici sur le même sujet un mot d'autant plus piquant, qu'il était dit sans aucun malin-vouloir Nous empruntons cette anecdote à la Correspondance de Grimm.

« A la fête de madame de Genlis, on voulut faire après souper une promenade sur la rivière : bateaux très-ornés, collation délicieuse, musique charmante, on n'avait rien oublié pour la rendre agréable. Déjà l'on était embarqué et prêt à partir, lorsqu'il ne se trouva pas un batelier en état de conduire la petite flotte: on s'aperçut que tous étaient ivres, et plusieurs d'entre eux ivre-morts. La compagnie, très-nombreuse, n'eut pas moins d'empressement alors à sortir des bateaux qu'elle n'en avait eu à y entrer : on se précipitait les uns sur les autres avec beaucoup d'inquiétude, et M. de Schomberg, livré à une de ses distractions accoutumées disait froidement à M. le duc de Chartres: Monseigneur, ceci ressemble à nos campagnes sur mer. » (Note des nouv, édit.)

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